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05/02/2009 | FRANCE | N°291627

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 05 février 2009, 291627


Vu 1°) sous le n° 291627, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 24 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société par action simplifiée (SAS) LEAF FRANCE, dont le siège est ZI Ravennes-les-Francs, avenue Calmette B.P. 100 à Bondues (59587 cedex) ; la SAS LEAF FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°/ d'annuler le jugement du 19 janvier 2006 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur

les propriétés bâties auxquelles la SA Sophia a été assujettie au titre ...

Vu 1°) sous le n° 291627, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 24 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société par action simplifiée (SAS) LEAF FRANCE, dont le siège est ZI Ravennes-les-Francs, avenue Calmette B.P. 100 à Bondues (59587 cedex) ; la SAS LEAF FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°/ d'annuler le jugement du 19 janvier 2006 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la SA Sophia a été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003 dans les rôles de la commune de Bondues, ainsi que des pénalités y afférentes et d'autre part, à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la SA Sophia a été assujettie au titre des années 1998 à 2003 dans les rôles de la même commune ;

2°/ réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes tendant respectivement à la décharge et à la réduction de ces impositions ;

3°/ de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°) sous le n° 307658, le pourvoi, enregistré le 19 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SAS LEAF FRANCE, dont le siège est ZI Ravennes-les-Francs, avenue Calmette B.P. 100 à Bondues (59587 cedex) ; la SAS LEAF FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°/ d'annuler le jugement du 5 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la SA Sophia a été assujettie au titre de l'année 2004 dans les rôles de la commune de Bondues ;

2°/ réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°/ de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le décret n° 82-809 du 22 septembre 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SAS LEAF FRANCE,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat de crédit-bail immobilier du 14 décembre 1989, la société immobilière pour le commerce et l'industrie (SICOMI) Interbail, devenue la société Sophia, s'est engagée, en tant que chef de file et mandataire d'un groupement comprenant deux autres SICOMI, à financer la construction, par le Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) pour le développement de Ravennes-les-Francs, d'un ensemble immobilier à construire, avant le 30 avril 1992, sous la maîtrise d'ouvrage du SIVU, afin de mettre cet ensemble immobilier à disposition de la société Lamy-Lutti ; qu'une autre convention du même jour, conclue notamment entre le bailleur, le preneur et le SIVU de Ravennes-les-Francs, stipulait qu'un concours correspondant à 25 % du prix de revient total de la construction serait accordé par le SIVU, la société Lamy-Lutti prenant, en contrepartie, l'engagement de maintenir sur le territoire des communes appartenant au SIVU, pendant douze ans, des activités permettant l'emploi d'au moins 500 personnes ; que la SAS LEAF FRANCE, venant aux droits de la société Lamy Lutti, après avoir vainement contesté auprès de l'administration, pour le compte de la SA Sophia, le montant de la base retenue pour l'évaluation de l'ensemble immobilier qu'elle exploite en vertu de ce contrat de crédit-bail, a demandé au tribunal administratif de Lille, par une première demande, la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à la charge de la société Sophia, pour ces immeubles dont elle est propriétaire, dans les rôles de la commune de Bondues au titre des années 2001 à 2003 et la réduction des mêmes cotisations au titre des années 1998 à 2003 et, par une deuxième demande, la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à la charge de la société Sophia dans les rôles de la même commune au titre de l'année 2004 ; que la SAS LEAF FRANCE se pourvoit en cassation contre les jugements du 19 janvier 2006 et du 5 avril 2007 par lesquels le tribunal administratif de Lille a rejeté ses deux demandes ;

Sur la régularité du jugement du 19 janvier 2006 :

Considérant que si la SAS LEAF FRANCE soutient que le tribunal administratif de Lille a insuffisamment motivé son jugement en se fondant sur une convention du 14 décembre 1989 qui ne figure pas parmi les pièces du dossier soumis à ce tribunal, il ressort toutefois de ces pièces qu'il s'est fondé sur des stipulations de la convention mentionnées dans les écritures des deux parties ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement du 19 janvier 2006 serait insuffisamment motivé doit être écarté ;

Sur la régularité du jugement du 5 avril 2007 :

Considérant que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait insuffisamment analysé les conclusions et moyens de la société requérante, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, qui n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé des jugements :

Considérant qu'aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 324 AE de l'annexe III au même code : Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies de la présente annexe ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de la même annexe au même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat majoré des frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien ;

Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par un contrat du 13 décembre 1991, passé devant notaire, la vente de l'ensemble immobilier par le SIVU aux SICOMI a été conclue au prix de 103 172 000 F hors taxes, étant précisé dans le contrat que la valeur vénale des biens vendus était de 134 712 000 F et que la différence entre le prix de vente hors taxe et la valeur vénale correspond au rabais consenti par le vendeur à l'acquéreur ; que le tribunal administratif, qui a relevé que cette différence de prix avait été accordée en contrepartie d'un engagement de créer et maintenir l'emploi d'au moins 500 personnes pendant une durée de douze ans, n'a pas inexactement qualifié les faits en jugeant que le concours du SIVU, octroyé dans l'exercice de ses compétences en matière d'aide économique, devait être regardé, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts et de son annexe III, comme une subvention accordée par le syndicat pour le financement de l'acquisition à raison des finalités d'intérêt général de l'opération et non comme une réduction du prix de vente consentie par le vendeur ; que, dès lors, malgré la dénomination de rabais figurant tant dans l'acte de vente que dans les dispositions alors applicables de l'article 2 du décret n° 82-809 du 22 septembre 1982, en vertu desquelles les collectivités territoriales ou leurs groupements pouvaient accorder des rabais sur le prix de vente des immeubles cédés ou loués aux entreprises, le tribunal administratif, qui s'est fondé, sans dénaturer les pièces du dossier, sur les stipulations susmentionnées des conventions passées pour la réalisation de l'opération, n'a entaché les deux jugements attaqués ni d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique en jugeant que la valeur d'origine, au sens des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts précité, de l'ensemble immobilier en cause correspondait à la totalité du coût de construction, sans qu'il y ait lieu de déduire le concours du SIVU ;

Considérant qu'en jugeant que la documentation administrative de base 6 C-2134, portant sur les conditions de l'appréciation de la valeur locative par unité foncière, dont la société requérante entendait se prévaloir devant lui sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne comportait aucune interprétation formelle de la loi fiscale, le tribunal administratif n'a pas entaché ses jugements d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS LEAF FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation des deux jugements par lesquels le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les deux instances, la partie perdante, les sommes que la société requérante demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois n° s 291627 et 307658 de la SAS LEAF FRANCE sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS LEAF FRANCE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 291627
Date de la décision : 05/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - QUESTIONS COMMUNES - VALEUR LOCATIVE DES BIENS - IMMOBILISATIONS INDUSTRIELLES PASSIBLES D'UNE TAXE FONCIÈRE (ART - 1499 DU CGI) - CALCUL FONDÉ SUR LE PRIX DE REVIENT - LEQUEL S'ENTEND DE LA VALEUR D'ORIGINE (ART - 324 AE ET 38 QUINQUIES DE L'ANNEXE III AU CGI - DANS SA RÉDACTION ANTÉRIEURE AU DÉCRET DU 28 DÉCEMBRE 2005) - NOTION - TOTALITÉ DU COÛT D'ACQUISITION - PARTICIPATION D'UNE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE AU FINANCEMENT DES IMMOBILISATIONS - EN CONTREPARTIE D'UN ENGAGEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE L'EXPLOITANT - INCLUSION [RJ1].

19-03-01-02 Pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la méthode applicable aux immobilisations industrielles prévue à l'article 1499 du CGI prescrit de calculer l'assiette de la taxe à partir de leur prix de revient. En application de l'article 324 AE de l'annexe III au CGI, ce prix de revient est la valeur d'origine pour laquelle ces immobilisations doivent être inscrites au bilan, conformément à l'article 38 quinquies de la même annexe. Il résulte de ces dernières dispositions, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2005-1702 du 28 décembre 2005, que cette valeur d'origine correspond à la totalité du coût d'acquisition de ces immobilisations, sans qu'il y ait lieu de déduire une participation d'une collectivité publique à leur financement, consentie en contrepartie d'un engagement économique et social de l'entreprise exploitant ces immobilisations, qui doit s'analyser comme une subvention et non comme une réduction de leur prix d'achat.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES FONCIÈRES - TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES - ASSIETTE - VALEUR LOCATIVE DES BIENS - IMMOBILISATIONS INDUSTRIELLES (ART - 1499 DU CGI) - CALCUL FONDÉ SUR LE PRIX DE REVIENT - LEQUEL S'ENTEND DE LA VALEUR D'ORIGINE (ART - 324 AE ET 38 QUINQUIES DE L'ANNEXE III AU CGI - DANS SA RÉDACTION ANTÉRIEURE AU DÉCRET DU 28 DÉCEMBRE 2005) - NOTION - TOTALITÉ DU COÛT D'ACQUISITION - PARTICIPATION D'UNE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE AU FINANCEMENT DES IMMOBILISATIONS - EN CONTREPARTIE D'UN ENGAGEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE L'EXPLOITANT - INCLUSION [RJ1].

19-03-03-01 Pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la méthode applicable aux immobilisations industrielles prévue à l'article 1499 du CGI prescrit de calculer l'assiette de la taxe à partir de leur prix de revient. En application de l'article 324 AE de l'annexe III au CGI, ce prix de revient est la valeur d'origine pour laquelle ces immobilisations doivent être inscrites au bilan, conformément à l'article 38 quinquies de la même annexe. Il résulte de ces dernières dispositions, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2005-1702 du 28 décembre 2005, que cette valeur d'origine correspond à la totalité du coût d'acquisition de ces immobilisations, sans qu'il y ait lieu de déduire une participation d'une collectivité publique à leur financement, consentie en contrepartie d'un engagement économique et social de l'entreprise exploitant ces immobilisations, qui doit s'analyser comme une subvention et non comme une réduction de leur prix d'achat.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour la taxe professionnelle, 11 mars 1983, Min. c/ Société braytoise d'exploitation cinématographique, n° 33349, T. p. 684.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2009, n° 291627
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:291627.20090205
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