La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2008 | FRANCE | N°306918

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 11 juillet 2008, 306918


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 9 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE, dont le siège est 13 avenue Morane Saulnier à Vélizy Villacoublay (78942) ; la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 2 novembre 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Paris rejetant sa demand

e tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 3 ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 9 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE, dont le siège est 13 avenue Morane Saulnier à Vélizy Villacoublay (78942) ; la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 2 novembre 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 3 294 586,88 euros en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative et tendant à ce que lui soit accordée une provision de 3 206 485,60 euros, d'autre part, l'a condamnée à payer une amende de 3 000 euros pour recours abusif ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du référé que, par courrier du 10 août 2006 adressé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE a introduit une demande en réparation du préjudice financier qu'elle estimait avoir subi du fait des modalités de remboursement, prévues à l'article 271 A du code général des impôts, de la créance née de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; que par cette demande, la société requérante sollicitait le versement d'une somme globale de 3 206 485,30 euros correspondant, d'une part, à hauteur de la somme de 2 720 984,24 euros à la différence entre les intérêts calculés au taux de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts et ceux qui lui ont été versés par l'administration fiscale sur le fondement des dispositions de l'article 271 A du même code et, d'autre part, à hauteur de la somme de 485 501,06 euros, au préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du mécanisme de remboursement différé prévu par l'article 271 A du code général des impôts ; qu'à la suite du refus implicite opposé par le service à cette demande, la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE a saisi le 3 octobre 2006 le juge des référés du tribunal administratif de Paris d'une demande tendant au versement d'une provision d'un montant de 3 294 586,88 euros en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; que la société requérante se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant en référé, a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 2 novembre 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la provision mentionnée ci-dessus et, d'autre part, l'a condamnée à payer une amende de 3 000 euros pour recours abusif sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;

Considérant qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'obligation dont se prévaut la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE ne pouvait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur le caractère sérieux des difficultés juridiques soulevées par les questions tenant, d'une part, à la compatibilité des arrêtés pris par le ministre du budget, sur le fondement des dispositions de l'article 271 A du code général des impôts, fixant le niveau du taux d'intérêt afférent à la créance née de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée, avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, à la possibilité d'invoquer, pour contester le taux d'intérêt retenu pour cette créance sur le Trésor, les dispositions de l'article 1153 du code civil, ou encore à la conformité de ces arrêtés aux dispositions de l'article 271 A du code général des impôts ;

Considérant, d'une part, qu'en jugeant ainsi, et en recherchant si la condition tenant à l'absence de caractère contestable de la créance en litige prévue par les dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative était satisfaite, la cour, qui n'a pas fondé sa décision sur le seul motif tiré de ce que la compatibilité des dispositions de l'article 271 A du code général des impôts avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est de nature à susciter une difficulté sérieuse, mais a également examiné les autres moyens dont elle était saisie, y compris celui tiré de ce que les arrêtés pris par le ministre du budget pour fixer le taux d'intérêt afférent à la créance sur le Trésor née de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois méconnaîtraient les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas dénaturé le moyen qui lui était soumis ;

Considérant, d'autre part, qu'en déduisant des difficultés sérieuses soulevées par le litige que les sommes demandées par la société requérante en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'immobilisation d'une créance sur le Trésor rémunérée à un taux d'intérêt insuffisamment élevé ne pouvaient être regardées comme constituant une obligation à la charge de l'Etat qui n'était pas sérieusement contestable, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ni entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ;

Considérant qu'eu égard à l'objet de la requête de la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE et aux moyens qui y étaient développés, la cour administrative d'appel de Paris l'a inexactement qualifiée d'abusive ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il a condamné la société requérante à une amende pour recours abusif ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société KRAFT FOODS FRANCE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 16 mai 2007 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE est rejeté, ainsi que les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE KRAFT FOODS FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 306918
Date de la décision : 11/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2008, n° 306918
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Vallée Laurent
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:306918.20080711
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award