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08/04/2009 | FRANCE | N°305006

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 08 avril 2009, 305006


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 23 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Yves A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 26 janvier 2007 en tant que, après avoir annulé le jugement du 24 mai 2005 du tribunal départemental des pensions de Paris et évoqué, d'une part, s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande de M. A tendant au versement des intérêts moratoires sur les arrérages de s

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 23 juillet 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Yves A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 26 janvier 2007 en tant que, après avoir annulé le jugement du 24 mai 2005 du tribunal départemental des pensions de Paris et évoqué, d'une part, s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande de M. A tendant au versement des intérêts moratoires sur les arrérages de sa pension militaire d'invalidité et, d'autre part, a déclaré irrecevable sa demande de majoration de cette pension pour survenance d'enfants ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A ;

Considérant qu'au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application ;

Considérant qu'après avoir annulé le jugement du 24 mai 2005 du tribunal départemental des pensions de Paris et évoqué, la cour régionale des pensions de Paris a, par le dispositif de l'arrêt attaqué contre lequel M. A se pourvoit en cassation, d'une part, rejeté comme échappant à la compétence des juridictions des pensions ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 1993 du payeur général du Trésor lui refusant le versement d'intérêts moratoires sur les arrérages de la pension militaire d'invalidité qui lui a été accordée, à compter du 2 octobre 1988, par un arrêté du 30 mars 1998 du ministre de la défense et, d'autre part, rejeté comme irrecevables, faute de décision administrative préalable, les conclusions du requérant tendant à la majoration de sa pension militaire d'invalidité ; que, ce faisant, la cour régionale des pensions s'est nécessairement fondée, sur le premier point, sur les dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre définissant la compétence des juridictions des pensions et, sur le second, sur celles de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif à ces juridictions, selon lequel le tribunal départemental des pensions est saisi de recours contre les décisions prises par l'administration en vertu de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'aucun de ces textes n'est toutefois mentionné dans l'arrêt attaqué, en méconnaissance de l'exigence mentionnée plus haut ; que M. A est, dès lors, fondé à soutenir que cet arrêt est entaché d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation dans cette mesure ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette même mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions relatives aux intérêts moratoires :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le tribunal départemental des pensions et, en appel, la cour régionale des pensions sont compétents pour se prononcer sur les contestations relatives aux droits à pension militaire d'invalidité ; que, par suite, ces juridictions sont également compétentes pour se prononcer sur les demandes tendant à l'octroi des intérêts moratoires auxquels ont droit, sur leur demande, les titulaires d'une telle pension en cas de retard apporté au versement des sommes qui leur sont dues à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A s'est vu reconnaître le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 20 % à compter du 2 octobre 1988 par un jugement du tribunal départemental des pensions de Paris du 13 juin 1993, confirmé par un arrêt du 23 janvier 1996 de la cour régionale des pensions de Paris devenu définitif mais n'a perçu, depuis le 2 octobre 1988, qu'une pension au taux de 10 % ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 que l'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par cette loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ; que la prescription des arrérages de pension militaire d'invalidité réclamés par M. A, qui n'avait pas été invoquée devant le tribunal départemental des pensions, a été opposée pour la première fois par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique dans un courrier adressé à l'intéressé le 25 août 2008 et dans son mémoire présenté devant le Conseil d'Etat le 12 septembre 2008 ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'exception de prescription quadriennale tardivement opposée par le ministre ne peut en tout état de cause qu'être écartée, sans qu'il y ait lieu en outre de prononcer l'annulation de la décision contenue dans le courrier du 25 août 2008 ;

Considérant, en second lieu, qu'eu égard à l'obligation qui incombait à l'administration, en exécution du jugement du tribunal départemental des pensions de Paris du 13 juin 1993, de verser à M. A la pension militaire d'invalidité définitive à laquelle il avait droit au taux de 20 %, sans que l'intéressé eût à accomplir des diligences particulières en ce sens, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ne saurait sérieusement soutenir que, faute d'avoir réclamé en temps utile le paiement des arrérages de pension, M. A ne peut bénéficier des intérêts de retard correspondants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision du 15 mai 1993, le payeur général du Trésor lui a refusé le versement des intérêts moratoires dus à compter du 2 octobre 1988 sur les arrérages de sa pension militaire d'invalidité ;

Considérant que M. A a demandé la capitalisation des intérêts devant le tribunal départemental des pensions de Paris le 24 mai 1993 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions relatives à la majoration de la pension :

Considérant qu'il résulte de l'article 5 du décret du 20 février 1959 qu'il n'appartient pas aux juridictions des pensions, en l'absence de décision préalable de l'administration, de statuer directement sur les demandes de majoration de pension militaire d'invalidité ; qu'il est constant que la demande de majoration de l'intéressé n'a donné lieu à aucune décision administrative avant la saisine du tribunal départemental des pensions ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre par M. A ne sauraient être accueillies ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

Considérant que les motifs de la présente décision impliquent nécessairement que soient versés à M. A, outre les arrérages de pension militaire d'invalidité depuis le 2 octobre 1988 s'ils ne l'ont pas déjà été, les intérêts légaux calculés et capitalisés comme il vient d'être dit ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de la défense de procéder au versement des sommes auxquelles M. A a ainsi droit dans un délai d'un mois ; que, toutefois, ses conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ne peuvent être accueillies, faute pour l'intéressé d'avoir chiffré sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 26 janvier 2007 est annulé en tant que, après avoir annulé le jugement du tribunal départemental des pensions de Paris du 24 mai 2005 et évoqué, il a rejeté les conclusions présentées en première instance par M. A.

Article 2 : La décision du 15 mars 1993 du payeur général du Trésor est annulée en tant qu'elle refuse le versement des intérêts moratoires sur les arrérages de pension militaire d'invalidité de M. A et la capitalisation de ces intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. A les intérêts moratoires sur les arrérages de pension militaire d'invalidité dus. Les intérêts échus à la date du 24 mai 1993 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Il est enjoint au ministre de la défense de verser à M. A les sommes dues en exécution de la présente décision dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

Article 5 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Yves A, au ministre de la défense et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 305006
Date de la décision : 08/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 2009, n° 305006
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:305006.20090408
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