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28/12/2009 | FRANCE | N°315510

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 28 décembre 2009, 315510


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 avril et 19 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS, dont le siège est Palais de Justice 20 rue de Paris à Moulins (03000) ; l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du décret n° 2008-154 du 22 février 2008 relatif aux magistrats chargés des affaires concernant des mineurs et aux établissements dans lesquels la détention provisoire est exécutée ;

2°) de mettre

la charge de l'Etat une somme de 4 200 euros au titre de l'article L. 761-1 d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 avril et 19 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS, dont le siège est Palais de Justice 20 rue de Paris à Moulins (03000) ; l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du décret n° 2008-154 du 22 février 2008 relatif aux magistrats chargés des affaires concernant des mineurs et aux établissements dans lesquels la détention provisoire est exécutée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 ;

Vu le décret n° 2008-54 du 16 janvier 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugues Ghenassia de Ferran, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS ;

Considérant qu'aux termes de l'article 52-1 du code de procédure pénale : Dans certains tribunaux de grande instance, les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction. / Les juges d'instruction composant un pôle de l'instruction sont seuls compétents pour connaître des informations en matière de crime. Ils demeurent compétents en cas de requalification des faits en cours d'information ou lors du règlement de celle-ci. Ils sont également seuls compétents pour connaître des informations donnant lieu à une cosaisine conformément aux articles 83-1 et 83-2. / La liste des tribunaux dans lesquels existe un pôle de l'instruction et la compétence territoriale des juges d'instruction qui le composent sont déterminées par décret...(...) ; qu'aux termes du II de l'article 80 de ce code : En matière criminelle, ainsi que lorsqu'il requiert une cosaisine, le procureur de la République près le tribunal de grande instance au sein duquel il n'y a pas de pôle de l'instruction est compétent pour requérir l'ouverture d'une information devant les magistrats du pôle territorialement compétents pour les infractions relevant de sa compétence en application de l'article 43, y compris en faisant déférer devant eux les personnes concernées. / Dans les cas prévus au premier alinéa, le réquisitoire introductif peut également être pris par le procureur de la République près le tribunal de grande instance au sein duquel se trouve le pôle, qui est à cette fin territorialement compétent sur l'ensemble du ressort de compétence de ce pôle, y compris pour diriger et contrôler les enquêtes de police judiciaire. / Le procureur de la République près ce tribunal de grande instance est seul compétent pour suivre le déroulement des informations visées aux alinéas précédents jusqu'à leur règlement. / En cas de renvoi devant la juridiction de jugement, l'affaire est renvoyée, selon le cas, devant la juridiction de proximité, le tribunal de police, le tribunal correctionnel, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises initialement compétents. ;

Considérant que l'article 2 du décret du 20 février 2008 crée dans le code de procédure pénale un article D. 15-4-8. aux termes duquel : Au sein de chaque tribunal de grande instance dans lequel est situé un pôle de l'instruction dans le ressort duquel siège un tribunal pour enfants, que ce tribunal se trouve ou non dans la ville où est localisé le tribunal de grande instance, un ou plusieurs juges d'instruction désignés par le premier président et un ou plusieurs magistrats du parquet désignés par le procureur général sont chargés spécialement des affaires concernant les mineurs. ; que l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS demande l'annulation du décret attaqué en tant qu'il insère cet article dans le code de procédure pénale ;

Considérant, en premier lieu, que la disposition attaquée, qui précise les modalités de désignation des juges d'instruction chargés, au sein du pôle de l'instruction, des affaires concernant les mineurs ainsi que des magistrats du parquet, se borne à déterminer les modalités d'application des règles de procédure pénale fixées par le législateur, et ne relève dès lors pas du domaine réservé à la loi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette disposition serait entachée d'incompétence pour méconnaissance des attributions réservées au législateur par l'article 34 de la Constitution ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si par une décision du 19 décembre 2008 le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la disposition du décret du 16 janvier 2008 créant l'article D. 15-4-4 du code de procédure pénale qui déterminait la liste des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels se trouve un pôle de l'instruction ainsi que leur compétence territoriale, cette annulation, qui ne concerne pas les règles relatives au fonctionnement et à l'organisation des pôles d'instruction, ne saurait être regardée, contrairement à ce que soutient l'ordre requérant, comme entraînant l'illégalité du décret litigieux par voie de conséquence ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 7 de l'ordonnance du 2 février 1945 : Le procureur de la République près le tribunal du siège du tribunal pour enfants est chargé de la poursuite des crimes et délits commis par des mineurs. ; qu'en vertu du même article, dans les affaires mixtes, dans lesquelles des mineurs et des majeurs sont impliqués, le juge d'instruction compétent est celui du tribunal pour enfants ; que contrairement à ce que soutient l'ordre requérant, les dispositions de l'article D. 15-4-8 du code de procédure pénale créé par le décret litigieux n'ont nullement pour effet de permettre de confier l'instruction et les poursuites des crimes et délits commis par les mineurs à d'autres magistrats que ceux mentionnés à l'article 7 de l'ordonnance précitée ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article par le décret litigieux doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que la disposition litigieuse du décret ne porte pas par elle-même atteinte au droit d'être jugé dans un délai raisonnable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS n'est pas fondé à demander l'annulation de la disposition attaquée ; que ses conclusions tendant à l'application de L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE MOULINS, à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 315510
Date de la décision : 28/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2009, n° 315510
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Hugues Ghenassia de Ferran
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:315510.20091228
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