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24/09/2008 | FRANCE | N°304707

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 24 septembre 2008, 304707


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 avril 2007, présentée par la SAS JARDINERIE DU MOULIN, dont le siège social est Lieu-dit Ourtoulanes, RN 9, à Pia (66380) ; la SAS JARDINERIE DU MOULIN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 12 février 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société Georges Delbard, l'autorisation préalable requise pour exploiter une jardinerie à l'enseigne Delbard, d'une surface de vente de 5 573 m², sur le territoire de la commune de Rivesaltes (

66600) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Georges...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 avril 2007, présentée par la SAS JARDINERIE DU MOULIN, dont le siège social est Lieu-dit Ourtoulanes, RN 9, à Pia (66380) ; la SAS JARDINERIE DU MOULIN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 12 février 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société Georges Delbard, l'autorisation préalable requise pour exploiter une jardinerie à l'enseigne Delbard, d'une surface de vente de 5 573 m², sur le territoire de la commune de Rivesaltes (66600) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Georges Delbard la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 modifiée ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gérard-David Desrameaux, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Georges Delbard,

- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SAS JARDINERIE DU MOULIN conteste la décision du 12 février 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a accordé à la société Georges Delbard l'autorisation préalable requise en vue de créer une jardinerie d'une surface de vente de 5 573 m² sur le territoire de la commune de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 752-3 du code de commerce : Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial (...) les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou plusieurs tranches ; / 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; / 3° Soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ; / 4° Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-1 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 752-5 du même code : Les demandes portant sur la création d'un magasin de commerce de détail ou d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 d'une surface de vente supérieure à 6 000 m² sont accompagnées des conclusions d'une enquête publique portant sur les aspects économiques, sociaux et d'aménagement du territoire du projet prescrites dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne s'appliquent qu'aux demandes portant sur des projets de création ; que, d'autre part, le projet contesté, qui n'a pas été conçu dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier que le magasin Leroy-Merlin et d'autres moyennes surfaces situées à proximité, ne dépend pas d'une structure commune, ne bénéficie pas d'aménagements communs, ni ne fait l'objet d'une gestion commune avec ces équipements, ne fait donc pas partie d'un ensemble commercial ; que sa surface de vente étant inférieure à 6 000 m², il n'entre pas dans le champ des dispositions ci-dessus rappelées ; que, par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant et ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour l'application des dispositions combinées des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et d'autre part, en évaluant, son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant que, pour l'application de ces dispositions, la zone de chalandise de l'équipement commercial faisant l'objet d'une demande d'autorisation, qui correspond à la zone d'attraction que cet équipement est susceptible d'exercer sur la clientèle, est délimitée en tenant compte des conditions d'accès au site d'implantation du projet et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder ; que, dans un second temps, l'inventaire des équipements commerciaux ou artisanaux de la zone de chalandise ainsi délimitée est effectué en retenant l'ensemble de ceux qui relèvent du même secteur d'activité que celui du projet, y compris ceux qui sont exploités sous la même enseigne que celle sous laquelle le projet, objet de l'autorisation, a été présenté ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la zone de chalandise sur laquelle la commission a fondé sa décision, correspondant à un temps de trajet en voiture de trente minutes autour du site d'implantation du projet, ait été, eu égard à la dimension et aux caractéristiques de ce projet, inexactement définie ; que l'omission de la commune de Latour-Bas-Elne située dans la zone ainsi délimitée, a été corrigée par les services instructeurs, qui ont également fait un recensement exhaustif de l'équipement existant, incluant notamment l'animalerie à l'enseigne Zooland ; que l'exclusion de la commune de Saint-Cyprien est justifiée par son éloignement du site ; que, dans ces conditions le moyen tiré de l'inexactitude de la zone de chalandise doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que le dossier de demande contient, conformément aux dispositions de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993, une évaluation des risques que comporte la réalisation du projet sur l'emploi existant dans d'autres commerces de même nature que le projet contesté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'analyse du pétitionnaire, selon laquelle la réalisation du projet devrait se traduire par la création de vingt-quatre emplois à temps plein et cinq à temps partiel et par l'absence de destructions d'emplois dans les commerces existants, n'aurait pas permis à la commission nationale d'équipement commercial de porter une appréciation sur la situation de l'emploi dans ce secteur après réalisation du projet ;

Considérant, en quatrième lieu, que le dossier de présentation comporte l'analyse des flux de véhicules attendus ainsi que des conditions de circulation sur les voies d'accès au site, en distinguant la période estivale, qui ne correspond pas, au demeurant, compte tenu de la nature du magasin, à des périodes de flux supplémentaires de clientèle ;

Considérant, enfin, qu'après la réalisation du projet contesté, les densités d'équipements de même nature seront largement supérieures aux moyennes nationale et départementale de référence ; que le projet de la société Georges Delbard est ainsi de nature à compromettre l'équilibre entre les différentes formes de commerce ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la réalisation du projet est de nature à diversifier l'offre commerciale, à renforcer la concurrence entre les enseignes dans ce secteur, à rééquilibrer l'appareil commercial vers le nord de l'agglomération en limitant les déplacements conformément aux objectifs du schéma de cohérence territoriale et qu'elle contribuera à la création d'emplois ; qu'ainsi les effets positifs du projet autorisé compensent, en l'espèce, les inconvénients du déséquilibre créé entre les différentes formes de commerce ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commission nationale d'équipement commercial, qui n'avait pas à se prononcer sur chacun des critères fixés par le législateur, aurait fait une inexacte appréciation des principes ci-dessus rappelés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Georges Delbard, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SAS JARDINERIE DU MOULIN ; qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, de mettre à la charge de la SAS JARDINERIE DU MOULIN la somme de 4 000 euros demandée par la société Georges Delbard ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SAS JARDINERIE DU MOULIN est rejetée.

Article 2 : La SAS JARDINERIE DU MOULIN versera une somme de 4 000 euros à la société Georges Delbard en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS JARDINERIE DU MOULIN, à la société Georges Delbard, à la commission nationale d'équipement commercial et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 304707
Date de la décision : 24/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 sep. 2008, n° 304707
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: M. Gérard-David Desrameaux
Rapporteur public ?: M. Struillou Yves
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:304707.20080924
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