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10/04/2009 | FRANCE | N°310184

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 10 avril 2009, 310184


Vu la requête, enregistrée le 23 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION POUR LE MAINTIEN DE L'ELEVAGE EN BRETAGNE, dont le siège est 104, rue Eugène Pottier à Rennes (35066) ; l'ASSOCIATION POUR LE MAINTIEN DE L'ELEVAGE EN BRETAGNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2007-1281 du 29 août 2007 relatif à certaines zones de protection des aires d'alimentation des captages ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2009, présentée par l'AMEB ;

Vu la direct

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Vu la requête, enregistrée le 23 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION POUR LE MAINTIEN DE L'ELEVAGE EN BRETAGNE, dont le siège est 104, rue Eugène Pottier à Rennes (35066) ; l'ASSOCIATION POUR LE MAINTIEN DE L'ELEVAGE EN BRETAGNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2007-1281 du 29 août 2007 relatif à certaines zones de protection des aires d'alimentation des captages ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mars 2009, présentée par l'AMEB ;

Vu la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975 du Conseil, relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire ;

Vu la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 2007-882 du 14 mai 2007 relatif à certaines zones soumises à contraintes environnementales et modifiant le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Guihal, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée en défense ;

Considérant que l'Association pour le maintien de l'élevage en Bretagne (AMEB) demande l'annulation du décret du 29 août 2007 relatif à certaines zones de protection des aires d'alimentation des captages, pris afin d'assurer l'exécution de l'arrêt C-266/99 de la Cour de justice des Communautés européennes du 8 mars 2001 ;

Considérant en premier lieu que suivant le II de l'article L. 211-3 du code de l'environnement, des décrets déterminent les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut délimiter des zones où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable et y établir, dans les conditions prévues à l'article L. 114-1 du code rural, un programme d'action visant à restaurer, préserver, gérer et mettre en valeur ces zones de façon durable ; qu'il résulte de l'alinéa 3 de l'article L. 114-1 du code rural que certaines des pratiques agricoles prévues par les programmes d'action peuvent être rendues obligatoires ;

Considérant que le décret attaqué, qui prévoit que, dans les zones de protection des aires d'alimentation des prises d'eau qu'il énumère, situées dans les départements des Côtes-d'Armor, d'Ille-et-Vilaine et du Finistère, les mesures des programmes d'action arrêtés par les préfets seront obligatoires à compter du 1er janvier 2008, a été pris sur le fondement de ces dispositions ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que ce décret serait dépourvu de base légale ne peut être accueilli ;

Considérant en deuxième lieu que le décret attaqué, qui, pour parvenir en 2009 au respect de la norme de 50 mg de nitrates par litre dans les captages visés par la procédure de manquement engagée par la Commission européenne, fixe au 1er janvier 2008 la date à laquelle deviendront obligatoires les mesures, retenues parmi celles qu'énumère l'article R. 114-6 du code rural, qui seront arrêtées par les préfets à l'issue de la procédure consultative décrite par les articles R. 114-3 et R. 114-7 du même code, ne saurait être regardé, eu égard à ses objectifs et aux modalités d'action qu'il prévoit comme étant, par lui-même, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant en troisième lieu que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elles, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;

Considérant, d'une part, que la charte pour le développement pérenne de l'agriculture et de l'agroalimentaire en Bretagne invoquée par les requérants est un document d'orientation qui n'a pas fait naître de situations contractuelles auxquelles le décret attaqué serait susceptible de porter atteinte ; d'autre part, que le décret attaqué, en date du 29 août 2007, qui ne s'applique qu'aux programmes d'action qui seront arrêtés par les préfets postérieurement à son entrée en vigueur, et qui fixe au 1er janvier 2008 la date à laquelle ils deviendront obligatoires, a ménagé des dispositions transitoires qui satisfont au principe de sécurité juridique ;

Considérant en quatrième lieu que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que lorsque la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel est le cas d'un recours dirigé contre un décret pris pour tirer les conséquences d'une procédure en manquement engagée contre la France par la Commission européenne en raison de l'inobservation des obligations résultant de la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975 du Conseil relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire ;

Considérant que si l'article R. 114-8 du code rural, issu du décret du 14 mai 2007, prévoit que dans les zones de protection des aires d'alimentation des captages, le préfet ne rend obligatoires, dans les douze mois qui suivent la publication du programme d'action, que les mesures de ce programme pour lesquelles il estime que les objectifs prévus ne seront pas atteints à l'issue de cette période de douze mois, des considérations d'intérêt public impérieuses que ne pouvaient ignorer les professionnels concernés, résultant de la procédure de manquement engagée contre la France, s'attachaient à ce que le décret attaqué déroge à ces dispositions, dans les zones de captage visées par l'arrêt de manquement, afin de rendre obligatoires, dès le 1er janvier 2008, l'ensemble des mesures des programmes d'actions concernant ces zones ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime ne peut qu'être écarté ;

Considérant en cinquième lieu qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret en cause porte une atteinte illégale au principe d'égalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'AMEB doit être rejetée ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION POUR LE MAINTIEN DE L'ELEVAGE EN BRETAGNE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LE MAINTIEN DE L'ELEVAGE EN BRETAGNE, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 310184
Date de la décision : 10/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME - ARRÊT EN MANQUEMENT DE LA CJCE [RJ1] - DÉCRET TIRANT LES CONSÉQUENCES EN DROIT INTERNE - S'AGISSANT DE LA RÉGLEMENTATION RELATIVE À CERTAINES ZONES DE PROTECTION DES AIRES D'ALIMENTATION DE CAPTAGE - 1) MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME - OPÉRANCE [RJ2] - 2) PRINCIPE - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - EN RAISON DE CONSIDÉRATIONS D'INTÉRÊT PUBLIC IMPÉRIEUSES.

15-05 1) Un moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime est opérant à l'appui d'un recours dirigé contre un décret pris pour tirer les conséquences d'une procédure en manquement engagée contre la France par la Commission européenne en raison de l'inobservation des obligations résultant de la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975 du Conseil relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire.... ...2) Ce moyen n'est pas fondé, des considérations d'intérêt public impérieuses résultant de la procédure de manquement engagée contre la France par la Commission des Communautés européennes justifiant qu'il soit dérogé aux dispositions de droit commun dans les zones de captage visées par l'arrêt de manquement de la CJCE et que soit ainsi rendu obligatoire de manière immédiate l'ensemble des mesures des programmes d'actions concernant ces zones.

27 COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - RÉGLEMENTATION RELATIVE À CERTAINES ZONES DE PROTECTION DES AIRES D'ALIMENTATION DE CAPTAGE - ARRÊT EN MANQUEMENT DE LA CJCE [RJ1] - DÉCRET TIRANT LES CONSÉQUENCES EN DROIT INTERNE - 1) MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME OPÉRANT [RJ2] - 2) MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - EN RAISON DE CONSIDÉRATIONS D'INTÉRÊT PUBLIC IMPÉRIEUSES.

27 1) Un moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime est opérant à l'appui d'un recours dirigé contre un décret pris pour tirer les conséquences d'une procédure en manquement engagée contre la France par la Commission européenne en raison de l'inobservation des obligations résultant de la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975 du Conseil relative à la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire.... ...2) Ce moyen n'est pas fondé, des considérations d'intérêt public impérieuses résultant de la procédure de manquement engagée contre la France par la Commission des Communautés européennes justifiant qu'il soit dérogé aux dispositions de droit commun dans les zones de captage visées par l'arrêt de manquement de la CJCE et que soit ainsi rendu obligatoire de manière immédiate l'ensemble des mesures des programmes d'actions concernant ces zones.


Références :

[RJ1]

Cf. CJCE, 8 mars 2001, aff. C-266/99.,,

[RJ2]

Cf. sol contr. 9 mai 2001, Société mosellane de tractions, n° 211162 et, même jour, Entreprise personnelle de transports Freymuth, n° 210944, T. pp. 865-1151.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2009, n° 310184
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Dominique Guihal

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:310184.20090410
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