Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 29 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 10 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 11 avril 2006 du tribunal administratif de Marseille rejetant comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser une indemnité de 41 817,65 euros représentant l'allocation d'éducation spéciale qu'ils auraient dû percevoir entre 1991 et 2000 au titre de leur enfant handicapé, ainsi qu'une indemnité de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de M. et Mme A ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur : Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation spéciale, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé ; qu'en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 541-2 du même code, l'allocation, qui a le caractère d'une prestation familiale en application de l'article L. 511-1 de ce code, était attribuée au vu de la décision de la commission de l'éducation spéciale prévue à l'article L. 242-2 du code de l'action sociale et des familles ;
Considérant, d'autre part, que les articles L. 142-1 à L. 142-3 du code de la sécurité sociale attribuent compétence au tribunal des affaires de sécurité sociale pour connaître des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux et qu'en vertu des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 242-8 du code de l'action sociale et des familles, les recours contre les décisions de la commission de l'éducation spéciale relevaient des juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale ; qu'en ce qui concerne les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des collectivités publiques, le critère de compétence des juridictions de sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend ;
Considérant que, pour confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille qui avait rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître l'action en responsabilité des époux A dirigée contre l'Etat, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que le litige relatif au défaut de versement de l'allocation d'éducation spéciale pendant les années 1991 à 1994 ainsi qu'au refus de leur accorder cette allocation pour la période postérieure avait la nature d'un différend portant sur les droits des intéressés à la prestation en cause ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, fonctionnaire à la direction départementale de l'équipement des Bouches-du-Rhône, et son épouse ont obtenu, au titre de leur fille handicapée, le bénéfice de l'allocation d'éducation spéciale pour la période du 1er mars 1991 au 1er mars 1993, sans toutefois que cette allocation leur soit effectivement versée ; qu'ils ont ensuite sollicité sans succès son renouvellement ; que, par suite, l'action en responsabilité de M. et Mme A est fondée, non sur leurs droits à l'allocation en cause, mais sur les carences imputées à l'administration employeur de M. A en raison, d'une part, de ce que l'allocation qu'ils avaient obtenue n'avait pas fait l'objet de la part de cette administration des démarches permettant sa mise en paiement et, d'autre, part, de ce qu'elle a ensuite égaré leur demande de renouvellement ; que, par suite, en écartant la compétence de la juridiction administrative, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 décembre 2007 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean A et à la ministre de la santé et des sports.