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13/01/2010 | FRANCE | N°323163

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 13 janvier 2010, 323163


Vu le pourvoi, enregistré le 11 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt du 14 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a déchargé M. A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à sa charge au titre des années 1996 et 1997 ainsi que des pénalités correspondantes, a mis à sa charge une somme

de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code...

Vu le pourvoi, enregistré le 11 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt du 14 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a déchargé M. A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à sa charge au titre des années 1996 et 1997 ainsi que des pénalités correspondantes, a mis à sa charge une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a réformé, dans cette mesure, le jugement du 30 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Nice n'avait que partiellement fait droit à sa demande en décharge de ces impositions et pénalités ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1996 et 1997, à l'issue duquel des redressements leur ont été notifiés selon la procédure de taxation d'office ; que, à la suite de la vérification de comptabilité de sociétés dont M. A était le gérant, d'autres redressements lui ont été notifiés selon la procédure contradictoire ; que, par un jugement en date du 30 mars 2006, le tribunal administratif de Nice, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions relatives aux impositions supplémentaires mises en recouvrement à la suite de ces contrôles, a prononcé une décharge partielle des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes et rejeté le surplus des conclusions ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande l'annulation des articles 2, 3 et 4 de l'arrêt par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a déchargé M. A des impositions et pénalités demeurant en litige, mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et réformé dans cette mesure le jugement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée : Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués près les cours d'appel. ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires. ; qu'il résulte de ces dispositions que si, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant l'administration fiscale sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte, leurs collaborateurs n'ayant pas la qualité d'avocat ne peuvent intervenir que sous réserve de la production d'un mandat exprès du contribuable ; que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la lettre en date du 4 mars 1999, signée par une collaboratrice d'un avocat n'ayant pas elle-même la qualité d'avocat, informant l'administration que le contribuable était en désaccord avec l'ensemble des redressements notifiés devait être regardée comme manifestant le refus de M. A d'accepter les redressements notifiés selon la procédure contradictoire et son désaccord sur les redressements notifiés selon la procédure d'office et en déchargeant par voie de conséquence M. A au motif que l'administration ne pouvait mettre en recouvrement les impositions sans avoir répondu à ses observations dans le cadre du caractère contradictoire de la procédure et sans l'avoir informé de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à demander l'annulation des articles 2 à 4 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les impositions demeurant en litige procèdent de redressements notifiés, d'une part, selon la procédure contradictoire et, d'autre part, selon la procédure de taxation d'office ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la lettre adressée à l'administration fiscale le 4 mars 1999 au nom de M. et Mme A par une employée d'un cabinet d'avocat, dépourvue de tout mandat, ne peut être regardée ni comme constituant un refus des redressements relatifs aux revenus distribués et aux revenus fonciers notifiés les 4 et 5 février 1999 ni comme manifestant le désaccord du contribuable sur les redressements portant sur les revenus taxés d'office notifiés le 3 février 1999 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'année 1999 : (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ; que, dès lors que M. A n'avait pas refusé les redressements résultant de la procédure contradictoire, l'administration n'était pas tenue de confirmer ces redressements ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office sont portées à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. (...) Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 ; qu'aux termes de l'article L. 59 du même livre : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors que M. A n'avait pas manifesté de désaccord sur les redressements notifiés d'office, l'administration n'était pas tenue de l'informer de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts ; que, par suite, M. A n'a pas été privé d'une garantie substantielle de procédure ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193 du livre des procédures fiscales, il incombe au contribuable qui est en situation de taxation d'office d'établir le caractère exagéré des impositions qu'il conteste ;

Considérant que si M. A justifie avoir obtenu à titre personnel un prêt de 550 000 F, destiné à financer un apport en compte courant dans l'entreprise EGTT, il ne justifie pas, en se bornant à fournir le contrat qu'il a souscrit, que ce prêt était destiné à financer un apport en compte courant dans l'entreprise EGTT et que les montants de 7 728,98 F portés mensuellement sur ses comptes bancaires en 1996 et 1997 correspondaient au remboursement par la société de cet apport ; que, s'agissant des autres sommes portées sur ses comptes bancaires, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère non imposable des crédits en litige ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de M. A tendant à la décharge des impositions et pénalités demeurant à sa charge ne peuvent qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à M. A la somme qu'il réclame en appel ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt du 14 octobre 2008 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A présentée devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejeté.

Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant en litige auxquelles M. A a été assujetti au titre des années 1996 et 1997 ainsi que les pénalités correspondantes sont remises à sa charge.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Antoine A.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 323163
Date de la décision : 13/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - REDRESSEMENT - GÉNÉRALITÉS - REPRÉSENTATION DU CONTRIBUABLE - DISPENSE DE JUSTIFICATION DEVANT L'ADMINISTRATION DU MANDAT EN VERTU DUQUEL L'AVOCAT REPRÉSENTE SON CLIENT (ART - 4 ET 6 - 1ER AL - DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971) [RJ1] - EXTENSION AU BÉNÉFICE D'UN COLLABORATEUR DE L'AVOCAT - ABSENCE [RJ2].

19-01-03-02-01 Il résulte des dispositions de l'article 4 et du premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que si, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant l'administration fiscale sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte, leurs collaborateurs n'ayant pas la qualité d'avocat ne peuvent intervenir que sous réserve de la production d'un mandat exprès du contribuable. En l'absence d'un tel mandat, le collaborateur d'un avocat, qui n'a pas lui-même la qualité d'avocat, ne peut pas valablement signer un courrier par lequel les clients de cet avocat refusent les redressements opérés par l'administration fiscale.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - AVOCATS - DISPENSE DE JUSTIFICATION DEVANT L'ADMINISTRATION DU MANDAT EN VERTU DUQUEL L'AVOCAT REPRÉSENTE SON CLIENT (ART - 4 ET 6 - 1ER AL - DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971) [RJ1] - EXTENSION AU BÉNÉFICE D'UN COLLABORATEUR DE L'AVOCAT - ABSENCE [RJ2].

37-04-04-01 Il résulte des dispositions de l'article 4 et du premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que si, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant l'administration fiscale sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte, leurs collaborateurs n'ayant pas la qualité d'avocat ne peuvent intervenir que sous réserve de la production d'un mandat exprès du contribuable. En l'absence d'un tel mandat, le collaborateur d'un avocat, qui n'a pas lui-même la qualité d'avocat, ne peut pas valablement signer un courrier par lequel les clients de cet avocat refusent les redressements opérés par l'administration fiscale.


Références :

[RJ1]

Cf. 5 juin 2002, Brandeau, n° 227373, p. 206., ,

[RJ2]

Rappr., s'agissant de la réclamation contentieuse, 3 mai 1989, SA Quadriga, n° 78223, inédite au Recueil, RJF 6/89 n° 751 ;

Cass. com., 17 février 2009, Miquel ès. qual., n° 08-13.728, Bull. 2009 IV n° 25.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jan. 2010, n° 323163
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:323163.20100113
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