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29/04/2009 | FRANCE | N°299555

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 29 avril 2009, 299555


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2006 et 12 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Georges A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 10 octobre 2006 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté, d'une part, sa demande d'annulation de la décision du 22 novembre 2004 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant sa demande du 2 novembre 2004 tendant à être admis à la retraite avec jouissance immédiate

de sa pension à compter du 1er janvier 2000, ensemble la décision du...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 décembre 2006 et 12 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Georges A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 10 octobre 2006 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté, d'une part, sa demande d'annulation de la décision du 22 novembre 2004 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant sa demande du 2 novembre 2004 tendant à être admis à la retraite avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 1er janvier 2000, ensemble la décision du 23 décembre 2004 du ministre de l'intérieur rejetant la même demande, d'autre part, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de l'admettre à la retraite avec jouissance immédiate à compter du 1er janvier 2000 et à la condamnation de l'Etat au paiement des sommes correspondantes majorées des intérêts légaux depuis la date de la requête pour les arrérages échus et les intérêts légaux courant à compter de la date de chaque échéance ultérieure ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler les décisions attaquées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Boudier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. A ;

Considérant que M. A, sous-brigadier de police à la retraite, est titulaire d'une pension civile de retraite qui lui a été concédée par arrêté du 1er décembre 1986 avec effet au 24 juin 2008, date de son soixantième anniversaire ; que, le 2 novembre 2004, l'intéressé a demandé le bénéfice de la jouissance de sa pension à compter du 1er janvier 2000, en application des dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, les 22 novembre et 23 décembre 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de l'intérieur ont, respectivement, rejeté sa demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que, par l'ordonnance dont il demande l'annulation, le président du tribunal administratif de Poitiers, saisi du litige par M. A, a rejeté sa demande au motif que l'article L. 55 de ce code, aux termes duquel La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère en cas d'erreur de droit, faisait obstacle à ce que l'intéressé, qui avait présenté sa demande de révision de pension plus d'un an après avoir reçu notification de l'arrêté portant concession de sa pension, pût obtenir satisfaction ;

Considérant, toutefois, que, devant le premier juge, M. A soutenait également que l'article L. 55 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite était contraire aux stipulations du §1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le président du tribunal administratif a entaché son ordonnance d'un défaut de réponse à moyen ; que M. A est, dès lors, fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 55 ont pour objet d'ouvrir, aussi bien aux pensionnés qu'à l'administration, un droit à révision des pensions concédées dans le cas où la liquidation de celles-ci est entachée d'une erreur de droit et de prévoir que ce droit est ouvert dans les mêmes conditions de délai aux pensionnés et à l'administration ; que, d'une part, le délai de révision ainsi prévu bénéficie aussi bien aux pensionnés, dont les droits à pension sont définitivement acquis au terme de ce délai, qu'à l'administration qui est, postérieurement à l'expiration de ce même délai, mise à l'abri de contestations tardives et que, d'autre part, l'instauration d'un délai d'un an, ainsi que l'obligation d'indiquer dans la notification de la décision de liquidation de la pension les voies et délais de recours, s'avère suffisante pour permettre aux pensionnés de faire valoir utilement leurs droits devant les juridictions ; qu'ainsi, ces dispositions ne méconnaissent ni le droit d'accès à un tribunal, ni le droit à un recours effectif, ni les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial, tels qu'ils découlent des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant que la circonstance que, statuant sur une question préjudicielle relative à la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du même code, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 29 novembre 2001, un arrêt interprétant une disposition du droit communautaire sans limiter les effets dans le temps de cet arrêt n'affecte pas le droit d'un Etat membre de la Communauté européenne d'opposer aux demandes de révision de pension établies en violation de cette disposition ou de dispositions, comme en l'espèce, voisines, un délai de forclusion, dès lors que ce délai, mentionné à l'article L. 55 précité du code, s'applique de la même manière aux demandes de révision de pension qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne ;

Considérant que M. A s'est vu concéder une pension civile de retraite par un arrêté du 1er décembre 1986 qui comportait l'indication du contenu des dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que celle des voies et délais de recours ; que le délai imparti à l'intéressé pour exciper, au soutien d'une demande de révision de sa pension, de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en ne lui accordant pas le bénéfice de la jouissance immédiate de sa pension, était expiré lorsque, le 2 novembre 2004, il a saisi l'administration d'une telle demande ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de révision présentée par M. A après le délai prévu par l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut qu'être rejetée ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, des conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de sommes correspondant aux arrérages de cette pension pour la période antérieure au 24 juin 2008 ;

Considérant que les conclusions de M. A présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers en date du 10 octobre 2006 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Georges A, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 299555
Date de la décision : 29/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 2009, n° 299555
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: M. Frédéric Boudier
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:299555.20090429
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