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17/06/2009 | FRANCE | N°297641

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 17 juin 2009, 297641


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 14 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CYME, dont le siège est 33 bis, route de Chartres à Gometz-la-Ville (91400) ; la SOCIETE CYME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 juillet 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 2 octobre 2003 du tribunal administratif de Versailles qui, après l'avoir déchargée des pénalités pour ma

uvaise foi au titre de l'année 1995, a rejeté le surplus des conclusions...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 14 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CYME, dont le siège est 33 bis, route de Chartres à Gometz-la-Ville (91400) ; la SOCIETE CYME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 11 juillet 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 2 octobre 2003 du tribunal administratif de Versailles qui, après l'avoir déchargée des pénalités pour mauvaise foi au titre de l'année 1995, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1994, 1995 et 1996 ainsi que des pénalités restant en litige ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Blanc, avocat de la SOCIETE CYME,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de la SOCIETE CYME ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'EURL société de l'Yvette, qui exerçait une activité de promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle divers redressements lui ont été notifiés au titre des années 1994, 1995 et 1996 ; qu'à l'issue de ce contrôle, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles assorties de pénalités ont été mises en recouvrement au nom de la SOCIETE CYME, associée unique de la société de l'Yvette et redevable de l'impôt sur les sociétés en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts ; qu'après les avoir vainement contestées, la SOCIETE CYME a saisi le tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement du 2 octobre 2003, lui a seulement accordé la décharge des pénalités de mauvaise foi dont avait été assortie l'imposition supplémentaire de l'année 1995 ; que la société demande l'annulation de l'arrêt du 29 novembre 2005 de la cour administrative d'appel de Versailles qui n'a pas fait droit à sa requête dirigée contre l'article 2 du jugement du 2 octobre 2003 rejetant le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne l'absence de facturation d'intérêts sur des avances :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de l'Yvette a consenti à diverses sociétés du même groupe des avances sans leur facturer des intérêts ; que, devant la cour, la SOCIETE CYME n'a pas contesté le principe de la réintégration des sommes correspondant aux intérêts non perçus mais s'est bornée à critiquer le taux retenu par l'administration pour calculer le montant de ces intérêts ; que, par suite, elle ne peut soutenir que la cour aurait méconnu les règles gouvernant la charge de la preuve en jugeant que l'administration, qui faisait valoir qu'il n'y avait aucune contrepartie à la dispense d'intérêt sur les prêts consentis par la filiale à sa société mère et à d'autres sociétés du groupe, établissait que l'abandon d'intérêts constituait un acte anormal de gestion, alors que la société requérante ne démontrait pas le contraire ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les cessions immobilières réalisées en 1995 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de l'Yvette a, le 28 juillet 1995, vendu à des particuliers quatre lots d'un ensemble immobilier situé à Gif-sur-Yvette pour un prix moyen au mètre carré de 17 000 F toutes taxes comprises et vingt lots du même ensemble à la SCI du 33 bis, route de Chartres pour un prix moyen au mètre carré de 12 000 F toutes taxes comprises ; que l'administration fiscale a estimé que la cession de ces vingt lots avait été faite à un prix inférieur à leur valeur vénale et présentait le caractère d'une libéralité, constitutive d'un acte anormal de gestion ;

Considérant que la SOCIETE CYME a soutenu devant la cour que dès lors que le Crédit du Nord avait subordonné l'octroi d'un prêt demandé par la société de l'Yvette à la présentation par celle-ci d'un certain nombre de contrats de réservation sur l'immeuble dont elle avait entrepris la commercialisation, cette société avait été conduite, pour obtenir son emprunt, à vendre les vingt lots restant de l'immeuble à la SCI du 33 bis, route de Chartres pour un montant de 12 millions de francs financé par cette dernière grâce à un emprunt cautionné par ses associés et qu'ainsi, la minoration du prix de cession, à la supposer existante, avait pour contrepartie les charges de la caution supportées par les associés de la société civile immobilière ; que, dès lors, la cour a dénaturé les faits qui lui étaient soumis en relevant, d'une part, que la SOCIETE CYME faisait valoir que les associés de la SCI avaient apporté leur caution à la société de l'Yvette pour l'obtention de son prêt et que l'octroi de cette caution justifiait le prix de vente des lots et en estimant, d'autre part, qu'il n'était pas allégué qu'ils auraient été ultérieurement contraints d'effectuer des versements en exécution de cet engagement, pour juger que l'existence de la contrepartie alléguée n'était pas établie ; que le moyen de dénaturation qui est relatif à la légalité interne de l'arrêt repose sur la même cause juridique que les uniques moyens soulevés dans le pourvoi sommaire tirés de l'inexacte qualification juridique des faits ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SOCIETE CYME est fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'évaluation de la valeur vénale :

Considérant, en premier lieu, que l'administration a retenu le prix moyen au mètre carré correspondant aux ventes consenties le même jour à des particuliers et fait valoir que ce prix moyen correspondait à la cession de lots de taille différente, qu'elle a appliqué cette valeur moyenne au nombre de mètres carrés vendus à la SCI du 33 bis, route de Chartres, que ce montant était corroboré par les données figurant sur un document commercial dénommé fiche de résidence, dont le vérificateur a fait état dans la réponse aux observations du contribuable qu'il a adressée le 17 mars 1998 à l'EURL société de l'Yvette, en relevant que le prix de vente moyen prévisionnel des lots des bâtiments A et B s'élevait respectivement à 17 600 F et 17 900 F le mètre carré et qu'elle a admis un abattement de 10 % sur la valeur des lots vendus pour tenir compte des circonstances particulières de la cession ; qu'ainsi, l'administration établit, comme il lui appartient de le faire en l'espèce, le bien-fondé de la méthode qu'elle a suivie et qui, contrairement à ce que soutient la société, n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire ;

Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que si la SOCIETE CYME soutient pour contredire les éléments d'appréciation retenus par l'administration que celle-ci aurait dû retenir des prix au mètre carré différents selon le type ou la superficie des appartements, il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration établit que la valeur moyenne retenue correspond à la vente de biens de surfaces différentes ; que la circonstance alléguée que la SCI du 33 bis, route de Chartres aurait cédé en 1997 et 1999 les lots achetés en 1995 à un prix inférieur au prix d'acquisition n'est pas de nature à établir que le prix de cession retenu pour les ventes effectuées en 1995 serait surévalué ; qu'enfin, les allégations selon lesquelles le prix choisi pour référence par l'administration, tel qu'il ressortait de cessions faites au bénéfice de tiers amis, aurait été supérieur à celui correspondant à la valeur vénale des lots vendus, telle qu'elle ressortirait de l'état du marché des biens immobiliers de qualité et d'environnement comparables, ne sont assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, d'autre part, la SOCIETE CYME soutient que l'administration aurait inexactement apprécié la valeur vénale des appartements cédés, en prenant en compte une superficie de 961 m² de locaux d'habitation, correspondant à dix-neuf appartements et un local commercial, l'ensemble des lots étant évalué comme des locaux d'habitation, alors que l'opération aurait porté sur 906 m² répartis en dix-neuf appartements et deux locaux commerciaux cédés à titre promotionnel ; que cependant, à supposer même que l'administration ait commis l'erreur reprochée, la société n'apporte aucun élément de nature à établir qu'en acceptant de ne considérer comme une offre promotionnelle que la cession d'un seul local commercial, celle-ci ait exagéré la valeur vénale de l'ensemble des biens cédés ; que, par ailleurs, l'administration, en l'absence de tout élément apporté par la société, établit qu'en attribuant au local commercial le même prix au mètre carré que celui qui a été retenu pour les locaux d'habitation, elle n'en a pas exagéré la valeur vénale ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration justifie l'existence de la sous-évaluation du prix de cession ;

Sur l'existence d'un acte anormal de gestion :

Considérant que la SOCIETE CYME fait valoir qu'à supposer que la cession à la SCI du 33 bis, route de Chartres ait été effectuée à un prix inférieur à la valeur vénale des biens, l'avantage ainsi consenti trouverait sa contrepartie dans le fait que les associés de la société civile immobilière cautionnaient l'emprunt souscrit par celle-ci pour acheter les lots, permettant ainsi à l'EURL société de l'Yvette de présenter au Crédit du Nord les contrats de réservation nécessaires pour obtenir de cet établissement bancaire le prêt requis pour l'achèvement de l'opération immobilière ; que, toutefois, ainsi que le fait valoir le ministre, il ressort du courrier du Crédit du Nord en date du 26 décembre 1994 que l'octroi de ce crédit était subordonné notamment à la confirmation de réservations pour un montant de 5 816 000 F, lequel ne correspondait pas à la vente de tous les lots restants mais seulement du quart de ceux-ci ; qu'en conséquence, l'EURL société de l'Yvette ne justifie pas qu'elle aurait été tenue de vendre la totalité des lots restants pour un prix inférieur à la valeur vénale ; que, par suite, alors que la société requérante ne justifie pas, en tout état de cause, de la contrepartie alléguée à la vente des vingt lots pour un montant de 12 millions de francs, l'administration établit l'existence d'un acte anormal de gestion ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CYME n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 11 juillet 2006 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il concerne le redressement lié à la cession en 1995 des biens immobiliers par l'EURL société de l'Yvette à la SCI du 33 bis, route de Chartres.

Article 2 : Les conclusions de la requête de la SOCIETE CYME devant la cour administrative d'appel de Versailles relatives à ce redressement sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE CYME est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CYME et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 297641
Date de la décision : 17/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2009, n° 297641
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bachelier
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:297641.20090617
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