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25/01/2010 | FRANCE | N°334357

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 janvier 2010, 334357


Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ahmed A, domicilié ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 20 mai 2009 des autorités consulaires françaises à Ankara (Turquie) de lui refuser un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l

'identité nationale et du développement solidaire de lui délivrer le visa sollic...

Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ahmed A, domicilié ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 20 mai 2009 des autorités consulaires françaises à Ankara (Turquie) de lui refuser un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de 96 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sa demande de visa dans un délai de 96 heures à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que sa requête est recevable ; que la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il est contraint de vivre séparé de son épouse depuis qu'il a dû quitter la France en juillet 2007 ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que la décision de rejeter sa demande, au motif de l'absence de vie commune, sans que soit invoquée une fraude au mariage ou une menace à l'ordre public, et alors même que la séparation des époux résulte de la décision de refus de visa, est entachée d'une erreur de droit ; qu'en tout état de cause, aucune fraude au mariage ne peut lui être reprochée, dès lors que le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 10 novembre 2008, devenu définitif, a débouté le procureur de la République près ce tribunal de sa demande de prononcer la nullité du mariage et que l'administration ne fait état d'aucun fait nouveau intervenu depuis ce jugement ; que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit, par renversement de la charge de la preuve ; que la décision dont la suspension est demandée porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision des autorités consulaires de France à Ankara en date du 20 mai 2009 et la saisine de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 20 juillet 2009 ;

Vu la requête à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions à fin d'injonction de délivrer le visa sollicité sont irrecevables ; que la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que M. A est entré en France en détournant l'objet du visa d'entrée dans l'espace Schengen qui lui avait été délivré par les autorités allemandes ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, l'intéressé ne rencontrant d'ailleurs ensuite aucune difficulté après son retour dans son pays d'origine ; que, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière notifié le 21 novembre 2006, il ne l'a exécuté qu'en juillet 2007 ; que M. A, à qui un visa avait été délivré le 21 août 2007 par le service consulaire de l'ambassade de France en Turquie, à la suite de sa demande déposée le 3 août, ne s'est inquiété de la délivrance de ce visa que le 29 janvier 2009 ; que, depuis leur rencontre, M. A n'a pas eu de résidence commune avec Mme B, avec laquelle il ne semble pas avoir non plus de langue commune, ce qui ne permet pas de reconnaître un caractère probant aux relevés de communications téléphoniques produits, communications qui sont d'ailleurs toujours à l'initiative de l'épouse ; que la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'absence d'éléments démontrant la sincérité du mariage et M. A n'établissant pas, en outre, que son épouse soit dans l'impossibilité de lui rendre visite en Turquie ; que, faute de sincérité des intentions matrimoniales, la condition d'urgence n'est pas satisfaite ;

Vu, enregistré le 12 janvier 2010, le mémoire en réplique présenté par M. A qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que n'ayant jamais été informé des suites données à sa demande de visa, l'administration, qui ne démontre pas le contraire, ne peut se prévaloir de son manque d'empressement supposé à retirer le visa sollicité pour mettre en doute la sincérité de ses intentions matrimoniales ; qu'il a demandé un visa de long séjour dès son retour en Turquie, à l'été 2007, puis un nouveau visa de long séjour le 29 janvier 2009 ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, Mme B et lui-même ont la capacité de communiquer dans une langue commune et ont vécu sous le même toit ; qu'ils entretiennent actuellement des relations aussi étroites que le permet leur séparation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 14 janvier 2010 à 11 h au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ancel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- les représentantes du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 21 janvier 2010 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 janvier 2010, présenté par M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que ce n'est que de manière incidente qu'il a appris que le visa qu'il avait sollicité à l'été 2007 lui avait été délivré, sans que le service consulaire de l'ambassade de France en Turquie l'en ait jamais avisé, alors même qu'il avait appelé ce service et s'était rendu dans ses locaux, à plusieurs reprises, pour s'enquérir des suites réservées à sa demande ;

Vu le mémoire de production, enregistré le 19 janvier 2010, présenté par M. A ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 janvier 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui maintient ses conclusions de rejet, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que M. A n'indique pas quelles auraient été les réponses fournies par les autorités consulaires lors des appels et visites qu'il prétend avoir effectués en vue de connaître les suites réservées à sa première demande de visa et dont le service n'a aucune trace ; qu'il est surprenant qu'il n'ait pas interrogé le service consulaire par lettre ou courriel plutôt que de se rendre dans ces services, alors qu'il réside à plus de trois heures de route d'Ankara ; que ce service confirme qu'il n'a été saisi d'aucune demande de M. A de connaître la suite réservée à sa demande de visa d'entrée en France, non plus que de reprendre son passeport déposé en vue de l'apposition du visa sollicité, qui lui avait été délivré le 21 août 2007, entre le dépôt de sa première demande de visa le 9 août 2007 et son nouveau passage dans ce service, le 29 janvier 2009, pour solliciter un nouveau visa ; que ce désintérêt pour cette première demande de visa, alors même qu'il était marié depuis le 14 avril 2007, est de nature à faire douter de la sincérité de ses intentions de vie commune ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, de nationalité turque, entré en France le 1er janvier 2002 après avoir obtenu des autorités allemandes un visa d'entrée dans l'espace Schengen, s'est ensuite maintenu irrégulièrement en France ; que le recours qu'il avait formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui refuser la qualité de réfugié ayant été rejeté par celle-ci, un arrêté de reconduite à la frontière lui a été notifié le 21 novembre 2006 ; qu'il s'est marié le 14 avril 2007 avec une ressortissante française, Mme B ; que revenu en Turquie, il a déposé, le 9 août 2007, une première demande de visa de long séjour en qualité de conjoint de Français auprès des autorités consulaires françaises à Ankara, qui lui a été délivré le 21 août 2007 mais qu'il n'a pas retiré ; que le tribunal de grande instance de Toulouse a, par un jugement du 10 novembre 2008, devenu définitif, débouté le procureur de la République près ce tribunal de la demande que celui-ci avait formée de prononcer la nullité du mariage ; que, le 29 janvier 2009, M. A a déposé une nouvelle demande de visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, qui a été rejetée par les autorités consulaires françaises à Ankara le 20 mai 2009, ainsi que, implicitement, le recours qu'il a formé contre ce refus devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Considérant que si M. A fait valoir que le tribunal de grande instance de Toulouse, par son jugement en date du 10 novembre 2008, devenu définitif, a estimé que son mariage avec Mme B était régulier et qu'il n'aurait pas été informé de la délivrance, le 21 août 2007, du visa qu'il avait sollicité le 9 août, il résulte de l'instruction qu'alors qu'il était marié depuis le 14 avril 2007, M. A n'a pas fait preuve d'une insistance particulière pour s'enquérir auprès du service consulaire de l'ambassade de France à Ankara des suites réservées à sa demande de visa de long séjour pour rejoindre son épouse, non plus que pour obtenir la restitution de son passeport et qu'il ne s'est présenté à nouveau dans ce service que le 29 janvier 2009, pour y déposer une nouvelle demande de visa ; que, dès lors, la condition d'urgence ne peut regardée comme satisfaite en ce qui concerne sa demande de suspension de l'exécution de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui a rejeté son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Ankara qui avaient rejeté sa deuxième demande de visa de long séjour ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée serait satisfaite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin de suspension présentée par M. A, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Ahmed A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ahmed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 334357
Date de la décision : 25/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jan. 2010, n° 334357
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christnacht
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Avocat(s) : SCP ANCEL, COUTURIER-HELLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:334357.20100125
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