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17/07/2009 | FRANCE | N°317566

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 17 juillet 2009, 317566


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 17 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Léon-Maurice C, demeurant 428 ter, chemin San Peyre à Roquefort-les-Pins (06330) ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, d'une part, le jugement du 26 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2008 par laquelle le sous-préfet de Grasse a refusé de lui délivrer, en vue du premier tour des élections municipales or

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 17 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Léon-Maurice C, demeurant 428 ter, chemin San Peyre à Roquefort-les-Pins (06330) ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, d'une part, le jugement du 26 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2008 par laquelle le sous-préfet de Grasse a refusé de lui délivrer, en vue du premier tour des élections municipales organisées le 9 mars 2008 à Roquefort-les-Pins, le récépissé de déclaration de la liste Pour mieux vivre ensemble à Roquefort-les-Pins dont il était responsable et, d'autre part, le jugement du 20 mai 2008 par lequel le même tribunal a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales organisées à Roquefort-les-Pins les 9 et 16 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune ;

2°) d'annuler la décision du 21 février 2008 du sous-préfet de Grasse ainsi que les opérations électorales organisées à Roquefort-les-Pins les 9 et 16 mars 2008 ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de M. Michel B le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. C,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de M. C ;

Considérant que le sous-préfet de Grasse (Alpes-Maritimes) a refusé, le 21 février 2008, de délivrer à M. C, en vue du premier tour des élections municipales organisées le 9 mars 2008 à Roquefort-les-Pins, le récépissé de déclaration de la liste Pour mieux vivre ensemble à Roquefort-les-Pins , dont ce dernier était responsable, au motif que deux des candidats figurant sur cette liste, M. et Mme D, de nationalité italienne, n'avaient pas fourni la photocopie de leur carte de séjour ainsi qu'un bulletin n° 3 du casier judiciaire délivré depuis moins de trois mois ; que, saisi par M. C, le tribunal administratif de Nice a, par un premier jugement du 26 février 2008, rejeté sa demande dirigée contre cette décision de refus ; que par un second jugement du 20 mai 2008, le même tribunal a rejeté la protestation de M. C contre les opérations électorales organisées à Roquefort-les-Pins les 9 et 16 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 26 février 2008 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 265 du code électoral : La déclaration de candidature résulte du dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture d'une liste (...). Il en est délivré récépissé ; qu'aux termes des deux derniers alinéas du même article : En cas de refus de délivrance du récépissé, tout candidat de la liste intéressée dispose de vingt-quatre heures pour saisir le tribunal administratif qui statue, en premier et dernier ressort, dans les trois jours du dépôt de la requête. / Faute pour le tribunal administratif d'avoir statué dans ce délai, le récépissé est délivré ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le législateur a exclu tout appel direct contre les jugements des tribunaux administratifs statuant sur les refus de récépissé de déclaration de candidatures, actes préliminaires aux opérations électorales, eu égard à la nature de la décision en cause et à la brièveté du délai imparti par la loi au tribunal administratif pour statuer, délai au terme duquel le récépissé est délivré de plein droit ; qu'en revanche, le candidat concerné peut, à l'occasion d'une protestation dirigée contre les opérations électorales, soulever le grief tiré de l'irrégularité du refus de délivrance du récépissé ; qu'ainsi les conclusions présentées par M. C contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2008 ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 20 mai 2008 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le candidat qui a contesté devant le tribunal administratif, dans les conditions fixées par les deux derniers alinéas de l'article L. 265 du code électoral, le refus de lui délivrer le récépissé prévu au premier alinéa de cet article, peut soulever, à l'occasion d'une protestation dirigée contre les opérations électorales, le grief tiré de l'illégalité de ce refus ; qu'eu égard à la spécificité, rappelée ci-dessus, de la procédure prévue aux deux derniers alinéas de l'article L. 265 du code électoral, ni le devoir d'impartialité qui s'impose à toute juridiction, ni aucune autre règle générale de procédure ne s'oppose à ce que les juges qui se sont prononcés sur une demande d'annulation du refus de récépissé puissent connaître, à l'occasion d'une protestation ultérieure dirigée par le même candidat contre les opérations électorales, du grief tiré de l'illégalité de ce refus ; qu'ainsi, la circonstance que le jugement du 20 mai 2008 a été rendu par les mêmes magistrats du tribunal administratif de Nice que ceux qui avaient siégé lors du prononcé du jugement du 26 février 2008 n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité ;

En ce qui concerne le fond :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.O. 227-1 du code électoral : Les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les citoyens français, peuvent participer à l'élection des conseillers municipaux dans les mêmes conditions que les électeurs français, sous réserve des dispositions de la présente section ; qu'aux termes de l'article L.O. 227-2 du même code : Pour exercer leur droit de vote, les personnes visées à l'article L.O. 227-1 doivent être inscrites, à leur demande, sur une liste électorale complémentaire (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 264 du code électoral, applicable aux communes qui, telle Roquefort-les-Pins, comptent au moins 3 500 habitants : Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque tour de scrutin (...) ; qu'aux termes de l'article L. 265 du même code : La déclaration de candidature résulte du dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture d'une liste répondant aux conditions fixées aux articles L. 260, L. 263, L. 264 et L.O. 265-1. Il en est délivré récépissé. (...) / Récépissé ne peut être délivré que si les conditions énumérées au présent article sont remplies (...) ; qu'aux termes de l'article L.O. 265-1 du même code : Chaque fois qu'une liste comporte la candidature d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, la nationalité de celui-ci est portée sur la liste en regard de l'indication de ses nom, prénoms, date et lieu de naissance. / En outre, est exigée de l'intéressé la production : / a) D'une déclaration certifiant qu'il n'est pas déchu du droit d'éligibilité dans l'Etat dont il a la nationalité ; / b) Des documents officiels qui justifient qu'il satisfait aux conditions d'éligibilité posées par l'article L.O. 228-1(...) ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 128-1 du même code : A la déclaration de candidature en vue du premier tour, il est joint, pour chaque candidat visé à l'article L.O. 265-1 : / 1° Si le candidat est électeur dans la commune où il se présente, une attestation d'inscription sur la liste électorale complémentaire de cette commune comportant les mentions prévues aux articles L. 18 et L. 19 délivrée par le maire dans les trente jours précédant la date du dépôt de la candidature ou une copie de la décision de justice ordonnant l'inscription de l'intéressé ; / 2° Si le candidat est électeur dans une autre commune que celle où il se présente, une attestation d'inscription sur la liste électorale complémentaire de cette commune délivrée par le maire dans les trente jours précédant la date du dépôt de la candidature ou une copie de la décision de justice ordonnant l'inscription de l'intéressé (...) ; que cet article prévoit que lorsqu'ils ne se trouvent pas dans les cas décrits au 1° et 2°, les candidats visés à l'article L.O. 265-1 du code électoral doivent joindre à leur déclaration de candidature un bulletin n° 3 du casier judiciaire délivré depuis moins de trois mois ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme D, inscrits sur les listes électorales de la commune italienne de Rapallo, ne sont inscrits, en qualité de citoyens de l'Union européenne, de nationalité italienne et résidant en France, ni sur la liste complémentaire de Roquefort-les-Pins, commune dans laquelle ils souhaitaient être candidats, ni sur la liste électorale complémentaire d'aucune autre commune située sur le territoire français ; qu'ils n'entrent ainsi, ni dans le cas visé au 1° de l'article R. 128-1 du code électoral, ni dans celui visé au 2° du même article, lequel ne peut concerner que les candidats électeurs dans des communes françaises, compte tenu notamment de la référence faite à la liste électorale complémentaire établie dans ces communes ; que, par suite, M. et Mme D devaient joindre à leur déclaration de candidature un bulletin n° 3 du casier judiciaire datant de moins de trois mois ; qu'il est constant qu'ils n'ont pas produit ce document ; qu'ainsi, le sous-préfet de Grasse était tenu, ainsi qu'il l'a fait, de refuser de délivrer le récépissé de déclaration de la liste intitulée Pour mieux vivre ensemble à Roquefort-les-Pins ;

Considérant que si M. C fait valoir qu'il a pu estimer de bonne foi, au vu des renseignements, dont il ne pouvait soupçonner le caractère erroné, figurant dans le Mémento à l'usage des candidats diffusé par l'administration, que M. et Mme D relevaient du 2° de l'article R. 128-1 du code électoral, il résulte de l'instruction que ce document, dont les indications ne pouvaient, en tout état de cause, faire obstacle à l'application des dispositions du code électoral, en reprenait exactement le contenu ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des élections municipales organisées les 9 et 16 mars 2008 sur le territoire de la commune de Roquefort-les-Pins ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de M. B, qui ne sont pas, dans la présente espèce, les parties perdantes, le versement à M. C d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. B ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Léon-Maurice C, à M. Michel B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 317566
Date de la décision : 17/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - PREMIER JUGEMENT STATUANT SUR LA CONTESTATION D'UN REFUS DE RÉCÉPISSÉ DE DÉPÔT DE CANDIDATURE (ART - L - 265 DU CODE ÉLECTORAL) - SECOND CONTENTIEUX RELATIF AUX OPÉRATIONS ÉLECTORALES - MOYEN PRÉSENTÉ LORS DU SECOND CONTENTIEUX TIRÉ DE L'ILLÉGALITÉ DU REFUS AYANT FAIT L'OBJET DU PREMIER JUGEMENT - FORMATION DE JUGEMENT IDENTIQUE DANS LES DEUX CAS - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - ABSENCE [RJ1].

28-08 Si un candidat a contesté devant le tribunal administratif le refus de lui délivrer le récépissé du dépôt de sa candidature prévu à l'article L. 265 du code électoral, il peut soulever, à l'occasion d'une protestation dirigée contre les opérations électorales, le grief tiré de l'illégalité de ce refus. Eu égard à la spécificité de la procédure prévue à l'article L. 265 du code électoral, ni le devoir d'impartialité qui s'impose à toute juridiction, ni aucune autre règle générale de procédure ne s'oppose à ce que les juges qui se sont prononcés sur la demande d'annulation du refus de récépissé puissent connaître, à l'occasion d'une protestation ultérieure dirigée par le même candidat contre les opérations électorales, du grief tiré de l'illégalité de ce refus.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - RÈGLES GÉNÉRALES DE PROCÉDURE - COMPOSITION DES JURIDICTIONS - PREMIER JUGEMENT STATUANT SUR LA CONTESTATION D'UN REFUS DE RÉCÉPISSÉ DE DÉPÔT DE CANDIDATURE (ART - L - 265 DU CODE ÉLECTORAL) - SECOND CONTENTIEUX RELATIF AUX OPÉRATIONS ÉLECTORALES - MOYEN PRÉSENTÉ LORS DU SECOND CONTENTIEUX TIRÉ DE L'ILLÉGALITÉ DU REFUS AYANT FAIT L'OBJET DU PREMIER JUGEMENT - FORMATION DE JUGEMENT IDENTIQUE DANS LES DEUX CAS - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'IMPARTIALITÉ - ABSENCE [RJ1].

37-03-05 Si un candidat a contesté devant le tribunal administratif le refus de lui délivrer le récépissé du dépôt de sa candidature prévu à l'article L. 265 du code électoral, il peut soulever, à l'occasion d'une protestation dirigée contre les opérations électorales, le grief tiré de l'illégalité de ce refus. Eu égard à la spécificité de la procédure prévue à l'article L. 265 du code électoral, ni le devoir d'impartialité qui s'impose à toute juridiction, ni aucune autre règle générale de procédure ne s'oppose à ce que les juges qui se sont prononcés sur la demande d'annulation du refus de récépissé puissent connaître, à l'occasion d'une protestation ultérieure dirigée par le même candidat contre les opérations électorales, du grief tiré de l'illégalité de ce refus.


Références :

[RJ1]

Rappr. Section, 12 mai 2004, Commune de Rogerville, n° 265184, p. 223 ;

Section, 11 février 2005, Commune de Meudon, n° 258102, p. 55.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2009, n° 317566
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mlle Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:317566.20090717
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