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04/02/2009 | FRANCE | N°312411

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 04 février 2009, 312411


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier 2008 et 5 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS, dont le siège est 3 rue Frédéric Degeorges B.P. 345 à Arras Cedex (62026) ; la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 janvier 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, à la demande de la société Archimat, a annulé la procéd

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Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier 2008 et 5 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS, dont le siège est 3 rue Frédéric Degeorges B.P. 345 à Arras Cedex (62026) ; la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 janvier 2008 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, à la demande de la société Archimat, a annulé la procédure de passation de la concession de service public portant création et exploitation d'un crématorium et d'un jardin cinéraire sur le territoire de Beaurains, engagée par la communauté urbaine d'Arras, et a enjoint à celle-ci, si elle entend conclure une délégation de même objet, de reprendre la procédure de passation au stade de la publication, en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

2°) de mettre à la charge de la société Archimat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS et de Me Le Prado, avocat de la société Archimat,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation de marchés publics (...) et des conventions de délégation de service public (...)./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS a souhaité confier à un prestataire la construction et l'exploitation d'un crématorium et d'un jardin cinéraire ; qu'elle a, à cet effet, fait paraître des avis d'appel à candidatures au bulletin officiel des annonces des marchés publics, dans un quotidien local et dans une revue spécialisée ; que la société Dubosqueille, assistée de la société Archimat, a présenté sa candidature et que cette dernière a été retenue par la collectivité publique ; que toutefois, après l'engagement des négociations relatives aux offres, la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS a informé la société qu'elle n'entendait plus poursuivre les discussions ; que la société Archimat a déposé devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille une requête en référé pré-contractuel, enregistrée par cette juridiction le 17 décembre 2007 ; que, par une première ordonnance du 18 décembre 2007, le juge des référés pré-contractuels a ordonné à la communauté urbaine de différer la signature du contrat ; que, par l'ordonnance attaquée du 4 janvier 2008, il a annulé la procédure ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si le texte de l'avis paru au bulletin officiel des annonces des marchés publics, issu du formulaire électronique type, fait apparaître en raison de la conception de ce dernier la mention marché dans l'intitulé et le contenu d'une de ses rubriques, toutefois, les mentions délégation de service public et concession , qui apparaissent neuf fois dans cet avis, dont une fois dans le titre, ainsi que la référence explicite aux articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, sont de nature à exclure toute ambiguïté quant à la nature du contrat pour les candidats potentiels ; qu'en relevant le contraire, le juge des référés pré-contractuels a dénaturé les pièces du dossier ; que, par conséquent, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du 4 janvier 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Lille ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de statuer au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant que la société Archimat soutient, en premier lieu, que la mention procédure ouverte figurant dans l'avis d'appel public à candidatures a introduit une ambiguïté quant à la nature de la procédure ; qu'il résulte cependant de l'instruction que l'avis a décrit la procédure à suivre avec une précision suffisante pour écarter toute incertitude à ce sujet ; que, si la société Archimat soutient également que l'avis a méconnu les règles de publicité et de mise en concurrence en ne mettant pas les candidats potentiels en mesure de connaître la date de signature du contrat et, par conséquent, la durée de validité de leurs offres, alors d'ailleurs qu'aucune règle applicable n'impose à une collectivité qui se propose de passer une délégation de service public de faire connaître la date prévue pour la signature du contrat, il résulte de l'instruction que l'avis a, en précisant que la conclusion du contrat devait intervenir au cours du 1er semestre 2008, permis aux entreprises d'appréhender la durée de validité de leurs offres ; que de même, si la société requérante soutient que l'obligation figurant dans l'avis d'appel à candidatures de faire parvenir les documents sous triple enveloppe n'était pas assortie de précisions suffisantes en sorte que les entreprises candidates risquaient de commettre, dans la présentation de leurs candidatures et de leurs offres, des irrégularités faisant obstacle à l'examen de leurs propositions, cette mention d'une triple enveloppe désignait clairement l'ensemble formé par l'enveloppe extérieure, l'enveloppe contenant la candidature et celle réservée à l'offre, ces éléments découlant sans ambiguïté du libellé de l'appel public à candidatures ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que les ambiguïtés et imprécisions de l'avis d'appel à candidature auraient été constitutives de manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence manquent en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'avis d'appel public à candidatures a emprunté des termes au vocabulaire des marchés publics, il n'a pas fait naître une ambiguïté susceptible d'induire en erreur les candidats potentiels, dès lors, ainsi qu'il a été dit, que le titre de l'avis et l'utilisation systématique des mentions délégation de service public ou concession étaient de nature à exclure toute ambiguïté ;

Considérant, en troisième lieu, que l'entreprise soutient qu'en affichant une durée de la convention comprise entre 20 et 25 ans, la collectivité publique a introduit une incertitude quant à la durée du contrat, constitutive d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ; qu'il est cependant loisible à la collectivité d'indiquer les durées potentielles de la délégation au regard desquelles s'exerce la concurrence, à condition il est vrai que ces potentialités n'induisent pas une incertitude telle qu'elle puisse empêcher des entreprises de présenter utilement leurs offres ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que tel ait été le cas en l'espèce, ni d'ailleurs et en tout état de cause que l'entreprise aurait été lésée ou susceptible d'être lésée à ce titre ;

Considérant, en quatrième lieu, que la société Archimat soutient que la durée de 20 à 25 ans prévue par l'avis d'appel public à la concurrence est excessive ; qu'il ne ressort toutefois de l'instruction, ni que cette durée est excessive eu égard à l'objet de la convention qui comporte l'édification et l'exploitation d'un crématorium, d'un parc avec un jardin cinéraire et la fourniture des équipements associés, ni d'ailleurs que ce caractère excessif allégué, à le supposer établi, serait susceptible d'avoir lésé ou risquait de léser, directement ou indirectement, la société Archimat ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;

Considérant enfin, qu'en vertu de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 l'autorité responsable de la personne publique délégante choisit librement, au vu des offres présentées, celui ou ceux des candidats admis à présenter une offre avec qui elle entend mener des négociations ; que, par suite, la société Archimat n'est pas fondée à soutenir que la communauté urbaine aurait manqué à ses obligations en ne négociant pas avec l'ensemble des candidats ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande en référé pré-contractuel présentée par la société Archimat devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille ;

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la somme de 3 000 euros que demande la société Archimat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Archimat la somme de 2 500 euros demandée par la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 4 janvier 2008 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Archimat devant le tribunal administratif de Lille et les conclusions de cette société présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Archimat versera à la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE D'ARRAS et à la société Archimat.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312411
Date de la décision : 04/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE. - MANQUEMENT À CES FORMALITÉS - ABSENCE - INDICATION D'UNE DURÉE DE LA DÉLÉGATION DE SERVICE PUBLIC COMPRISE ENTRE 20 ET 25 ANS DANS L'AVIS D'APPEL À CANDIDATURE.

39-02-005 En indiquant, dans l'avis d'appel à candidatures pour l'attribution d'une concession de service public portant création et exploitation d'un crématorium et d'un jardin cinéraire, une durée de la délégation de service public comprise entre 20 et 25 ans, la collectivité publique n'a pas introduit une incertitude sur la durée du contrat de nature à empêcher les entreprises de présenter utilement leurs offres.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2009, n° 312411
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:312411.20090204
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