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19/02/2009 | FRANCE | N°323510

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 19 février 2009, 323510


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Lifaitant A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de la section consulaire de l'ambassade de France en Haïti refusant un visa d'entrée en France à ses filles

mineures My Jeenny Sophia et Franche Bicienta au titre du regroupement ...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Lifaitant A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de la section consulaire de l'ambassade de France en Haïti refusant un visa d'entrée en France à ses filles mineures My Jeenny Sophia et Franche Bicienta au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa dans un délai d'un mois à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision attaquée a pour effet de prolonger sa séparation d'avec ses filles ; que la décision n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ses filles ayant été admises par le préfet de Guyane au bénéfice du regroupement familial ; que cette décision porte une atteinte grave et immédiate à son droit de mener une vie familiale normale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a pu établir la filiation de ses filles en produisant leurs actes de naissance ; qu'elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses filles mineures, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu, enregistré le 26 Janvier 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que le requérant n'a pu établir son lien de filiation avec les deux enfants ; que le moyen tiré de ce que la décision de la section consulaire de l'ambassade de France serait insuffisamment motivée est inopérant, seule la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, qui s'y est substituée, pouvant être contestée ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de la commission de recours doit être écarté, cette décision de rejet ayant été implicite et le requérant ne justifiant pas avoir expressément sollicité de la commission communication des motifs du refus ; que les documents présentés par le requérant pour établir la filiation des enfants étant apocryphes, leur filiation avec lui n'est pas établie et, dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer des visas pour ces enfants ; que tant le jugement du tribunal de première instance de Port-au-Prince qui a fait droit à la demande du requérant d'autoriser la déclaration tardive des enfants à l'état-civil haïtien, dont seul le dispositif est porté au verso des actes de naissance produits, que les actes de naissance dressés en application de ce jugement n'ayant pu être soumis à authentification auprès des autorités haïtiennes, la filiation n'est toujours pas établie ; que les certificats de baptême des enfants et les carnets de vaccination produits ne peuvent pallier la carence d'actes d'état-civil authentiques ; que la filiation n'étant pas établie, le requérant ne peut ni utilement soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autant qu'il n'établit pas qu'il a gardé des relations avec les deux enfants depuis leur départ de France non plus qu'il ne justifie ni n'allègue qu'il serait dans l'impossibilité de leur rendre visite en Haïti, ni utilement alléguer que le refus de visa méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York, le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A, et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 29 janvier 2009 à 11 h 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Waquet, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- le représentant de M. A ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été prolongée ;

Vu, enregistré le 10 février 2009, le mémoire en réplique présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête et produit les originaux des actes de naissance des deux enfants ;

Vu, enregistré le 12 février 2009, le nouveau mémoire en défense, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, en l'absence d'éléments nouveaux permettant leur authentification, ces actes d'état-civil doivent être regardés comme apocryphes et ne permettant pas d'établir la filiation des deux enfants avec le requérant ;

Vu, enregistré le 18 février 2009, le mémoire en duplique, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête ; il soutient que les services du consulat et du ministère n'ont pas examiné l'authenticité des pièces fournies, se bornant à affirmer par principe leur caractère apocryphe, alors que ces pièces sont conformes aux règles définies par l'administration haïtienne pour reconstituer les actes de naissance ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut ordonner la suspension d'une décision administrative lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, né en Haïti le 12 mai 1982, est entré sur le territoire français, en Guyane, le 31 décembre 1986 ; qu'après s'y être maintenu en situation irrégulière, il a obtenu un premier titre de séjour, le 8 janvier 2001 et est aujourd'hui titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 28 mars 2009 ; qu'il a présenté, le 20 novembre 2006, une demande de regroupement familial pour deux fillettes, My Sophia, née le 31 décembre 1998 et Franche Bicientha, née le 1er septembre 2000, dont il déclare être le père, la mère des enfants étant Mme B, ressortissante haïtienne ; qu'à la suite de l'accord donné au regroupement familial par le préfet de Guyane, le 23 mai 2007, une demande de visa d'entrée pour les deux enfants a été rejetée le 10 juillet 2008 par les autorités consulaires françaises de Port-au-Prince, au motif que les actes de naissance présentés étaient apocryphes et que, par suite, la filiation n'était pas établie ; que, le 15 décembre 2008, est née une décision implicite de rejet du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie le 14 octobre 2008 par M. A d'un recours contre la décision des autorités consulaires ;

Considérant que, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes de mariage ou de filiation produits ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a produit, à l'appui des demandes de visa pour les deux fillettes, des extraits d'actes de naissance et des copies des registres d'état-civil relatifs à leur naissance, dont la direction des archives nationales de la République d'Haïti a indiqué qu'ils présentaient un caractère apocryphe, cette administration précisant ne pas avoir été en mesure de retrouver les actes de naissance originaux ; que M. A a ensuite fourni de nouveaux actes de naissance au nom des deux enfants, dressés en application d'un jugement du tribunal de première instance de Port-au-Prince, rendu le 8 octobre 2008 ; que, cependant, d'une part, seul le dispositif du jugement figure au verso des actes de naissance, d'autre part, ces nouveaux actes ne sont pas authentifiés ; que, dans ces conditions, le lien de filiation entre les deux fillettes et le requérant ne peut être regardé comme établi ;

Considérant que le défaut d'établissement du lien de filiation fait obstacle à ce que les moyens de légalité interne invoqués puissent être regardés comme étant propres à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision des autorités consulaires ne peut, en tout état de cause, être propre à conduire à l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours, qui s'est substituée à celle-ci ;

Considérant qu'il suit de là que les conclusions aux fins de suspension et d'injonction présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Lifaitant A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 323510
Date de la décision : 19/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 fév. 2009, n° 323510
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christnacht
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:323510.20090219
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