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24/07/2009 | FRANCE | N°312862

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 24 juillet 2009, 312862


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février 2008 et 5 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour LA POSTE, dont le siège est Service Juridique 44, boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M. Etienne A, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier Lorraine a rejeté la demande

de l'intéressé tendant au retrait de la note technique du 10 décembr...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février 2008 et 5 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour LA POSTE, dont le siège est Service Juridique 44, boulevard de Vaugirard à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 15 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M. Etienne A, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier Lorraine a rejeté la demande de l'intéressé tendant au retrait de la note technique du 10 décembre 2003 de cette direction en tant qu'elle s'applique aux agents publics qui en relèvent, d'autre part, enjoint à LA POSTE de réexaminer la situation de l'intéressé au regard des instructions nationales de LA POSTE et de le rétablir si besoin est dans ses droits à congé et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A le versement à LA POSTE de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;

Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, notamment son article 202 ;

Vu le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Constance Rivière, Auditeur,

- les observations de Me Haas, avocat de LA POSTE,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

- la parole ayant à nouveau été donnée à Me Haas, avocat de LA POSTE ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du 5° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 5° Des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif (...) ;

Considérant que la direction opérationnelle territoriale courrier Lorraine, dont émane la note technique attaquée, a un ressort géographique qui couvre les départements de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges ; que cette note technique, par laquelle le directeur du courrier Lorraine de LA POSTE a fixé aux directeurs d'établissements qui dépendent de lui le choix entre deux méthodes d'attribution des droits à congés et à repos de cycle des agents dont le travail est organisé en cycles, produit directement ses effets à l'égard des directeurs d'établissements et des agents de ces trois départements ; qu'ainsi, le champ d'application de cette note s'étend au-delà du ressort du seul tribunal administratif de Strasbourg ; que le refus de retirer cette note a les mêmes effets ; que, dès lors, le litige né du refus de retirer cette note technique relève de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ; qu'il y a lieu, par suite, pour le Conseil d'Etat, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 15 novembre 2007 et de statuer directement sur la demande de M. A ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par LA POSTE :

Considérant, d'une part, que la note attaquée, qui fixe le mode de calcul des jours de congé et de repos des agents de LA POSTE affectés à la direction opérationnelle territoriale courrier Lorraine, est susceptible de porter atteinte aux droits des agents affectés dans cette direction ; que par suite, M. A, agent de cette direction, est recevable à attaquer la décision implicite par laquelle son directeur a refusé de retirer cette note ;

Considérant, d'autre part, que la présente demande a été introduite devant le tribunal administratif de Strasbourg le même jour que celle du Syndicat Sud PTT Moselle, enregistrée sous le n° 312871, qu'elle est expressément motivée par référence à la requête du syndicat et qu'elle est dirigée contre la même décision ; que, dans ces conditions, elle doit être regardée comme répondant aux exigences de motivation posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par LA POSTE ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la légalité de la note attaquée :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1er du décret du 26 octobre 1984, relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat : Tout fonctionnaire de l'Etat en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accomplie du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés. ; qu'aux termes de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990, introduit par la loi du 20 mai 2005 : La Poste recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales dans tous les domaines sociaux afférents à l'activité postale ; que selon l'accord-cadre signé le 17 juin 1999 et relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail à LA POSTE, qui a été validé par l'article 202 de la loi du 17 janvier 2003 de modernisation sociale, les jours de repos de cycle sont des jours ouvrés qui entrent dans le calcul des droits à congés ;

Considérant que, par la note attaquée, le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier Lorraine ne s'est pas borné à fixer une méthode d'attribution des droits à congé des agents affectés dans cette direction, mais a posé des règles nouvelles de calcul du nombre de jours de congé ou de repos de cycle auxquels ils ont droit en en modifiant l'assiette par rapport aux dispositions applicables ; qu'en effet, les deux méthodes entre lesquelles il impose de choisir ont pour effet soit de calculer l'incidence des congés annuels sur le nombre de repos de cycle auxquels ont droit les agents, soit de ne pas prendre en compte les jours de repos de cycle comme des jours ouvrés dans le calcul de leurs droits à congés ; que ce faisant, la note a pour effet de restreindre le nombre annuel de jours de repos auxquels peuvent prétendre les agents ; que, dès lors, cette note, qui ne peut être assimilée à une simple mesure d'organisation du service, ne pouvait, en tout état de cause, pas être prise compétemment par un directeur régional de LA POSTE ;

Considérant qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l'annulation du refus de retrait de la note technique du 10 décembre 2003 de cette direction en tant qu'elle s'applique aux agents publics qui en relèvent ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que la présente décision implique que les droits à congé de M. A soient recalculés selon les instructions nationales en vigueur à l'époque ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner à LA POSTE de réexaminer la situation du requérant au regard de ses droits à congés et, en tant que de besoin, de le rétablir dans ses droits ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A la somme demandée par LA POSTE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de LA POSTE la somme de 1 euro au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 15 novembre 2007 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 3 : La décision implicite par laquelle le directeur de la Direction Opérationnelle Territoriale Courrier Lorraine a rejeté la demande présentée le 9 juin 2004 par M. A tendant au retrait de la note technique du 10 décembre 2003 de cette direction en tant qu'elle s'applique aux agents publics qui en relèvent est annulée.

Article 4 : Il est enjoint à LA POSTE de réexaminer la situation du requérant au regard de ses droits à congés et, en tant que de besoin, de le rétablir dans ses droits, conformément aux motifs de la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à LA POSTE et à M. Etienne A.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312862
Date de la décision : 24/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR DES TEXTES SPÉCIAUX - ATTRIBUTIONS LÉGALES DE COMPÉTENCE AU PROFIT DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES - ACCORDS AVEC LES ORGANISATIONS SYNDICALES PASSÉS PAR LA POSTE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 31-2 DE LA LOI DU 2 JUILLET 1990 (SOL - IMPL - ) [RJ1].

17-03-01-01 Si la juridiction judiciaire est compétente pour apprécier la légalité des accords passés par des établissements publics industriels et commerciaux sur le fondement de l'article L. 134-1 de l'ancien code du travail, le juge administratif reste compétent s'agissant des accords passés par la Poste avec les organisations syndicales sur le seul fondement de l'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 (sol. impl.).

POSTES ET COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES - POSTES - CONTRATS PASSÉS PAR LA POSTE - ACCORDS AVEC LES ORGANISATIONS SYNDICALES PASSÉS SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 31-2 DE LA LOI DU 2 JUILLET 1990 - CONTESTATION - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF (SOL - IMPL - ) [RJ1].

51-01-04 Si la juridiction judiciaire est compétente pour apprécier la légalité des accords passés par des établissements publics industriels et commerciaux sur le fondement de l'article L. 134-1 de l'ancien code du travail, le juge administratif reste compétent s'agissant des accords passés par la Poste avec les organisations syndicales sur le seul fondement de l'article 31-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 (sol. impl.).


Références :

[RJ1]

Cf. décision du même jour, La Poste, n° 312871, inédite au Recueil.

Cf. sol. contr. TC, 15 décembre 2008, Voisin, n° 3662, p. 563.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2009, n° 312862
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Constance Rivière
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:312862.20090724
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