La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2009 | FRANCE | N°319101

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 03 juin 2009, 319101


Vu, 1°) sous le n° 319101, la requête, enregistrée le 1er août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Daniel L, demeurant ..., M. Alain G, demeurant ..., M. Jacques F, demeurant ..., M. Jean-Luc N, demeurant ..., M. Jean-Paul J, demeurant ..., M. André C, demeurant ... et M. Patrick E, demeurant ... ; M. L, mandataire des autres requérants, et ceux-ci demandent au Conseil d'Etat :

1) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, d'une part, la délibération n° 2 du 4 avril 2008 par laquell

e le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Droua...

Vu, 1°) sous le n° 319101, la requête, enregistrée le 1er août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Daniel L, demeurant ..., M. Alain G, demeurant ..., M. Jacques F, demeurant ..., M. Jean-Luc N, demeurant ..., M. Jean-Paul J, demeurant ..., M. André C, demeurant ... et M. Patrick E, demeurant ... ; M. L, mandataire des autres requérants, et ceux-ci demandent au Conseil d'Etat :

1) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, d'une part, la délibération n° 2 du 4 avril 2008 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Drouais a procédé à l'élection de ses vice-présidents et, d'autre part, leur élection ;

2) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer sur la protestation de M. Miled K tendant à l'annulation de leur élection, et à titre subsidiaire de rejeter sa protestation ;

Vu, 2°) sous le n° 319642, la requête, enregistrée le 8 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Solange P, demeurant ..., M. Michel A, demeurant ..., Mme Marie-Louise H, épouse O, demeurant ... et M. Christian B, demeurant ... ; Mme P, mandataire des autres requérants, et ceux-ci demandent au Conseil d'Etat :

1) d'annuler le jugement du 1er juillet 2008 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, d'une part, la délibération n° 2 du 4 avril 2008 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Drouais a procédé à l'élection des vice-présidents et, d'autre part, leur élection ;

2) de rejeter la protestation de M. Miled K tendant à l'annulation de leur élection ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes de M. L, de M. G, de M. F, de M. N, de M. J, de M. C et de M. E, d'une part, de Mme P, de M. A, de Mme O et de M. B, d'autre part, sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif d'Orléans, qui a annulé, d'une part, la délibération n° 2 du 4 avril 2008 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Drouais a procédé à l'élection de ses vice-présidents, d'autre part, leur élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur l'intervention de M. Q, président du conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Drouais :

Considérant que M. Q a intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi, son intervention à l'appui de la requête de M. L et autres est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales, Les dispositions du chapitre II du titre II du livre premier de la deuxième partie relatives aux maires et aux adjoints sont applicables au président et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Les dispositions des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 2122-4 ne sont pas applicables au président et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale. ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2122-4 du même code, Le conseil municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres, au scrutin secret et à la majorité absolue (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les vice-présidents d'une communauté d'agglomération sont élus au scrutin secret et à la majorité absolue des membres du conseil communautaire ; que les désignations auxquelles a procédé le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Drouais constituent des opérations électorales ; que, par suite, les contestations qui les concernent ont le caractère de litiges en matière électorale, qui relèvent des règles applicables au contentieux de l'élection des conseillers municipaux ;

Considérant que l'article R.119 du code électoral, applicable au contentieux de l'élection des maires et de leurs adjoints, prévoit qu'en cas de protestation ou de recours du préfet, notification doit en être faite, dans les trois jours de l'enregistrement, aux conseillers municipaux dont l'élection est contestée ; que l'article R. 711-2 du code de justice administrative, que l'article R. 773-1 du même code rend applicable au contentieux électoral, dispose que toute partie est informée, par une notification faite conformément aux articles R. 611-3 et R. 611-4, du jour où l'affaire la concernant sera appelée à l'audience ; que ces dispositions sont par suite applicables à l'élection des vice-présidents d'une communauté d'agglomération ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'en méconnaissance de ces dispositions, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir jugé que la protestation de M. K tendait à l'annulation de ces opérations électorales, n'a pas notifié aux requérants cette protestation contestant leur élection en qualité de vice-présidents de la communauté d'agglomération du Drouais et ne les a pas davantage avisés du jour de l'audience, de sorte qu'en violation du caractère contradictoire de la procédure, ils n'ont pas été à même de présenter leurs défenses ainsi que leurs observations orales ; que le jugement est en conséquence intervenu selon une procédure irrégulière ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, ce jugement doit être annulé ;

Considérant que le délai imparti au tribunal administratif d'Orléans par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. K est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur cette protestation ;

Sur la recevabilité de la protestation de M. K et les conclusions à fin de non-lieu de M. L et autres :

Considérant, en premier lieu, que M. L et autres, d'une part, et Mme P et autres, d'autre part, ne sont pas fondés à soutenir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la protestation de M. K ou que cette dernière serait irrecevable, faute pour M. K d'avoir explicitement demandé l'annulation de l'élection des vice-présidents, dès lors qu'aux termes de cette protestation, M. K a indiqué demander l'annulation de la désignation des vice-présidents de la communauté d'agglomération de Dreux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 119 du code électoral, les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. ; qu'il ne peut par suite être soutenu que la protestation de M. K est tardive, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle a été enregistrée à la sous-préfecture de Dreux dans le délai de cinq jours prévu à l'article R. 119 du code électoral précité et que le délai de transmission par le préfet au greffe du tribunal administratif est sans incidence sur sa recevabilité ;

Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, la protestation de M. K satisfait aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'article R. 411-3 du même code aurait été méconnu ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte du renvoi opéré par l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales précité aux règles régissant l'élection du maire et des adjoints que sont applicables à l'élection du président et des vice-présidents d'un établissement public de coopération intercommunale les dispositions de l'article L. 248 du code électoral selon lesquelles tout électeur et tout éligible a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif ; que dès lors, tout électeur de l'une des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale est recevable à former une protestation contre l'élection du président ou des vice-présidents de cet établissement public ; qu'en conséquence, contrairement à ce qui est soutenu, M. K, dont il n'est pas contesté qu'il était électeur d'une des communes membres de la communauté d'agglomération du Drouais, justifie d'un intérêt à agir pour contester l'élection des vice-présidents de cette communauté d'agglomération ;

Sur l'élection en qualité de vice-présidents de MM. L, G, F, N, J, C, E, et de Mme P, M. A, Mme O et M. B :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales : les dispositions du chapitre II du titre II du livre premier de la deuxième partie relatives au maire et aux adjoints sont applicables au président et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre (...) ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2122-7 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 : le maire est élu au scrutin secret et à la majorité absolue. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative. En cas d'égalité de suffrages, le plus âgé est déclaré élu ; qu'aux termes de l'article L. 2122-7-1 de ce code, issu de l'article 1er de la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 : dans les communes de moins de 3 500 habitants, les adjoints sont élus dans les conditions fixées à l'article L. 2122-7 ; qu'aux termes de l'article L. 2122-7-2 de ce code, également issu de l'article 1er de la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 : dans les communes de 3 500 habitants et plus, les adjoints sont élus au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Si, après deux tours de scrutin, aucune liste n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l'élection a lieu à la majorité relative. En cas d'égalité de suffrages, les candidats de la liste ayant la moyenne d'âge la plus élevée sont élus (...) ;

Considérant, d'autre part, que l'article L. 5211-7 du même code prévoit que les membres de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale sont élus par les conseils municipaux des communes intéressées parmi leurs membres, au scrutin secret à la majorité absolue. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l'élection a lieu à la majorité relative. / En cas d'égalité des suffrages, le plus âgé est déclaré élu ;

Considérant que si l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales renvoie aux dispositions du même code relatives à l'élection du maire et des adjoints pour déterminer les règles applicables à l'élection du président et des vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale, aucune disposition ne précise les cas dans lesquels s'appliquent respectivement les règles de l'article L. 2122-7-1 ou celles de l'article L. 2122-7-2 du même code ; qu'il résulte toutefois des travaux préparatoires de la loi du 31 janvier 2007 dont sont issus ces deux articles que le législateur a entendu lier, à l'article L. 2122-7-2, l'utilisation du scrutin de liste sans panachage ni vote préférentiel à l'exigence de parité entre les hommes et les femmes, imposée par le code électoral pour l'élection du conseil municipal puis, parmi ses membres, des adjoints au maire ; que l'élection à l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale régie par l'article L. 5211-7 du même code n'étant, en revanche, soumise à aucune règle de parité, il s'ensuit que le mode de scrutin prévu à l'article L. 2122-7-2 n'est pas applicable à l'élection des vice-présidents d'un tel établissement, laquelle est soumise aux seules dispositions combinées des articles L. 2122-7-1 et L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales ; que ces dispositions combinées, dont il résulte implicitement mais nécessairement qu'il doit être procédé de manière successive à l'élection de chacun des vice-présidents au scrutin uninominal à trois tours, excluent de pouvoir recourir au scrutin de liste ; qu'en conséquence, l'élection des onze vice-présidents de la communauté d'agglomération du Drouais, qui s'est déroulée selon un scrutin de liste, est entachée d'irrégularité ;

Considérant que, s'il est soutenu que l'élection a eu lieu à bulletin secret et à l'unanimité et qu'aucun autre candidat ne s'était présenté de sorte que la sincérité du scrutin n'a pu être viciée, le recours au scrutin de liste, qui n'était pas le mode de scrutin légalement applicable, ne permet pas de regarder comme réguliers les résultats de cette élection ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. K est fondé à demander l'annulation des opérations électorales par lesquelles le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Drouais a élu MM. L, G, F, N, J, C, E, Mme P, M. A, Mme O et M. B en qualité de vice-présidents de cette communauté d'agglomération ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de M. Q est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 1er juillet 2008 est annulé.

Article 3 : Les opérations électorales du 4 avril 2008 par lesquelles le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Drouais a élu MM. L, G, F, N, J, C, E, Mme P, M. A, Mme O et M. B en qualité de vice-présidents sont annulées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel L, mandataire de M. Alain G, M. Jacques F, M. Jean-Luc N, M. Jean-Paul J, M. André C, M. Patrick E, à Mme Solange P, mandataire de M. Michel A, Mme Marie-Louise H, épouse O et M. Christian B, à M. Miled K, à M. Gérard Q et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319101
Date de la décision : 03/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2009, n° 319101
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:319101.20090603
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award