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23/04/2010 | FRANCE | N°337094

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 avril 2010, 337094


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er mars 2010, présentée par M. Arcan A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 13 mai 2009 du consul général de France à Ankara (Turquie), lui refusant un visa de long séjour e

n qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au min...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er mars 2010, présentée par M. Arcan A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 13 mai 2009 du consul général de France à Ankara (Turquie), lui refusant un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie en raison de l'obligation de quitter le territoire français dont il a été l'objet le 26 novembre 2009 et qu'il a déférée au tribunal administratif d'Amiens qui doit statuer prochainement ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est entachée d'un défaut de motivation ; qu'en outre, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le procureur de la République ne s'est opposé au mariage ni après sa célébration en France, ni après qu'il a diligenté une enquête ; que le rapport d'enquête ne constitue pas un reflet de la réalité ; qu'il est établi par de nombreux documents que les époux A mènent une vie commune ; que les éléments produits par les autorités consulaires pour fonder leur refus n'établissent aucunement l'absence d'intention matrimoniale ; qu'enfin, la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de mener une vie familiale normale ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'urgence n'est pas établie, dès lors que le recours contre l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français formé devant le tribunal administratif d'Amiens n'a pas d'influence sur la procédure engagée contre le refus de visa ; qu'en outre, un faisceau d'indices concordants établit que l'unique objet du mariage était de permettre l'installation du requérant en France ; qu'il n'existe aucun doute sérieux sur la légalité de la décision dès lors ; que cette décision est suffisamment motivée ; que le caractère précipité du mariage, les relations que le requérant entretient avec sa première épouse, l'absence de difficultés à vivre en Turquie et les déclarations de son épouse démontrent le caractère frauduleux du mariage ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 avril 2010 à 15 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A;

- M. A;

- la représentante de M. KARATEPE ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 19 avril 2010 à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions et les moyens de son précédent mémoire ; il soutient en outre que la circonstance que l'épouse du requérant soit enceinte est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'un faisceau d'indices concordants permette de conclure au caractère frauduleux du mariage ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 avril 2010, présenté par M. A qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; il soutient en outre que le arguments développés par le dernier mémoire de l'administration sont irrecevables dès lors qu'ils sont sans rapport avec la pièce présentée lors de l'audience, soit un certificat de grossesse établissant que l'épouse du requérant est enceinte ; qu'il est démontré que les éléments retenus par l'administration pour établir le caractère frauduleux du mariage n'ont pas été vérifiés par l'administration ; qu'elle ne saurait, dans ces conditions, s'en prévaloir pour caractériser la fraude du mariage ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant que M. A, ressortissant turc, qui est né en 1977, est entré en France en 2005, où le statut de réfugié lui a été refusé; qu'après avoir divorcé d'une première épouse de nationalité turque également, il a épousé, le 4 octobre 2008, une ressortissante française à Laon (Aisne) ; qu'après avoir fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, il a sollicité un visa pour rejoindre son épouse en France ; qu'il demande la suspension de l'exécution du refus qui a été opposé à cette demande ;

Considérant que le refus litigieux est fondé sur ce que le mariage du requérant avec une ressortissante française n'aurait pas été contracté dans une véritable intention matrimoniale ; que, si certaines pièces du dossier sont de nature à jeter un doute sur la réalité de cette intention, il résulte de l'instruction que M. A et son épouse mènent une vie commune ; qu'un certificat médical produit à l'audience montre que cette dernière attend un enfant ; que, dans ces circonstances, un doute sérieux existe sur le bien-fondé du motif de refus de visa ;

Considérant qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment à la précarité de la situation du couple, la condition d'urgence est remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 13 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Ankara a refusé le visa de long séjour sollicité par M. A; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder, au regard des motifs de la présente ordonnance, au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette ordonnance, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du 13 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Ankara a refusé le visa de long séjour sollicité par M. A est suspendue.

Article 2 : Le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire procédera, au regard des motifs de la présente ordonnance, au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ercan A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 337094
Date de la décision : 23/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 avr. 2010, n° 337094
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337094.20100423
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