Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 12 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 3 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, fait droit au recours formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'annulation des articles 2, 3 et 4 du jugement du 25 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du directeur des services fiscaux des Yvelines refusant de rectifier la valeur locative de 22 locaux commerciaux au titre de l'année 2000, 16 locaux commerciaux au titre de l'année 2001 et 8 locaux commerciaux au titre de l'année 2002, situés sur son territoire et refusé d'émettre des rôles supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et condamné l'Etat à lui payer la somme de 46 433 euros majorés des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2002 ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et, d'autre part, rejeté sa demande ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE a, par lettre du 28 novembre 2000, demandé à l'administration fiscale de procéder, en vue de l'établissement des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties, à la rectification de la valeur locative de vingt-deux locaux commerciaux situés sur son territoire et d'émettre pour ces locaux des rôles supplémentaires au titre des années 1999 et 2000 ; qu'elle a renouvelé sa demande le 30 novembre 2001 ; qu'elle a réitéré cette demande le 17 septembre 2002 ; qu'à la suite de la réunion de la commission communale des impôts directs, les procès-verbaux complétant la liste de ces locaux-types ont été adoptés les 11 janvier 2001 et 21 mai 2002, ce qui a permis, à partir de l'année 2001 pour six des locaux concernés, de l'année 2002 pour quatorze autres et de l'année 2003 pour tous ces locaux, l'évaluation de leur valeur locative en utilisant, par application de la méthode par comparaison prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, les nouveaux locaux-types pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que l'administration a rejeté la demande de la commune tendant à ce que des rôles supplémentaires soient émis, pour les immeubles non réévalués au titre des années 2000, 2001 et 2002 ; que, saisi par la commune d'une demande tendant à l'annulation des décisions de rejet du directeur des services fiscaux des Yvelines ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser les ressources fiscales correspondant aux impositions supplémentaires non émises, le tribunal administratif de Versailles a, par jugement du 25 janvier 2007, partiellement fait droit à ses conclusions ; que la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE demande l'annulation de l'arrêt du 3 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et rejeté ses demandes ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, la valeur locative des immeubles commerciaux est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision, lorsque l'immeuble était loué normalement à cette date, soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ; qu'en l'absence d'un terme de comparaison approprié dans la commune, le local à évaluer peut être regardé comme présentant un caractère particulier au sens du a du 2° de l'article 1498 du code général des impôts précité, de nature à autoriser l'administration à recourir à un terme de comparaison pris hors de la commune ;
Considérant qu'en jugeant, après avoir relevé qu'il n'existait pour les vingt-deux locaux commerciaux en litige aucun terme de comparaison approprié dans le procès-verbal arrêtant la liste des locaux-types pour la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE, que l'administration était fondée, en l'absence d'immeubles pouvant servir de termes de comparaison appropriés pour les locaux commerciaux concernés, à rechercher s'il existait dans la commune d'autres locaux susceptibles de compléter la liste des locaux-types et à mettre en oeuvre la procédure de l'article 1504 du code général des impôts pour modifier cette liste, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, toutefois, qu'en jugeant, pour rejeter les conclusions de la commune tendant à l'annulation des décisions de l'administration, que celle-ci avait pu refuser d'émettre des rôles supplémentaires pour les locaux commerciaux concernés aux motifs, d'une part, qu'il n'était pas démontré que le recours à la procédure prévue au a du 2° de l'article 1498 du code général des impôts précité pour les locaux particuliers ou exceptionnels aurait permis d'aboutir dans des délais plus brefs que ceux qui ont été effectivement nécessaires à la mise à jour des valeurs locatives des immeubles en cause et, d'autre part, que la méthode d'évaluation par voie d'appréciation directe prévue au 3° du même article ne pouvait être mise en oeuvre tant que la méthode par comparaison ne s'était pas révélée inapplicable, alors que l'administration, qui a de façon constante soutenu qu'elle était tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 1504 dès lors qu'elle ne pouvait choisir des termes de comparaison en dehors de la commune, n'a à aucun moment recouru comme elle aurait dû le faire à l'une puis, à défaut, à l'autre des procédures prévues aux 2° et 3° de l'article 1498 sus mentionné, la cour a commis une erreur de droit ; qu'elle a, par suite, également commis une erreur de droit en jugeant pour ce motif que l'administration avait pu refuser de rectifier les bases des impositions locales au titre des années 2000, 2001 et 2002, alors qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que ce refus était illégal et que les erreurs commises par l'administration fiscale lors de l'exécution d'opérations qui se rattachent aux procédures d'établissement de l'impôt sont, en principe, susceptibles, en raison de la difficulté que présente généralement la mise en oeuvre de ces procédures, d'engager la responsabilité de l'Etat dans le cas où elles constituent une faute lourde ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé les articles 2, 3 et 4 du jugement du 25 janvier 2007 du tribunal administratif de Versailles et rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 juin 2008 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MANTES-LA-VILLE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.