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27/05/2010 | FRANCE | N°338507

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 mai 2010, 338507


Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Pascal A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 10 décembre 2009 du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire), refusant un visa de lon

g séjour à M. Sahi B ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l...

Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Pascal A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 10 décembre 2009 du consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire), refusant un visa de long séjour à M. Sahi B ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire d'appliquer les dispositions de l'article 515-3 du code civil et de lui permettre l'enregistrement d'un pacte civil de solidarité (PACS) avec M. Sahi B, en réexaminant la demande de visa de long séjour de M. B ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'il a intérêt à agir ; que sa requête est recevable dès lors qu'il a introduit un recours le 5 janvier 2010 devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et qu'aucune réponse ne lui a été adressée ; que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée le prive de la possibilité d'enregistrer un pacte civil de solidarité avec M. B, avec lequel il entretient une relation depuis décembre 2007 ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ; qu'elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le projet de conclure un pacte civil de solidarité est intervenu avant la demande de visa sollicité ; qu'il atteste entretenir une relation stable, suivie et régulière depuis plus d'un an et demi avec M. B ; qu'il n'existe pas de risque de détournement de l'objet du visa dès lors que les autorités consulaires ne démontrent pas que M. B fasse l'objet de poursuites judiciaires, de dépôt de plaintes en Côte d'Ivoire ou dans un autre pays ; que M. B démontre clairement que la finalité de sa demande de visa de long séjour est de lui permettre de s'établir en France avec son futur partenaire ; qu'il dispose de ressources suffisantes et d'un logement décent pour l'accueil de celui-ci ; que les transferts d'argent réguliers à M. B ne sont pas disproportionnés par rapport à ses revenus ; que la décision contestée méconnaît le principe d'égalité, le droit à la propriété et la liberté contractuelle ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elle constitue une ingérence dans sa vie privée et familiale ainsi que celles de l'article 14 de la même convention, en ce qu'elle présente un caractère discriminatoire ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que les deux partenaires se connaissent depuis deux ans et ne remplissent pas la condition de stabilité du lien personnel ; qu'en effet, l'étranger signataire d'un pacte civil de solidarité doit apporter la preuve d'une continuité de vie commune en France depuis au moins trois ans à compter de la conclusion de ce pacte ; qu'en l'absence de certitude s'agissant de la pérennité du pacte civil de solidarité, le refus de visa n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que le requérant ne démontre pas qu'il est dans l'incapacité de se rendre régulièrement en Côte d'Ivoire afin de lui rendre visite ; que, dès lors, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21mai 2010, présenté par M. A, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil, notamment les articles 515-1 à 515-7-1 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 21 mai 2010 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- M. A ;

- le représentant de M. A ;

- la représentante du ministère de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Pascal A entretient depuis décembre 2007 une relation suivie avec M. Sahi B, ressortissant ivoirien, avec lequel il a conçu le projet de conclure un pacte civil de solidarité ; qu'après que deux demandes de visa de court séjour déposées à cette fin par M. B ont été rejetées par les autorités consulaires françaises à Abidjan, ce dernier a formulé, le 5 octobre 2009, une demande de visa de long séjour visiteur afin de pouvoir se présenter, le 27 octobre 2009, devant le tribunal de grande instance de Melun où M. A et M. B étaient convoqués, le 27 octobre 2009, en vue de l'enregistrement du pacte civil de solidarité qu'ils avaient conclu ; que M. A demande la suspension de l'exécution du refus opposé à cette dernière demande par le consul général de France à Abidjan, dont la décision a été implicitement confirmée par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Considérant qu'il incombe à l'administration de suivre, pour respecter, lors de la délivrance des visas d'entrée en France, les exigences du droit au respect de la vie privée et familiale, des règles similaires au regard, d'une part, des conjoints, d'autre part, des personnes liées par un pacte civil de solidarité ; que, pour la célébration d'un mariage ou l'enregistrement d'un pacte civil de solidarité, le visa approprié est, en principe, un visa de court séjour ; qu'un visa de long séjour peut être demandé, au titre de la vie privée et familiale, tant par le conjoint d'un ressortissant français que par le partenaire lié à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité qui souhaite s'établir en France pour y vivre avec ce dernier ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A entretient avec M. B une relation régulière qui a commencé à la fin de 2007 ; qu'il a effectué depuis lors quatre voyages en Côte d'Ivoire pour y séjourner auprès de ce dernier ; que les éléments produits au dossier et confirmés lors de l'audience publique témoignent de la grande régularité de leurs relations ; que M. A justifie d'envois d'argent à M. B ; que les intéressés ont accompli l'ensemble des démarches nécessaires à la conclusion en France d'un pacte civil de solidarité ; que, dans ces conditions, les moyen tirés de ce qu'en refusant le visa de long séjour sollicité après avoir refusé les visas de court séjour antérieurement demandés, les autorités consulaires auraient, d'une part, porté une appréciation erronée sur la stabilité du lien existant entre les intéressés et, d'autre part, méconnu les exigences qui découlent du droit au respect de la vie privée et familiale sont, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du refus de visa litigieux ;

Considérant qu'eu égard au caractère stable de la relation qui unit M. A et M. B et à leur projet de vie commune, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de M. A, au regard des motifs de la présente ordonnance, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de celle-ci ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de M. B est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de M. B au regard des motifs de la présente ordonnance dans le délai de quinze jours à compter de la notification de celle-ci.

Article 3 : L'État versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Pascal A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 338507
Date de la décision : 27/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mai. 2010, n° 338507
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:338507.20100527
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