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08/07/2009 | FRANCE | N°320334

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 08 juillet 2009, 320334


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fadime A, épouse B, demeurant ...) ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 13 novembre 2007 rapportant son décret de naturalisation en date du 17 novembre 2004 ;

2°) d'enjoindre au ministre de lui restituer son passeport et sa carte d'identité ainsi que ceux de ses enfants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

V

u les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administ...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fadime A, épouse B, demeurant ...) ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 13 novembre 2007 rapportant son décret de naturalisation en date du 17 novembre 2004 ;

2°) d'enjoindre au ministre de lui restituer son passeport et sa carte d'identité ainsi que ceux de ses enfants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant que le décret du 13 novembre 2007 retirant à Mme A la nationalité française a été pris par le Premier ministre et le ministre chargé de l'immigration ; qu'ainsi, il n'est pas entaché d'incompétence ;

Considérant que M. Pierre C, adjoint au chef du bureau des affaires juridiques et du contentieux a reçu, par arrêté en date du 19 septembre 2005, délégation pour signer au nom du ministre chargé de l'emploi tous les actes relatifs aux affaires relevant de ses attributions, à l'exclusion des décrets ; que le moyen tiré de ce que M. C n'avait pas compétence pour signer la lettre du 22 février 2006 demandant à Mme A ses observations sur le projet de retrait de son décret de naturalisation ne peut ainsi qu'être écarté ;

Considérant qu'il ressort de la minute du projet de décret, et notamment de ses visas, que la section de l'intérieur du Conseil d'Etat a bien eu communication des observations de Mme A avant de rendre son avis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : Les décrets portant naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ;

Considérant que le délai de deux ans imparti au Gouvernement pour rapporter le décret de naturalisation de Mme A a commencé à courir à la date à laquelle l'existence du mariage de l'intéressée a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations, autorité compétente pour proposer la naturalisation ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce ministre en a été informé le 22 novembre 2005 par courrier du ministre des affaires étrangères auquel Mme A avait demandé, par une lettre datée du 26 octobre 2005, dont il n'est en tout état de cause pas établi par les pièces du dossier qu'elle ait été reçue par l'administration avant le 12 novembre 2005, la transcription de son remariage du 25 juillet 2005 avec M. D, en signalant pour la première fois à l'administration son mariage avec celui-ci le 24 décembre 2003, suivi de son divorce ; qu'ainsi, le décret du 13 novembre 2007 a été pris dans le délai prévu à l'article 27-2 du code civil ;

Considérant que Mme A a déposé, le 20 mars 2002 à la préfecture de l'Hérault, une demande de naturalisation dans laquelle elle a indiqué qu'elle était divorcée de M. E et mère d'un enfant ; qu'elle a déclaré sur l'honneur, le 25 février 2004, que le seul changement intervenu dans sa situation personnelle et familiale depuis le dépôt de sa demande était la naissance d'un deuxième enfant, né le 11 octobre 2003 de sa relation avec M. D ; qu'au vu de ces déclarations, elle a été naturalisée par un décret du 24 avril 2003 ; que le Gouvernement a rapporté ce décret au motif qu'il avait été pris au vu d'un document mensonger, en raison de l'omission de la déclaration du mariage du 24 décembre 2003 avec M. D ;

Considérant que, si Mme A fait valoir qu'elle a pu sans fraude, du fait de ce second divorce qui la plaçait dans la même situation de femme divorcée que lors de sa demande, ne pas faire état de son mariage du 24 décembre 2003, celui-ci, ainsi que la séparation qui l'a suivi, constituaient des changements intervenus dans la situation personnelle et familiale de l'intéressée, qui auraient dû être mentionnés dans la déclaration sur l'honneur faite le 25 février 2004, laquelle l'invitait expressément à faire connaître tout changement intervenu dans cette situation ; qu'elle n'a ainsi pas mis en mesure le ministre d'apprécier cette situation, comme il lui appartenait de le faire ; que la circonstance que Mme A n'aurait pas donné son consentement à ce mariage, qui serait intervenu sous la contrainte des familles, pour régulariser sa situation matrimoniale dans le cadre d'un contentieux juridique l'opposant à son premier mari à propos de la garde de leur enfant commun, n'est nullement établie et n'est, en tout état de cause, pas de nature à justifier la dissimulation à l'administration française de son deuxième mariage ; que, par suite, Mme A, dont le mariage avec M. D n'était pas dissous le 25 février 2004 lorsqu'elle a signé la déclaration selon laquelle sa situation de divorcée n'avait pas changé, et qui, entrée en France à l'âge de 3 ans, maîtrise bien la langue française, doit être regardée comme ayant sciemment dissimulé les changements intervenus dans sa situation matrimoniale depuis sa demande de naturalisation ; qu'ainsi, en rapportant, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la naturalisation de Mme A, le Gouvernement n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 27-2 du code civil ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 13 novembre 2007 rapportant le décret du 17 novembre 2004 qui prononçait sa naturalisation ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Fadime A, épouse B, et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 320334
Date de la décision : 08/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2009, n° 320334
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:320334.20090708
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