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17/05/2010 | FRANCE | N°338058

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 mai 2010, 338058


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 mars 2010, présentée par M. Amadu A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Ankara refusant des visas de long séjour à ses enfants en qualités d

e descendants de membres de famille d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoin...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 mars 2010, présentée par M. Amadu A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Ankara refusant des visas de long séjour à ses enfants en qualités de descendants de membres de famille d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance des visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie compte tenu de la durée de la séparation familiale, du jeune âge des enfants et de leur isolement ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est entachée d'un défaut de motivation qui méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, elle est entachée d'une erreur d'appréciation du caractère inauthentique des actes dès lors que la filiation et l'authenticité des documents produits sont établies par un faisceau d'indices concordants; qu'elle méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de mener une vie familiale normale ensemble les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant garantissant l'intérêt supérieur de l'enfant ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors qu'il n'est pas établi que le requérant ait conservé des liens avec ses enfants allégués et que la filiation n'est pas démontrée notamment au regard du caractère apocryphe des actes de naissance ; qu'il n'existe aucun doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du consul est inopérant dès lors que la décision contestée est celle de la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que les actes de naissance produits sont différents de ceux remis aux autorités consulaires par les autorités locales ; que le requérant n'a pas fait mention de l'existence de ses enfants lors de sa déclaration à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'ainsi, la décision contestée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 mai 2010 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. A ;

- le représentant de M. A ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant que M. A, ressortissant du Sierra Léone, né en 1974, est entré en France en 2005 et a été admis au statut de réfugié le 29 juin 2006 ; que son épouse et mère des enfants, ressortissante guinéenne, née en 1979, est également entrée en France en 2008 et a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire le 19 août 2008 ; que M. A demande la suspension de l'exécution du refus opposé à la demande de visa de long séjour qu'il a présenté en vue de la venue en France de ses deux enfants mineurs, Noah et Mariama, nés respectivement en 2001 et 2003 ;

Considérant que, pour justifier le refus opposé à la demande de visa, l'administration s'est fondée sur l'existence de certaines différences entre les actes de naissance produits par les intéressés à l'appui de la demande de visas, et les actes fournis par les autorités locales aux autorités consulaires ; que, toutefois, ces derniers actes, produits par l'administration elle-même, confirment la réalité de la filiation ; qu'en outre, de nombreux éléments du dossier, notamment la constance des déclarations de M. A et de son épouse à l'occasion de la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, les échanges au cours de l'audience de référé ainsi que les photographies versées au dossier, corroborent l'authenticité du lien de filiation entre les époux A et les enfants Noah et Mariam ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du caractère erroné du motif tiré de l'absence de filiation entre le requérant et les enfants Noah et Mariama est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant qu'eu égard à la durée de la séparation des époux A et de leurs enfants et de l'âge de ces derniers, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution du refus de visa litigieux ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité, au vu des motifs de la présente ordonnance, dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstance de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à l'autorité administrative de réexaminer le recours de M. A, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Amadu A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 338058
Date de la décision : 17/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2010, n° 338058
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Aguila
Rapporteur ?: M. Yann JR Aguila
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:338058.20100517
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