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10/04/2009 | FRANCE | N°317821

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 10 avril 2009, 317821


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 30 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Séverin Q, demeurant..., M. Paul S, demeurant..., M. Xavier F, demeurant..., Mme Anne-Marie C, demeurant..., M. Antoine M, demeurant..., M. Olivier P, demeurant ......, Mme Juliette R-T, demeurant ..., M. Frédéric N, demeurant ... et Mme Isabelle I, demeurant ... - ... ; M. Q et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, d'une part,

annulé l'élection de MM. P, S, Mmes R-T, C, MM. F, M, N et Mme ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 30 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Séverin Q, demeurant..., M. Paul S, demeurant..., M. Xavier F, demeurant..., Mme Anne-Marie C, demeurant..., M. Antoine M, demeurant..., M. Olivier P, demeurant ......, Mme Juliette R-T, demeurant ..., M. Frédéric N, demeurant ... et Mme Isabelle I, demeurant ... - ... ; M. Q et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé l'élection de MM. P, S, Mmes R-T, C, MM. F, M, N et Mme I en qualité de conseillers municipaux de la commune de Linguizzetta (Haute-Corse) lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008, et, d'autre part, proclamé élus en qualité de conseillers municipaux de cette commune, au premier tour de scrutin, MM. L, V, Mmes A, J, M. G, Mme B, M. K, Mme U et M. H ;

2°) de rejeter la protestation de M. E contre ces opérations électorales ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler ces opérations électorales ;

4°) de mettre à la charge de M. E la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Séverin Q et autres et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Jean-Félix E,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Séverin Q et autres et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Jean-Félix E ;

Considérant que, par un jugement du 29 mai 2008, le tribunal administratif de Bastia, faisant droit à la protestation de M. E contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 en vue de la désignation des membres du conseil municipal de Linguizetta (Haute-Corse), a, d'une part, annulé l'élection de MM. W, MMES X, MM. Y et Mme I en qualité de conseillers municipaux, d'autre part, proclamé élus en qualité de conseillers municipaux, à l'issue du premier tour de scrutin, MM. L, V, Mmes A, J, M. G, Mme B, M. K, Mme U et M. H ; que M. Q et autres demandent l'annulation de ce jugement et le rejet de la protestation de M. E ;

Considérant que selon l'article L. 66 du code électoral : « Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. / Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau. / Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion (...) » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 68 du même code : « Les pièces fournies à l'appui des réclamations et des décisions prises par le bureau, ainsi que les feuilles de pointage sont jointes au procès-verbal » ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les moyens, qui ne sont pas d'ordre public, tirés de ce que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il serait, d'une part, insuffisamment motivé et aurait, d'autre part, été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé au vu des originaux des bulletins faisant l'objet du litige, ont été soulevés par M. Q et autres après l'expiration du délai d'appel qui courait à compter de la date de la notification du jugement, alors que les requérants n'ont soulevé dans ce délai que des griefs relatifs à la régularité des opérations électorales ; que ces moyens, qui relèvent ainsi d'une cause juridique distincte de celle invoquée dans le délai d'appel, sont dès lors irrecevables et ne peuvent qu'être écartés ;

Sur l'office du juge de l'élection :

Considérant qu'une protestation tendant à la réformation des résultats d'une élection saisit le juge de l'élection de la validité des opérations électorales qui sont contestées devant lui ; qu'il ne lui appartient pas de procéder à d'autres investigations que celles qu'impliquent les griefs soulevés devant lui dans les délais impartis par la loi aux recours en matière électorale ; qu'il est constant qu'en plus des 645 suffrages exprimés au premier tour de scrutin, quinze bulletins blancs au sens de l'article L. 66 du code électoral ont été comptabilisés ; qu'a été portée au procès-verbal l'observation selon laquelle sept bulletins de vote joints auraient été entachés d'un signe de reconnaissance ; qu'il résulte de l'instruction, en l'absence notamment de tout élément porté au procès-verbal remettant en cause cette observation, que ces bulletins, dont il est constant qu'ils n'ont pas été contresignés par les membres du bureau, ont été comptabilisés parmi les suffrages exprimés ; que, par suite, saisi d'un grief portant sur ces sept bulletins litigieux, dont il n'est d'ailleurs pas contesté que les copies versées au dossier sont conformes aux originaux, le juge de l'élection n'a pas, contrairement à ce que soutiennent M. Q et autres, à ordonner la production de l'ensemble des bulletins annexés au procès-verbal, dès lors que le dossier qui lui est soumis contient tous les éléments nécessaires pour qu'il statue en toute connaissance de cause sur la protestation dont il est saisi ;

Sur le décompte des suffrages exprimés :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sept bulletins litigieux susmentionnés, trouvés dans l'urne et comptabilisés parmi les suffrages exprimés, étaient écrits de la même main et que le nom du candidat placé en tête était variable selon les bulletins ; que les combinaisons différentes ainsi obtenues, alors même qu'elles étaient identiques pour plusieurs bulletins, rendaient possible l'identification des électeurs ou des groupes d'électeurs auxquels ces bulletins auraient pu être remis ; que, par suite, ces bulletins, qui sont entachés d'un signe de reconnaissance, doivent être regardés comme nuls et déduits, d'une part, du nombre de voix obtenues par chacun des candidats concernés qui ont été proclamés élus à l'issue du premier tour et, d'autre part, des suffrages exprimés ;

Considérant que le nombre de voix obtenues par M. P, M. S, Mme R-T, Mme C, M. N, Mme I, M. M et M. F à la suite de la déduction de ces sept bulletins litigieux du total des voix obtenues par chacun d'eux doit être respectivement ramené à 311, 310, 309, 309, 309, 310, 310 et 311 voix ; que le nombre de voix obtenues par ces candidats est ainsi inférieur à la majorité absolue requise pour être élu au premier tour, désormais fixée à 312 voix après déduction des sept bulletins litigieux ; qu'en revanche, le nombre de voix obtenues par M. L, M. V, Mme A, Mme J, M. G, Mme B, M. K, Mme U et M. H doit être porté respectivement à 315, 315, 315, 315, 315, 315, 315, 314 et 313 voix, soit plus que la majorité absolue ;

Considérant que, compte tenu de la proclamation de l'élection au premier tour de scrutin de Mme J, l'un des deux conseillers municipaux que le bureau avait proclamés élus au deuxième tour, le nombre des élus tant au premier tour de scrutin qu'au second ne dépasse pas le nombre de membres dont doit être composé le conseil municipal de la commune de Linguizetta ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de documents complémentaires, cette proclamation ne doit pas entraîner l'annulation du second tour de scrutin ;

Considérant, enfin, que M. Q et autres ne sont pas recevables à soulever, pour la première fois en appel et après expiration du délai de recours contentieux, un grief relatif au déroulement des opérations de dépouillement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Q et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé l'élection de MM. P, S, Mme R-T, Mme C, MM. F, M, N et Mme I en qualité de conseillers municipaux de la commune de Linguizzetta et, d'autre part, proclamé élus, au premier tour de scrutin, MM. L, V, Mmes A, J, M. G, Mme B, M. K, Mme U et M. H ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. Q et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Q et autres la somme demandée par M. E en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. Q et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. E au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Séverin Q, à M. Jean-Félix E et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 317821
Date de la décision : 10/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2009, n° 317821
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:317821.20090410
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