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28/11/2008 | FRANCE | N°322612

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 28 novembre 2008, 322612


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Cyrille A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 14 novembre 2008 portant ordre de mutation et d'affectation au centre national d'entraînement commando de Mont-Louis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 d

u code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgenc...

Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Cyrille A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 14 novembre 2008 portant ordre de mutation et d'affectation au centre national d'entraînement commando de Mont-Louis ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'imminence des effets de la décision litigieuse est réelle ; que la portée de la décision attaquée génèrerait un préjudice difficilement réparable ; que la décision contestée porte atteinte au respect de la vie familiale ; que cette atteinte est grave dans la mesure où l'exécution de la décision litigieuse ferait obstacle à la poursuite de la vie en commun du requérant et de sa compagne ; que cette atteinte est manifestement illégale dès lors que la décision litigieuse s'analyse en réalité en une sanction disciplinaire prononcée en dehors de tout fondement textuel et sans respect des règles de procédure disciplinaire ; que la décision attaquée, non motivée, vise un texte abrogé et est entachée de détournement de procédure dans la mesure où il est manifeste qu'elle n'a pas été prise dans l'intérêt du service mais en considération de la personne de l'exposant ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 26 novembre 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la requête est irrecevable dans la mesure où elle n'a pas été précédée d'un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires (CRM) ; que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir d'une situation d'urgence dès lors qu'il s'est lui-même placé en dehors de son statut ; que l'atteinte portée à la liberté de vivre avec sa famille ne satisfait pas à la condition de gravité dans la mesure où le requérant s'est placé dans une situation d'insubordination ; qu'il ne justifie aucunement avoir conclu un pacte civil de solidarité avec sa compagne, laquelle demeure en position de disponibilité du ministère de l'éducation nationale jusqu'à l'été 2009 ; qu'au surplus, ils n'ont ni enfant, ni parent en Polynésie française ; que la décision attaquée ne porte pas une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale dès lors qu'elle ne peut être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée ;

Vu, enregistré le 26 novembre 2008, le mémoire en réplique présenté pour M. A, qui persiste dans les conclusions de sa requête et soutient les mêmes moyens ; il précise, en outre, que sa requête est recevable dans la mesure où il n'était pas tenu de saisir au préalable la commission des recours des militaires eu égard à la nature disciplinaire de la décision contestée ; que la situation d'urgence est caractérisée dès lors qu'elle ne résulte pas d'une négligence de l'exposant à exercer les recours qui s'offraient à lui ; que l'atteinte portée à la liberté de vivre avec sa famille est grave dès lors que la conjointe du requérant se trouve dans une position administrative et contractuelle qui ne lui permettrait pas de le suivre ; que l'atteinte portée au respect de la vie familiale est manifestement illégale dans la mesure où la décision attaquée s'analyse comme une sanction disciplinaire faisant suite au prononcé du relèvement de commandement et ne pouvant dès lors pas être rattachée au principe de mobilité caractérisant les militaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de la défense ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 novembre 2008 à 14 heures au cours de laquelle ont été entendus les représentants du ministre de la défense ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public... aurait porté, dans l'exercice de l'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) » ;

Considérant que M. Cyrille A, capitaine de l'armée de terre, a été affecté pour deux années à compter du 25 juillet 2007 au groupement de service militaire adapté en Polynésie, détachement de Tubuai ; qu'il a été l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires ; que, notamment, il lui a été infligé en dernier lieu quinze jours d'arrêts le 13 octobre 2008 et trente jours d'arrêts le 29 octobre 2008 ; qu'en outre, pour mettre fin à la situation de tension croissante entre cet officier et son chef de corps, M. Cyrille A a fait l'objet d'un déplacement d'office au centre national d'entraînement commando de Mont-Louis prononcé dans l'intérêt du service par ordre de mutation du 14 novembre 2008, dont il demande la suspension ; que ce déplacement étant envisagé en considération de la personne, l'intéressé a été au préalable, le 13 octobre 2008, avisé de l'éventualité de cette mesure et invité avec un délai de huit jours à présenter ses observations ; qu'il a pris connaissance de son dossier avant l'intervention de la mesure, ainsi qu'il résulte du procès-verbal du 22 octobre 2008 ;

Considérant que si le requérant soutient que son déplacement d'office, prononcé au visa d'un texte selon lui inapplicable, constitue une sanction disciplinaire déguisée, non prévue par les dispositions statutaires, intervenue sans observer la procédure disciplinaire, notamment la communication préalable du dossier, dépourvue de motivation et constitutive d'un détournement de procédure ces moyens ne sont pas, en l'état dans lequel l'affaire se présente devant le juge du référé et alors qu'il n'est pas soutenu et qu'il ne ressort ni des pièces du dossier ni des débats oraux que l'intéressé va subir un déclassement dans sa nouvelle affectation, de nature à établir une atteinte manifestement illégale à la liberté de vivre avec sa conjointe, invoquée par M. Cyrille A ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence de prendre une mesure dans les 48 heures et sur la gravité de l'atteinte alléguée, eu égard aux conditions d'exercice de l'activité militaire, la requête y compris la demande de remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peut qu'être rejetée;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Cyrille A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Cyrille A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 322612
Date de la décision : 28/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2008, n° 322612
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Serge Daël

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:322612.20081128
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