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26/06/2008 | FRANCE | N°316550

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 juin 2008, 316550


Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Aissetou A, demeurant chez M. B, ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 7 février 2007 du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de délivrer un vi

sa d'entrée en France à ses deux enfants au titre du regroupement familial ...

Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Aissetou A, demeurant chez M. B, ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 7 février 2007 du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de délivrer un visa d'entrée en France à ses deux enfants au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Abidjan de réexaminer la demande de visa dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie, dès lors que ses enfants sont séparés d'elle depuis plusieurs années alors qu'elle a obtenu en 2005 le statut de réfugié ; que cette urgence est renforcée par le projet de mariage forcé que le père des enfants a entrepris pour sa fille Kadi ; que les actes de naissance produits n'ont aucun caractère frauduleux ; que les registres d'état civil de Gagnoa ayant été endommagés du fait des troubles survenues en Côte d'Ivoire, Kadi C a dû faire reconstituer son acte de naissance ; que l'erreur matérielle qui affecte l'acte reconstitué n'est pas de nature à faire douter de la filiation de Mlle Kadi C à l'égard de sa mère ; que la procédure de reconstitution des actes d'état civil mise en oeuvre par les administrations de Côte d'Ivoire, même non prévue par le législateur, répond à une nécessité et ne permet pas de douter de la valeur des actes produits ; que c'est le tuteur du père des enfants qui a déclaré sa naissance de sorte qu'aucun doute n'existe quant à la filiation de Yacouba C ; que le père des enfants a consenti une délégation volontaire de la puissance paternelle en faveur de la requérante ; que celle-ci subvient aux besoins des enfants ; que les refus de visa reposent sur une erreur d'appréciation ;

Vu la copie du recours enregistré le 6 avril 2007 devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la copie de la requête à fin d'annulation ;

Vu, enregistré le 19 juin 2008, le mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les décisions contestées sont nées depuis plus d'un an et demi de sorte que la condition d'urgence ne paraît pas remplie ; qu'aucune pièce ne corrobore la menace d'un mariage forcé à l'égard d'une jeune fille que son père a expressément autorisée à partir ; que les documents d'état civil produits ne sont pas authentiques ; que s'agissant de Kadi C, les autorités n'ont pas répondu à la levée d'acte ; que ni la destruction des registres d'état civil ni la mise en oeuvre de procédures de reconstitution des actes ne sont démontrées ; que l'acte de naissance de Sokona C, présenté comme le père des enfants, a été établi plusieurs années après sa naissance ; que la requérante elle-même ne semble pas très sûre de la date de naissance de ses enfants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part Mme Aissetou A et d'autre part le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 24 juin 2008 à 11h30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme Aissetou A ;

- Mme Aissetou A ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que Mme A, de nationalité ivoirienne, entrée en France en juillet 2004, a obtenu le 5 janvier 2005 le statut de réfugiée ; que, pour rejeter les demandes de visas de long séjour présentées pour ses enfants, Kadi C, née en 1989, et Yacouba C, né en 1996, les services consulaires français à Abidjan, dont la décision a été implicitement confirmée par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, se sont fondés sur l'absence d'authenticité des actes d'état civil produits ;

Considérant qu'eu égard à la durée de la séparation subie par Mme A et ses enfants, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant, d'une part, que les doutes existant sur l'authenticité de l'acte de naissance du père de Yacouba C ne permettent pas à eux seuls de suspecter les liens de filiation de cet enfant avec sa mère ; que, d'autre part, si des incertitudes subsistent quant aux conditions dans lesquelles aurait été reconstitué l'acte de naissance de Kadi C à la suite de la destruction volontaire des registres d'état civil de sa commune de naissance située dans une région de Côte d'Ivoire soumise à des troubles ethniques, d'autres éléments de preuve ont été apportés à l'audience du juge des référés à l'appui de l'existence de liens de filiation entre Mme A et Kandi C ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexactitude du motif opposé aux demandes de visa de long séjour présentés par Mme A pour ses enfants paraît, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'en prononcer la suspension et d'enjoindre aux autorités consulaires françaises à Abidjan de réexaminer les demandes de visas présentées pour Kadi et Yacouba C ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'accorder, en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, l'admission provisoire de la requérante à l'aide juridictionnelle ; que la S.C.P. Alain-François Roger et Anne Sevaux, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, est fondée à demander que soit mise à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de la décision refusant des visas de long séjour à Kadi et Yacouba C est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint aux autorités consulaires françaises à Abidjan de réexaminer les demandes de visas de long séjour présentées pour Kadi et Yakouba C dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à la S.C.P. Alain-François Roger et Anne Sevaux, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Aissetou A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 316550
Date de la décision : 26/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2008, n° 316550
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Marie-Eve Aubin
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:316550.20080626
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