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22/07/2008 | FRANCE | N°317420

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 juillet 2008, 317420


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre, d'une part, l'exécution de la délibération du 24 avril 2008 du jury d'attribution de diplôme de conservateur des bibliothèques arrêtant le classement des élèves conservateurs des bibliothèques et refusant à M. A l'attribution de ce diplôme, et d'autre part l'exécution de la décision du 27 ma

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Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre, d'une part, l'exécution de la délibération du 24 avril 2008 du jury d'attribution de diplôme de conservateur des bibliothèques arrêtant le classement des élèves conservateurs des bibliothèques et refusant à M. A l'attribution de ce diplôme, et d'autre part l'exécution de la décision du 27 mai 2008 de la directrice de l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB) décidant de prolonger pour six mois le stage de M. A et arrêtant le programme de ce stage ainsi que ses modalités d'évaluation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que le juge des référés du Conseil d'Etat est compétent pour connaître de la requête de M. A ; que l'urgence résulte du fait que les candidats déclarés admis par le jury d'attribution de diplôme de conservateur des bibliothèques ont pris leurs fonctions depuis le 1er juillet 2008 ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, le jury a décidé de neutraliser la note du stage professionnel effectué par les élèves, méconnaissant ainsi le règlement de scolarité qui régit l'évaluation des élèves ; que la neutralisation de la note de stage a été effectuée en la remplaçant pour chaque élève par une moyenne des notes précédemment obtenues ; que le calcul de cette moyenne n'a pris en compte que les notes d'une partie des unités d'enseignement et des modules professionnels ; que cette neutralisation a gravement préjudicié au requérant puisque la prise en compte de l'évaluation de son stage lui aurait permis d'obtenir le diplôme de conservateur de bibliothèque ; que la décision de la directrice de l'ENSSIB du 27 mai 2008 de prolonger pour six mois la durée de son stage est également illégale ; qu'en effet elle résulte directement de la délibération du jury, elle-même entachée d'illégalité ; que par ailleurs la directrice de l'ENSSIB n'était pas compétente pour prendre cette décision dans la mesure où il revenait au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de prononcer la prolongation du stage ; que cette même décision du 27 mai 2008 prévoit des modalités d'évaluation particulières de la prolongation du stage du requérant, méconnaissant à la fois le règlement de scolarité de l'école et l'égalité entre les candidats ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2008, présenté par l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB), qui conclut au rejet de la requête ; elle soutient que le tribunal administratif de Lyon est compétent pour connaître du litige ; que la condition d'urgence n'est pas réalisée ; qu'en effet la délibération du jury du 24 avril 2008 n'est pas relative à un concours mais à un examen professionnel de fin d'études qui vise seulement à évaluer les compétences des élèves ; que le nombre d'emplois proposé par le Ministre est égal au nombre des stagiaires, ce qui souligne que la délibération du jury arrêtant la liste des diplômés ne vise pas à sélectionner un nombre restreint de candidats ; que la décision de prolonger la durée du stage ne porte pas préjudice à la situation financière du requérant puisqu'il continuera de percevoir un traitement ; que la décision de neutraliser la note de stage des élèves résulte des évaluations, en majorité inexploitables, rendues par les maîtres de stage ; que ces évaluations se sont en effet avérées superficielles et parfois même complaisantes puisque 85% des notes rendues ont été des A alors que la grille d'évaluation comportait 4 niveaux de A à D et que les évaluations réalistes, peu nombreuses, pénalisaient les élèves concernés ; qu'ainsi la prise en compte de ces évaluations aurait conduit à traiter les élèves de manière inéquitable ; que la décision de ne prendre en compte qu'une partie des enseignements pour la notation des élèves a résulté d'un mouvement collectif des stagiaires contestant leur charge de travail ; que dans la crainte d'une défection massive aux épreuves du deuxième trimestre qui aurait conduit à un faible nombre de titularisations, décision a été prise de n'évaluer que les matières les plus importantes ; que cette décision a d'ailleurs été acceptée par les représentants des élèves et par l'ensemble de la promotion ; qu'en conséquent certaines unités d'enseignement n'ont pas donné lieu à évaluation mais qu'en revanche toutes les notes effectivement données ont été prises en compte ; qu'en ce qui concerne la situation propre du requérant, la prise en compte des appréciations de stage n'aurait pas modifié sa place dans le classement des élèves ; que la proposition de prolongation de stage ne lui porte pas préjudice puisqu'il conserve la possibilité d'être titularisé ou de réintégrer son corps d'origine ; que la décision de prolonger la durée de son stage a été prise par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a été formalisée le 5 juin 2008 mais avait été communiquée à la directrice précédemment, que par conséquent le moyen tiré de l'incompétence de la directrice de l'ENSSIB est inopérant ; que les modalités d'évaluation particulières de la prolongation de stage ont été adoptées du fait de l'absence de toute disposition réglant cette situation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 juillet 2008, présenté pour M. A ; il soutient que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de la délibération du jury du 24 avril 2008 dans la mesure où l'ENSSIB est un établissement public national d'enseignement et que la décision de prolonger la durée du stage du requérant relève également de la compétence du Conseil d'Etat étant donnée la connexité entre ces deux décisions ; que la condition d'urgence est remplie, qu'il s'agisse aussi bien d'un concours que d'un examen professionnel, dans la mesure où la délibération du jury prive le requérant de sa titularisation dans le corps des conservateurs des bibliothèques ; qu'au regard de sa situation financière le prolongement de son stage le prive de primes qu'il aurait perçues s'il avait été titularisé et le contraint à des dépenses de logement ; que la décision de neutraliser la note de stage revenait à ne pas prendre en compte la valeur professionnelle du requérant ; qu'en ce qui concerne la légalité de la décision contestée, la directrice de l'ENSSIB n'était pas compétente pour modifier unilatéralement le règlement de scolarité adopté par le conseil d'administration de l'école et décider de n'évaluer que les matières les plus importantes, quelles qu'aient été par ailleurs les revendications des élèves ; qu'ainsi les membres du jury, eu égard à l'illégalité manifeste de la décision de la directrice de ne pas évaluer toutes les matières figurant au programme d'enseignement, ont manqué à leurs obligations ; que la décision de prolonger la durée du stage, prise par le ministre, doit être regardée comme une validation a posteriori d'une décision prise par la directrice seule ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation faite par un jury d'examen de la valeur d'un candidat, qu'ainsi les arguments contestant au requérant ses qualités professionnelles ne sont pas recevables ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 92-25 du 9 janvier 1992 relatif à l'ENSSIB ;

Vu le décret n° 92-26 du 9 janvier 1992 portant statut particulier du corps des conservateurs des bibliothèques et du corps des conservateurs généraux des bibliothèques ;

Vu l'arrêté du 15 avril 1997 fixant les modalités du classement des conservateurs des bibliothèques stagiaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 18 juillet 2008 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendu :

- Me Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- M. Jean A ;

- la représentante de l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 juillet 2008, présenté par l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, suite à l'audience publique, et qui tend au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 21 juillet 2008 le nouveau mémoire présenté pour M. A, qui tend aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Sur la compétence au sein de la juridiction administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du décret n° 92-25 visé ci-dessus, « les conservateurs stagiaires recrutés par les concours prévus à l'article 4 du décret du 9 janvier 1992 susvisé et qui ont satisfait aux obligations de scolarité de l'école font l'objet à l'issue d'épreuves de contrôle de leurs connaissances et de leurs aptitudes d'un classement par ordre de mérite. Un arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur fixe les modalités de ce classement, la composition du jury chargé de l'établir et les conditions de délivrance du diplôme de conservateur des bibliothèques » ; que le classement ainsi établi par le jury à l'issue de la scolarité, qui a le caractère d'un concours et non d'un examen professionnel, est organisé dans un cadre national ; que le jury constitue donc un organisme collégial à compétence nationale au sens des dispositions de l'article R. 311-1-4° du code de justice administrative ; que la décision du 27 mai 2008, par laquelle la directrice de l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB) a décidé de prolonger le six mois le stage de M. A en qualité de conservateur de bibliothèque stagiaire, n'est contestée que par voie de conséquence de l'annulation de la délibération du jury du 24 avril 2008 ne comprenant pas M. A dans le classement ; que cette décision doit ainsi être regardée, eu égard aux conditions dans laquelle elle est contestée, comme connexe à la délibération du jury ; que les deux décisions dont la suspension est demandée relèvent donc bien de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ;

Sur l'urgence :

Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence le justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;

Considérant d'une part que la prolongation du stage de M. A ne compromet pas la possibilité pour celui-ci d'être titularisé ; que M. A continue de percevoir son traitement de professeur agrégé ; que sa situation entraîne certains inconvénients matériels, qui sont le propre de tout élève en cours de scolarité, elle ne porte pas par elle-même un préjudice grave au sens des dispositions précitées ;

Considérant qu'autre part que si M. A fait valoir l'intérêt public qu'il y a à suspendre immédiatement l'application de la délibération du jury, en raison de la certitude d'une annulation ultérieure, il est constant qu'à la date à laquelle statue le juge des référés le jury de classement a épuisé ses compétences et ne serait plus en état de revenir sur la neutralisation de l'épreuve de stage, critiquée par le requérant ; qu'en l'absence de possibilité, pour l'autorité administrative, de remédier à brefs délais aux irrégularités invoquées, l'exécution de la délibération attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à un intérêt public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas en l'espèce réunie ; que la demande de suspension ne peut donc qu'être rejetée ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A et au l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques.

Copie en adressée au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 317420
Date de la décision : 22/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2008, n° 317420
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: M. Marc Dandelot
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:317420.20080722
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