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21/05/2010 | FRANCE | N°337474

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 mai 2010, 337474


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohand A, élisant domicile ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 18 février 2010 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Oran (Algérie), lui refusant un visa de l

ong séjour en qualité d'ascendant de ressortissant français ;

2°) d'enjoin...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohand A, élisant domicile ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 18 février 2010 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Oran (Algérie), lui refusant un visa de long séjour en qualité d'ascendant de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de procéder au réexamen de la demande de délivrance du visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que l'urgence est caractérisée compte tenu de la séparation familiale et de l'état de santé de son épouse ; qu'en outre, la majorité imminente de sa cadette rendra plus difficile l'obtention d'un visa puis d'un titre de séjour ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est entachée d'un défaut de motivation dès lors que la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle ne fait pas application des dispositions de l'article L. 524-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où M. A ne représente plus une menace pour l'ordre public ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant le droit de mener une vie familiale normale et celles de l'article 3 paragraphe 1 de la convention relative aux droits de l'enfant, protégeant l'intérêt supérieur de l'enfant ;

Vu la décision attaquée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'existe pas de moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; qu'en effet, elle n'est pas entachée d'un défaut de motivation dans la mesure où la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a répondu à la demande de communication des motifs du refus implicite de la demande de visa de M. A ; qu'elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il représente une menace pour l'ordre public ; que l'administration n'a pas commis d'erreur de droit en ce qu'il ne démontre pas remplir les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 524-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'établit pas participer à l'entretien de ses enfants, avec lesquels il n'a pas de liens affectifs suffisants ; que la condition d'urgence n'est pas remplie puisqu'il est lui-même à l'origine de sa situation ; qu'en outre, il n'établit pas avoir participé à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance, avec lesquels il n'a pas de liens étroits et réguliers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 18 mai 2010 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me PINET avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant que M. A, ressortissant algérien, a fait l'objet d'une condamnation pénale en 1989 puis d'un arrêté d'expulsion le 23 décembre 1991 ; que par arrêté du 13 mai 2009, le ministre de l'intérieur a abrogé cet arrêté d'expulsion ; que M. A a demandé le 16 juillet 2009 au consul général de France à Oran (Algérie) l'octroi d'un visa de long séjour en vue de rejoindre en France ses deux enfants de nationalité française ; que, saisie par l'intéressé d'un recours contre le refus de visa opposé par le consul général de France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé ce rejet par une décision du 18 février 2010 dont M. A demande la suspension ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 524-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf en cas de menace pour l'ordre public, dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet bénéficient d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date de la mesure, ils relevaient, sous les réserves prévues par ces articles, des catégories mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 521-3 et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article L. 313-11 ou dans celui du livre IV. ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 de ce code : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ;

Considérant que ces dispositions ont été adoptées par le législateur afin de régler la situation des étrangers qui, ayant bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils avaient fait l'objet, d'une part, ne pourraient plus faire l'objet d'une telle mesure en application de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, rempliraient les conditions posées par l'article L. 313-11 précité pour obtenir une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ; qu'il en résulte qu'un étranger qui a bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet ne bénéficie d'un visa, sous réserve de la menace à l'ordre public, que, d'une part, si à la date de la mesure d'expulsion, il relevait des catégories mentionnées aux 1° et 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous les réserves prévues par ce même article, et que, d'autre part, s'il remplit les conditions posées aux 4° ou 6° de l'article L. 313-11 du même code ou à son livre IV ;

Considérant que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour confirmer le refus du consul général de France à Oran, sur la menace à l'ordre public que constituerait la présence en France du requérant ; qu'il incombe à l'administration, si elle entend fonder un refus de visa sur un motif tiré de l'ordre public, alors que l'étranger a bénéficié de l'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il avait fait l'objet, de faire état de circonstances ou d'éléments postérieurs à cette abrogation et de nature à justifier un tel refus ; que si M. A a fait l'objet de condamnations à 4 ans d'emprisonnement pour détention d'armes et proxénétisme puis d'un arrêté d'expulsion à raison de la menace à l'ordre public que faisaient peser ses agissements, il a bénéficié, ainsi qu'il a été dit, d'une abrogation de cette mesure d'expulsion le 13 mai 2009 ; que le ministre n'apporte aucun élément et n'invoque aucune circonstance postérieurs à cette abrogation de nature à établir la menace à l'ordre public que pourrait constituer la présence en France de M. A ; qu'en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que ce motif est entaché d'une erreur d'appréciation est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; que cependant, devant le juge des référés, le ministre se fonde également sur le motif tiré de ce que M. A ne remplit pas les conditions posées par le 6° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il ait contribué ou contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants ; qu'il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France et le ministre auraient pris la même décision s'ils s'étaient fondés exclusivement sur ce second motif, qui n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

Considérant enfin qu'il n'est pas établi que les membres de la famille de M. A qui résident en France ne pourraient venir lui rendre visite dans son pays s'ils le souhaitaient ; que le requérant n'apporte aucun élément venant au soutien de son allégation tendant en ce qu'il apporterait un soutien affectif à ses enfants et qu'il communiquerait régulièrement avec eux ; que de même, il n'apporte pas d'élément permettant de montrer qu'il aurait cherché à maintenir un lien avec ses enfants depuis son retour en Algérie en 2000 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'erreur de droit que la commission de recours contre les décisions de refus de visa aurait commise en rejetant la demande de visa et de la méconnaissance par celle-ci des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que par suite les conclusions de M. A à fin de suspension et, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et celles relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mohand A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 337474
Date de la décision : 21/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2010, n° 337474
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337474.20100521
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