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07/06/2010 | FRANCE | N°338531

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 07 juin 2010, 338531


Vu l'ordonnance du 2 avril 2010 par laquelle le tribunal administratif de Rouen, avant de statuer sur la demande du CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2009 de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation de Haute-Normandie mettant à sa charge une somme de 28 238 euros à titre de sanction, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des disp

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Vu l'ordonnance du 2 avril 2010 par laquelle le tribunal administratif de Rouen, avant de statuer sur la demande du CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2009 de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation de Haute-Normandie mettant à sa charge une somme de 28 238 euros à titre de sanction, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2010 au greffe du tribunal administratif de Rouen, présenté par le CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE, dont le siège est avenue Pasteur à Dieppe (76202), représenté par son directeur général, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE soutient que les dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, sont contraires aux principes constitutionnels de légalité des délits et des peines, de nécessité et de proportionnalité des peines, de présomption d'innocence, de respect des droits de la défense et au principe d'impartialité qui en découle ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par la commission exécutive mentionnée à l'article L. 6115-2 du code de la santé publique, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie mentionnés au sixième alinéa de l'article L. 1112-1 du même code en application du programme de contrôle régional établi par ladite commission (...) ;

Considérant, en premier lieu, d'une part, que, lorsqu'il est appliqué aux sanctions administratives, le principe de légalité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne à raison de l'activité qu'elle exerce ; que, par suite, l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale pouvait, sans méconnaître ce principe, se borner à prévoir des sanctions en cas de méconnaissance, par les établissements de santé, des règles de facturation et de codage auxquelles ils sont soumis en vertu des dispositions du même code ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée ; que, d'autre part, ce principe n'impliquait pas que la loi subordonne le prononcé de telles sanctions à la condition que les manquements des établissements revêtent un caractère intentionnel ; que, dans ces conditions, la question tirée de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines ne présente pas un caractère sérieux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 162-22-18 que le montant de la sanction est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues , et qu'il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ; que la question tirée de ce que la sanction ainsi prévue serait manifestement disproportionnée au regard des manquements que ces dispositions ont pour objet de réprimer, de sorte que serait méconnu le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, ne présente pas de caractère sérieux ; qu'il en est de même de la question tirée de ce que la circonstance que l'article L. 133-4 du même code prévoit un dispositif de remboursement par les établissements des versements indus ferait obstacle à ce que soit prévue une sanction en cas de manquements de ces établissements à leurs obligations ;

Considérant, en troisième lieu, que le CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE ne peut sérieusement soutenir que les sanctions administratives prévues à l'article L. 162-22-18, qui sont infligées, sous le contrôle du juge administratif, après constatation des manquements prévus à cet article, méconnaîtraient le principe de la présomption d'innocence en ce qu'elles sont immédiatement exécutoires ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale que les sanctions qu'il prévoit sont prises après que les établissements qui en font l'objet ont été mis en demeure de produire des observations ; qu'en outre, la circonstance que des représentants des organismes d'assurance maladie siègent au sein de la commission exécutive et se prononcent au vu d'un rapport de contrôle susceptible d'être élaboré par des praticiens-conseils de ces mêmes organismes et l'absence, au sein de cette commission exécutive, de représentants des établissements de santé ne sauraient, par elles-mêmes, caractériser une méconnaissance du principe d'impartialité ; que, dès lors, la question tirée de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe constitutionnel des droits de la défense ne présente pas de caractère sérieux ;

Considérant que, dans ces conditions, la question soulevée par le CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Rouen.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE DIEPPE, à l'agence régionale de santé de Haute-Normandie, à la ministre de la santé et des sports, au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et au Premier ministre.

Copie en sera adressée pour information au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Rouen.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 338531
Date de la décision : 07/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ - QUESTION PRÉSENTANT UN CARACTÈRE SÉRIEUX - ABSENCE - MÉCONNAISSANCE - PAR UN DISPOSITIF DE SANCTIONS ADMINISTRATIVES À L'ENCONTRE DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ - PRÉVU PAR L'ARTICLE L - 162-22-18 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE - DU PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES.

54-07-01 Dispositif de sanction, prévu par la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 et codifié à l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, à l'encontre des établissements de santé qui ne respectent pas les dispositions relatives à la facturation des actes. Il était notamment soutenu que ce dispositif était contraire au principe de légalité de délits et des peines. Mais le Conseil d'Etat juge que cette question ne présente pas un caractère sérieux. Il considère, d'une part, que ce principe, lorsqu'il est appliqué aux sanctions administratives, ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne à raison de l'activité qu'elle exerce et qu'ainsi, l'article litigieux pouvait se borner à prévoir des sanctions en cas de méconnaissance, par les établissements de santé, des règles de facturation et de codage auxquelles ils sont soumis en vertu des dispositions du même code ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. Il estime, d'autre part, que le même principe n'impliquait pas que la loi subordonne le prononcé de sanctions à la condition que les manquements des établissements revêtent un caractère intentionnel.

SÉCURITÉ SOCIALE - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS ET LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES - RELATIONS AVEC LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ - QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ - QUESTION PRÉSENTANT UN CARACTÈRE SÉRIEUX - ABSENCE - MÉCONNAISSANCE - PAR UN DISPOSITIF DE SANCTIONS ADMINISTRATIVES À L'ENCONTRE DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ - PRÉVU PAR L'ARTICLE L - 162-22-18 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE - DU PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES.

62-02-02 Dispositif de sanction, prévu par la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 et codifié à l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, à l'encontre des établissements de santé qui ne respectent pas les dispositions relatives à la facturation des actes. Il était notamment soutenu que ce dispositif était contraire au principe de légalité de délits et des peines. Mais le Conseil d'Etat juge que cette question ne présente pas un caractère sérieux. Il considère, d'une part, que ce principe, lorsqu'il est appliqué aux sanctions administratives, ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne à raison de l'activité qu'elle exerce et qu'ainsi, l'article litigieux pouvait se borner à prévoir des sanctions en cas de méconnaissance, par les établissements de santé, des règles de facturation et de codage auxquelles ils sont soumis en vertu des dispositions du même code ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. Il estime, d'autre part, que le même principe n'impliquait pas que la loi subordonne le prononcé de sanctions à la condition que les manquements des établissements revêtent un caractère intentionnel.


Références :

[RJ1]

Cf. Cons. const., 17 janvier 1989, n° 88-248 DC, p. 18.

Cf. Assemblée, 7 juillet 2004, Ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ Benkerrou, n° 255136, p. 297.,,

[RJ2]

Cf. Cons. const., 22 octobre 2009, n° 2009-590 DC, sur le contrôle de disproportion manifeste exercé par le Conseil constitutionnel.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2010, n° 338531
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:338531.20100607
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