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27/04/2009 | FRANCE | N°308444

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 27 avril 2009, 308444


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 12 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eugène A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 octobre 2005 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour

la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 ;

2°) réglant l'affaire...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 12 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eugène A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 octobre 2005 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui exerçait la profession d'ingénieur-conseil, a fait l'objet à l'issue de contrôles de l'administration fiscale de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 qui ont été assortis des intérêts de retard et des pénalités pour mauvaise foi ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt 18 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 21 octobre 2005 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant à la décharge de ces rappels de taxe et des pénalités correspondantes ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales : A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances et qu'aux termes de l'article L. 101 du même livre : L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que M. A avait soulevé le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, qui ne concerne que le ministère public ; qu'après avoir relevé que la demande de communication adressée au juge d'instruction comportait le double visa de l'article L.82 C et de l'article L.101 du livre des procédures fiscales et en supposant même que, pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité de l'exercice du droit de communication, la cour ait entendu se fonder sur ces dispositions de l'article L. 101 précité du livre des procédures fiscales, il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué qu'elle a jugé de manière non surabondante que l'administration avait pu mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 82 C du même livre, alors que ces dispositions étaient inapplicables à une demande adressée au juge d'instruction ; que, par suite, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, pour ce motif, M. A est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1994 et que les redressements en résultant procèdent de la mise en oeuvre du droit de communication ; que la circonstance que les redressements au titre de cette période et ceux de la période allant du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 soient motivés de manière identique dans les notifications de redressement n'est pas de nature à établir que ce contrôle aurait constitué une vérification de comptabilité ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 47 et L. 51 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que les documents obtenus auprès du juge d'instruction ne constituaient pas des éléments de la comptabilité de M. A ; qu'ainsi, en tout état de cause, l'administration n'était pas tenue de soumettre les renseignements obtenus à un débat oral et contradictoire ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'examen des notifications de redressement, en date du 3 novembre 1997, que M. A a été averti de l'origine, de la nature et de la teneur des renseignements obtenus auprès de l'autorité judiciaire ; qu'il a été ainsi mis à même, avant le recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui en procèdent, d'en demander la communication ; que, dès lors que M. A n'a présenté une demande de communication des pièces obtenues par l'administration auprès du juge d'instruction que le 7 novembre 2000, soit après la mise en recouvrement des impositions en litige, intervenue le 31 mars 1998, la circonstance alléguée que l'administration ne lui aurait pas délivré copie de la totalité de ces documents est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que la documentation administrative de base référencée 13 K 151, qui est relative à la procédure d'imposition, ne peut être invoquée par le requérant sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que l'administration a mentionné les articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales dans sa demande au juge d'instruction n'était pas en elle-même de nature à vicier la procédure d'imposition et ne constituait pas un détournement de procédure, dès lors que si l'article L. 82 C qui ne concerne que les demandes faites au ministère public était, comme le soutient à bon droit le requérant, inapplicable, l'administration pouvait recourir à l'article L. 101 ; que si l'obligation incombant à l'autorité judiciaire, en vertu de cet article, n'est soumise à aucune formalité particulière et n'est pas, notamment, subordonnée au dépôt préalable d'une demande de communication émanant de l'administration fiscale, l'existence d'une telle demande, alors même qu'elle a été présentée au moyen du formulaire portant la mention des sanctions encourues en l'absence de réponse à une telle demande, n'était pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de communication de documents aux services fiscaux ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. A, le juge d'instruction a reçu la demande de l'administration ; qu'il lui appartenait d'apprécier souverainement si les renseignements ou les pièces qu'il détenait étaient de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou de compromettre un impôt ; que M. A ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le vérificateur connaissait le numéro de son dossier pénal ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ; qu'aux termes du 2 de l'article 269 du code général des impôts : La taxe est exigible : (...) ; c. Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) ;

Considérant que l'administration n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 176 précité en notifiant les redressements le 3 novembre 1997, soit avant l'expiration, le 31 décembre 1997, du délai de reprise ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectués à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ; qu'il résulte de l'instruction que le requérant fournissait des prestations de conseil auprès du groupe Antona et assurait pour le compte de ce groupe la gestion d'une association de chasse ; que ces prestations étaient rémunérées par compensation par la mise à sa disposition d'une secrétaire et d'un chauffeur ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. A, elles n'étaient pas fournies à titre bénévole et étaient soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que c'est à bon droit que le vérificateur a évalué le montant de ces prestations à partir du coût salarial des deux employés, au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant que les intérêts de retard prévus par le premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction mais d'une réparation du préjudice subi par le Trésor à raison du non-respect par le contribuable de ses obligations déclaratives, même pour la part qui excèderait l'application du taux de l'intérêt légal ; que, par suite, M. A ne peut utilement se prévaloir de l'absence de motivation des intérêts de retard qui ont été mis à sa charge ou de leur caractère excessif ; qu'ainsi, les intérêts de retard litigieux, appliqués au requérant sur le fondement de cette disposition, ne résultant ni d'une accusation en matière pénale, ni d'une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'en faisant valoir d'une part, que M. A avait omis pendant plusieurs années de déclarer en tant que recettes la contrepartie qu'il recevait pour les prestations qu'il fournissait au groupe Antona et qu'il n'avait facturé aucune de ces prestations et d'autre part, qu'il résultait de son procès-verbal d'audition qu'il avait demandé au responsable du groupe de régulariser cette situation, l'administration établit que le requérant s'était volontairement soustrait à l'impôt et était passible des pénalités pour absence de bonne foi ; que M. A ne peut invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la documentation administrative de base référencée 13 N 1223 dans sa version du 14 juin 1996, qui, se bornant à énoncer qu'un critère objectif de la mauvaise foi peut être recherché à travers l'importance, la nature et la fréquence des rehaussements, ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale susceptible d'être opposée à l'administration ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 18 juin 2007 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. A devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Eugène A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308444
Date de la décision : 27/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2009, n° 308444
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:308444.20090427
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