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17/12/2008 | FRANCE | N°316000

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 17 décembre 2008, 316000


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ODDO et CIE, dont le siège est 12, boulevard de la Madeleine à Paris (75440 cedex 9) ; la SOCIETE ODDO et CIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 février 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant, d'une part, qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros en raison des faits commis par la société Cyril Finance qu'elle a absorbée le 30 octobre 2005 et, d'autre part, q

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Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ODDO et CIE, dont le siège est 12, boulevard de la Madeleine à Paris (75440 cedex 9) ; la SOCIETE ODDO et CIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 février 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant, d'une part, qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros en raison des faits commis par la société Cyril Finance qu'elle a absorbée le 30 octobre 2005 et, d'autre part, qu'elle a ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales et obligatoires ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général du Conseil des marchés financiers ;

Vu la décision du Conseil des marchés financiers n° 2002-01 du 27 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ ODDO et CIE et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé le 21 février 2008 une sanction pécuniaire de 50 000 euros à l'encontre de la SOCIETE ODDO et CIE, venant aux droits et obligations de la société Cyril Finance, en raison des manquements commis par cette dernière aux règles de la profession de prestataire de services d'investissement et consistant, sans avoir mis en oeuvre les procédures et les moyens adaptés à la détection des conflits d'intérêts, à émettre des analyses financières sur la société Gespac Systèmes tout en octroyant des financements à cette société en difficulté économique ; que la SOCIETE ODDO et CIE demande l'annulation de cette sanction ainsi que de la décision par laquelle la commission des sanctions en a ordonné la publication ;

Sur les conclusions dirigées contre la sanction pécuniaire de 50 000 euros :

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision de la commission des sanctions que le caractère fautif des agissements relevés à l'encontre de la SOCIETE ODDO et CIE a notamment été apprécié au regard des dispositions des articles 3-1-1, 3-1-8, 3-1-9 et

3-1-10 du règlement général du Conseil des marchés financiers, en vigueur à la date où les faits ont été commis et non, contrairement aux allégations de la requérante, au regard des articles

313-21 et 313-26 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers applicable au 1er novembre 2007 ; qu'aux termes de l'article 3-1-1 : Les règles de bonne conduite édictées au présent titre établissent (...) les principes généraux de comportement et leurs règles essentielles d'application et de contrôle, auxquels doivent se conformer le prestataire habilité et les personnes agissant pour son compte ou sous son autorité. / Les dirigeants du prestataire habilité veillent au respect des présentes dispositions et à la mise en oeuvre des ressources et des procédures adaptées. / Les activités (...) sont exercées avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l'intégrité du marché (...) / Les règles de bonne conduite (...) constituent (...) une obligation professionnelle ; que sur le fondement des articles 3-1-8 à 3-1-10, un déontologue désigné par le prestataire habilité organise les conditions de surveillance des transactions sur instruments financiers effectuées par ce dernier et recense notamment, dans une liste d'interdiction, les instruments financiers sur lesquels, compte tenu de la nature des informations détenues par le prestataire habilité, celui-ci s'abstient d'intervenir pour son compte propre et de diffuser une analyse financière ; que la méconnaissance de ces prescriptions était de nature à justifier le prononcé de sanctions ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'absence de base légale, au titre des dispositions mentionnées, de la décision de sanction ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 622-8 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors en vigueur : Le Conseil des marchés financiers peut, pour l'application de son règlement général et l'exercice de ses autres compétences définies par le présent chapitre, prendre des décisions de portée générale ou individuelle ; que pour l'application des dispositions précitées de l'article 3-1-1 et des autres dispositions du titre III du règlement général du Conseil des marchés financiers alors en vigueur, l'article 4 de la décision n° 2002-01 du 27 mars 2002 relative aux prescriptions applicables aux prestataires de services d'investissement produisant et diffusant des analyses financières a, dans le respect de l'article L. 622-8, rappelé au prestataire habilité l'obligation de se doter des procédures et moyens adaptés à la détection des situations de conflits d'intérêts impliquant l'analyse financière et a précisé les procédures applicables ; qu'il suit de là que la SOCIETE ODDO et CIE n'est pas fondée à soutenir que la décision n° 2002-01 du 27 mars 2002, sur le fondement de laquelle la sanction contestée a notamment été prise, aurait excédé le champ de l'habilitation du législateur ;

Considérant qu'eu égard à la mission de régulation dont est investie l'Autorité des marchés financiers, et alors qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de l'opération de fusion absorption intervenue le 31 octobre 2005, la société Cyril Finance a, conformément aux dispositions de l'article L. 236-3 du code de commerce, été absorbée intégralement par la SOCIETE ODDO et CIE sans être liquidée ni scindée, cette dernière peut faire l'objet d'une sanction pécuniaire sans que soit méconnu le caractère personnel qui s'attache, y compris pour les personnes morales, aux responsabilités susceptibles d'être mises en cause par la commission des sanctions ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de publication :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

Considérant que si les exigences d'intérêt général relatives au bon fonctionnement du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants peuvent justifier que la sanction pécuniaire infligée à une société soit assortie d'une publication, afin de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées les irrégularités qui ont été commises, le principe de responsabilité personnelle fait obstacle, au regard de la portée punitive et du caractère de sanction complémentaire que revêt également la publication, à ce que l'autorité disciplinaire ordonne la publication de la sanction pécuniaire infligée à une société en raison des manquements commis par une autre société qu'elle a entre temps absorbée ; que ne pouvant légalement procéder à la publication d'une décision comportant la sanction de faits reprochés à la SOCIETE ODDO et CIE, société absorbante, en raison de manquements commis, avant son absorption, par la société Cyril Finance, société absorbée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers avait l'obligation soit, de statuer par une décision distincte non publiée sur les griefs articulés à l'encontre de la SOCIETE ODDO et CIE soit, en cas de décision unique, de prévoir des modalités de publication de sa décision ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs reprochés à cette dernière société, en tant que personne morale propre, ainsi qu'à la sanction qui lui a été infligée ; qu'en tant qu'elle ne l'a pas fait, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a entaché sa décision d'illégalité ; que cette décision doit, dans cette mesure, être annulée ; qu'en pareille hypothèse et dans les cas où la décision attaquée a déjà fait l'objet d'une publication, il appartient à l'Autorité des marchés financiers de prévoir la publication de la décision du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que celles de la décision annulée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SOCIETE ODDO et CIE et l'Autorité des marchés financiers ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 21 février 2008 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est annulée en tant qu'elle n'a pas prévu de modalités de publication ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs reprochés à la SOCIETE ODDO et CIE, en tant que personne morale propre, en raison des manquements commis, avant son absorption, par la société Cyril Finance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Autorité des marchés financiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ODDO et CIE et à l'Autorité des marchés financiers.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316000
Date de la décision : 17/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - CONSTITUTION ET PRINCIPES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE - PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE RESPONSABILITÉ PERSONNELLE - A) MÉCONNAISSANCE - EXISTENCE - PUBLICATION D'UNE DÉCISION DE SANCTION INFLIGÉE À UNE SOCIÉTÉ EN RAISON DE MANQUEMENTS COMMIS PAR UNE AUTRE SOCIÉTÉ QU'ELLE A ENTRE TEMPS ABSORBÉE [RJ1] - B) CONSÉQUENCES.

01-04-005 a) Si les exigences d'intérêt général relatives au bon fonctionnement du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants peuvent justifier que la sanction pécuniaire infligée à une société soit assortie d'une publication, afin de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées les irrégularités qui ont été commises, le principe de responsabilité personnelle fait obstacle, au regard de la portée punitive et du caractère de sanction complémentaire que revêt également la publication, à ce que l'autorité disciplinaire ordonne la publication de la sanction pécuniaire infligée à une société en raison des manquements commis par une autre société qu'elle a entre temps absorbée. b) Ne pouvant légalement procéder à la publication d'une décision comportant la sanction de faits reprochés à la société absorbante, en raison de manquements commis, avant son absorption, par la société absorbée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers avait l'obligation, soit de statuer par une décision distincte non publiée sur les griefs articulés à l'encontre de la société absorbante soit, en cas de décision unique, de prévoir des modalités de publication de sa décision ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs reprochés à cette dernière société, en tant que personne morale propre, ainsi qu'à la sanction qui lui a été infligée. En tant qu'elle ne l'a pas fait, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a entaché sa décision d'illégalité. Lorsque la publication a déjà eu lieu, il appartient à l'Autorité des marchés financiers de publier la décision annulant la sanction de publication dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles cette dernière a été publiée.

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - CAPITAUX - OPÉRATIONS DE BOURSE - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE RESPONSABILITÉ PERSONNELLE - A) MÉCONNAISSANCE - EXISTENCE - PUBLICATION D'UNE DÉCISION DE SANCTION INFLIGÉE À UNE SOCIÉTÉ EN RAISON DE MANQUEMENTS COMMIS PAR UNE AUTRE SOCIÉTÉ QU'ELLE A ENTRE TEMPS ABSORBÉE [RJ1] - B) CONSÉQUENCES.

13-01-02-01 a) Si les exigences d'intérêt général relatives au bon fonctionnement du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants peuvent justifier que la sanction pécuniaire infligée à une société soit assortie d'une publication, afin de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées les irrégularités qui ont été commises, le principe de responsabilité personnelle fait obstacle, au regard de la portée punitive et du caractère de sanction complémentaire que revêt également la publication, à ce que l'autorité disciplinaire ordonne la publication de la sanction pécuniaire infligée à une société en raison des manquements commis par une autre société qu'elle a entre temps absorbée. b) Ne pouvant légalement procéder à la publication d'une décision comportant la sanction de faits reprochés à la société absorbante, en raison de manquements commis, avant son absorption, par la société absorbée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers avait l'obligation, soit de statuer par une décision distincte non publiée sur les griefs articulés à l'encontre de la société absorbante soit, en cas de décision unique, de prévoir des modalités de publication de sa décision ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs reprochés à cette dernière société, en tant que personne morale propre, ainsi qu'à la sanction qui lui a été infligée. En tant qu'elle ne l'a pas fait, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a entaché sa décision d'illégalité. Lorsque la publication a déjà eu lieu, il appartient à l'Autorité des marchés financiers de publier la décision annulant la sanction de publication dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles cette dernière a été publiée.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - AUTORITÉS ADMINISTRATIVES TITULAIRES DU POUVOIR DE SANCTION - AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS - COMMISSION DES SANCTIONS - PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE RESPONSABILITÉ PERSONNELLE - A) MÉCONNAISSANCE - EXISTENCE - PUBLICATION D'UNE DÉCISION DE SANCTION INFLIGÉE À UNE SOCIÉTÉ EN RAISON DE MANQUEMENTS COMMIS PAR UNE AUTRE SOCIÉTÉ QU'ELLE A ENTRE TEMPS ABSORBÉE [RJ1] - B) CONSÉQUENCES.

59-02-02-01 a) Si les exigences d'intérêt général relatives au bon fonctionnement du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants peuvent justifier que la sanction pécuniaire infligée à une société soit assortie d'une publication, afin de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées les irrégularités qui ont été commises, le principe de responsabilité personnelle fait obstacle, au regard de la portée punitive et du caractère de sanction complémentaire que revêt également la publication, à ce que l'autorité disciplinaire ordonne la publication de la sanction pécuniaire infligée à une société en raison des manquements commis par une autre société qu'elle a entre temps absorbée. b) Ne pouvant légalement procéder à la publication d'une décision comportant la sanction de faits reprochés à la société absorbante, en raison de manquements commis, avant son absorption, par la société absorbée, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers avait l'obligation, soit de statuer par une décision distincte non publiée sur les griefs articulés à l'encontre de la société absorbante soit, en cas de décision unique, de prévoir des modalités de publication de sa décision ne comportant pas de référence directe ou indirecte relative aux griefs reprochés à cette dernière société, en tant que personne morale propre, ainsi qu'à la sanction qui lui a été infligée. En tant qu'elle ne l'a pas fait, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a entaché sa décision d'illégalité. Lorsque la publication a déjà eu lieu, il appartient à l'Autorité des marchés financiers de publier la décision annulant la sanction de publication dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles cette dernière a été publiée.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 22 novembre 2000, Société Crédit Agricole Indosuez Chevreux, n° 207697, p. 537 ;

Section, 6 juin 2008, Société Tradition Securities and Futures, n° 299203, à publier au Recueil, feuilles roses pp. 5, 11-12, 63.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2008, n° 316000
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:316000.20081217
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