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23/04/2010 | FRANCE | N°337159

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 23 avril 2010, 337159


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 2010, présentée par Mme Madeleine A et par Mina B et Michee C, représentés par Mme Madeleine A demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 16 octobre 2009 de l'ambassadeu

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Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 2010, présentée par Mme Madeleine A et par Mina B et Michee C, représentés par Mme Madeleine A demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 16 octobre 2009 de l'ambassadeur de France à Kinshasa (République démocratique du Congo), refusant un visa de long séjour à ses enfants mineurs, Mina B et Michée C en qualité de membres de famille d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie compte tenu de la durée de la séparation d'avec ses enfants ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il ne peut être opposé le motif de l'intérêt supérieur de l'enfant pour fonder une décision de refus de visa d'un descendant de réfugié statutaire ; qu'en outre, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation puisque le jugement confiant la garde des enfants à la soeur de la requérante et son époux n'a été établi que dans le but de satisfaire à la demande des autorités consulaires et ne destitue en rien la requérante de ses droits parentaux ; que les enfants n'ont été confiés à leur tante et à leur oncle que temporairement, et compte tenu de la situation de leur mère ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'existe aucun doute sérieux sur la légalité de la décision ; qu'en effet, le jugement du 2 mai 2008 confiant la garde des enfants à la soeur de la requérante a été pris selon la loi locale et ne revêt aucun caractère temporaire ; que dès lors, seul un nouveau jugement pourra rétablir ses droits parentaux ; qu'ainsi, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur de droit ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors qu'aucune démarche n'a été effectuée pour réviser le jugement confiant la garde des enfants ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 avril 2010, présenté par Mme A, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; elle soutient en outre que l'administration ne peut justifier le refus de visas par le seul jugement qui a été établi dans l'unique but de satisfaire à une demande des autorités consulaires aux fins de compléter le dossier de demande de visas ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 avril 2010 à 15 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A;

- Mme A ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 19 avril 2010 à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui s'en remet à la sagesse du juge des référés du Conseil d'Etat ; il soutient que bien que les autorités consulaires aient effectivement demandé un jugement à domicile inconnu pour la garde des enfants, elles n'ont pas demandé que ce jugement attribue la garde à la soeur et au beau-frère de la requérante ; que le jugement en cause a eu également pour but de permettre à la soeur de la requérante de solliciter les jugements supplétifs des actes de naissance des enfants ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 avril 2010, présenté pour Mme A qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; elle soutient en outre que la circonstance que la garde ait été transférée à la soeur et au beau-frère de la requérante ne fait pas obstacle à la délivrance des visas sollicités dès lors qu'eux-mêmes ne s'y opposent pas et que le père, disparu, ne peut être en mesure de donner son accord pour la venue des enfants en France ; que la révision du jugement du 2 mai 2008 ne saurait être une condition de délivrance des visas ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant que Mme A, ressortissante de la République démocratique du Congo, qui est née en 1956, est entrée en France en 2005 et a été admise au statut de réfugiée le 5 mai 2006 ; qu'elle demande la suspension de l'exécution du refus opposé à la demande de visa de long séjour qu'elle a présentée en vue de la venue en France de ses deux enfants mineurs, Mina et Michée, nés respectivement en 1995 et 1998 ; qu'il n'est contesté ni que le père de ces enfants, persécuté pour les mêmes motifs que la requérante, a disparu, ni que le lien de filiation entre Mme A et les deux enfants est établi ; que le refus de visa litigieux est toutefois fondé sur l'existence d'un jugement rendu le 2 mai 2008 par le tribunal de paix de Kinshasa, qui a accordé la garde des enfants à leur tante et à leur oncle ;

Mais considérant que ce jugement a été rendu après que les autorités consulaires françaises avaient indiqué, lors de l'instruction de la demande de visa, avoir besoin d'un jugement à domicile inconnu pour la garde des enfants ; que l'oncle et la tante des enfants soutiennent la démarche de la requérante tendant à la venue des deux enfants en France ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le motif, sur lequel repose le refus litigieux, selon lequel une décision judiciaire des tribunaux congolais ferait obstacle à l'octroi des visas demandés, reposerait sur une erreur de droit des autorités consulaires est propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension est demandée ;

Considérant que la séparation de la requérante, réfugiée statutaire, et de ses deux enfants mineurs est de nature à constituer une situation d'urgence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la suspension de l'exécution du refus de visa litigieux ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité, au vu des motifs de la présente ordonnance, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstance de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que Mme A demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er . L'exécution de la décison implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme A dirigé contre la décision du 16 octobre 2009 de l'ambassadeur de France à Kinshasa (République Démocratique du Congo), refusant un visa de long séjour à ses enfants mineurs, Mina B et Michée C, est suspendue.

Article 2 : Le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire procédera au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité, au vu des motifs de la présente ordonnance, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera 2 000 euros à Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 337159
Date de la décision : 23/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 avr. 2010, n° 337159
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337159.20100423
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