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16/06/2010 | FRANCE | N°328508

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 16 juin 2010, 328508


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 17 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean H, demeurant ..., Mme Catherine D, demeurant ..., M. Christian E, demeurant ..., M. Thomas F, demeurant ... et Mme Hilda A, demeurant ... ; M. H et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 12 juin 2009 du ministre des affaires étrangères et européennes portant publication de la liste des candidats de la série A (circonscriptions électorales d'Amérique et d'Afrique) élus à l'Assemblée des Français de l'étranger (

AFE) à l'issue du scrutin du 7 juin 2009, en tant qu'il a fixé la l...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 17 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Jean H, demeurant ..., Mme Catherine D, demeurant ..., M. Christian E, demeurant ..., M. Thomas F, demeurant ... et Mme Hilda A, demeurant ... ; M. H et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 12 juin 2009 du ministre des affaires étrangères et européennes portant publication de la liste des candidats de la série A (circonscriptions électorales d'Amérique et d'Afrique) élus à l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) à l'issue du scrutin du 7 juin 2009, en tant qu'il a fixé la liste des élus de la circonscription électorale de Buenos Aires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger ;

Vu le décret n° 84-252 du 6 avril 1984 portant statut de l'Assemblée des Français de l'étranger et fixant les modalités d'élection de ses membres ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme Michèle C et de Mme Marie-Christine B,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boullez, avocat de Mme Michèle C et de Mme Marie-Christine B ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre des affaires étrangères et européennes et par Mmes Jeanne C et Marie-Christine B ;

Sur les griefs tirés de la méconnaissance des règles relatives aux circulaires électorales et aux bulletins de vote :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 29 du décret du 6 avril 1984 portant statut de l'Assemblée des Français de l'étranger et fixant les modalités d'élection de ses membres : Chaque liste ou chaque candidat a droit à la diffusion d'une circulaire d'un seul feuillet, de format maximum de 210 x 297 millimètres, de couleur blanche et imprimée en caractères noirs./ Le texte de cette circulaire doit être identique sur toute l'étendue de la circonscription électorale et strictement conforme à celui qui a été déposé comme indiqué au troisième alinéa du présent article (...). ; que, contrairement à ce que soutiennent M. H et autres, ces dispositions n'ont pas été méconnues par la liste Union des Français et Françaises du Cône Sud : Ensemble agir pour encore mieux servir , conduite par Mme C, au seul motif qu'elle a fait figurer sur sa profession de foi un logo représentant le sigle UFE souligné par un trait bleu et un trait rouge, séparés par un espace de couleur blanche ; que M. H et autres ne sauraient, en tout état de cause, utilement se prévaloir d'indications contenues dans la brochure dénommée Guide de l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger , diffusée par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sont dépourvues de valeur réglementaire ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 30 du même décret : Dans les circonscriptions où l'élection a lieu à la représentation proportionnelle, les bulletins de vote doivent être du format 148 mm X 210 mm avec une tolérance de plus ou moins 10 %, de couleur blanche et imprimés en caractères noirs. / Ces bulletins portent le titre de la liste, tel qu'il a été indiqué dans la déclaration de candidatures, et les noms des candidats cités dans l'ordre de ladite déclaration. Le nom de chacun des candidats est précédé de son numéro d'ordre. (...) / Toutefois, chaque candidat ou liste de candidats peut faire imprimer, à l'encre noire, un emblème sur ses bulletins de vote ainsi que la mention : Bulletin de vote ; que la circonstance que les bulletins de vote des listes Union des Français et Françaises du Cône Sud : Ensemble agir pour encore mieux servir et Français du Monde-ADFE , conduites respectivement par Mme C et par M. G comportaient, en méconnaissance de ces dispositions, l'indication du pays de résidence des candidats à côté de leur nom n'a pas constitué, au cas d'espèce, compte tenu notamment de l'écart entre les voix recueillies par le dernier candidat élu et par le premier candidat non élu, une manoeuvre susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs tirés de la méconnaissance des règles relatives à la propagande électorale :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger : Sans préjudice des dispositions des traités relatifs à la Communauté et à l'Union européennes et des actes pris pour leur application ainsi que de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et des protocoles qui lui sont annexés, toute propagande électorale à l'étranger est interdite, à l'exception : / 1° De l'envoi ou de la remise aux électeurs des circulaires et bulletins de vote des candidats effectués par les ambassades et les postes consulaires ; / 2° De l'affichage offert aux candidats à l'intérieur des locaux des ambassades et des postes consulaires et des bureaux de vote ouverts dans d'autres locaux. / Les interdictions des articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 du code électoral, relatifs à certaines formes de propagande, sont applicables. ; que ces dispositions ne prescrivent pas aux ambassadeurs et aux consuls de mettre à la disposition des candidats aux élections des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger des panneaux pour l'affichage électoral distincts et éloignés des panneaux d'affichage habituels destinés à l'information de la communauté française à l'étranger ; que les dispositions de l'article L. 51 du code électoral, invoquées par M. H et autres, qui prévoient la mise en place d'emplacements spéciaux pour l'apposition des affiches électorales, n'ont pas été rendues applicables aux élections des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la proximité, dans les locaux du consulat général de Buenos Aires, entre l'affichage électoral et les emplacements dont disposent les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, dont certains étaient candidats aux élections du 7 juin 2009, méconnaîtrait les règles applicables à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger doit être écarté ; qu'une telle proximité ne peut, en tout état de cause, être regardée comme une manoeuvre susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'envoi aux électeurs par courriel, par la liste Union des Français et Françaises du Cône Sud : Ensemble agir pour encore mieux servir conduite par Mme C, d'un document rédigé en langues française et espagnole expliquant les différents procédés de vote lors du scrutin du 7 juin 2009 ne saurait être regardé, dès lors notamment que ce document ne comporte aucun appel à voter pour une liste ni aucun élément de polémique électorale, comme constituant un acte de propagande au sens des dispositions précitées de la loi du 7 juin 1982 ;

Considérant, en troisième lieu, que si l'envoi aux électeurs, par la liste Union des Français et Françaises du Cône Sud : Ensemble agir pour encore mieux servir conduite par Mme C, dans les mêmes conditions, de deux bulletins d'informations appelant notamment à voter pour les candidats de cette liste a été opéré en violation des dispositions de l'article 5 de la loi du 7 juin 1982, cette circonstance n'a pas constitué, en l'espèce, compte tenu en particulier du fait que les candidats des autres listes ont disposé du temps nécessaire pour répondre aux arguments exposés dans ces documents et de l'écart entre les voix recueillies par le dernier candidat élu et par le premier candidat non élu, une manoeuvre susceptible d'avoir faussé les résultats du scrutin ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. H et autres n'établissent pas, par les éléments qu'ils apportent, que les membres de la liste électorale conduite par Mme C auraient procédé à des appels téléphoniques au domicile des électeurs, ni que les membres de la liste Expérience, Renouveau et Proximité conduite par Mme B auraient expédié, par la voie postale, au domicile de certains électeurs, des dépliants de propagande électorale, en méconnaissance des dispositions de la loi du 7 juin 1982 ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'envoi aux électeurs, par les listes Union des Français et Françaises du Cône Sud : Ensemble agir pour encore mieux servir et Expérience, Renouveau et Proximité conduites respectivement par Mme C et par Mme B, de plusieurs invitations à assister à des conférences qu'elles organisaient sur des sujets d'ordre général en présence de sénateurs représentant les Français de l'étranger ne saurait être regardé, dès lors notamment qu'aucun appel à voter pour une liste n'a été lancé ni aucun élément de polémique électorale développé au cours de ces conférences, comme constituant, dans les circonstances de l'espèce, un acte de propagande au sens des dispositions précitées de l'article 5 de la loi du 7 juin 1982 ; que M. H et autres n'établissent pas, par les éléments qu'ils apportent, que la venue en Amérique du Sud de quatre sénateurs représentant les Français de l'étranger ait constitué une action de propagande en faveur de la liste Expérience, Renouveau et Proximité conduite par Mme B, au sens des mêmes dispositions de la loi du 7 juin 1982 ;

Considérant, en sixième lieu, que si le site internet mis en ligne par Mme B le 29 mars 2009 comportait des éléments de propagande électorale et méconnaissait les dispositions de l'article 5 de la loi du 7 juin 1982 précité, il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité ait été, en l'espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Sur le grief relatif à la désignation des délégués des candidats :

Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 6 avril 1984 : Chaque liste ou chaque candidat isolé peut désigner des délégués titulaires et suppléants inscrits sur la liste électorale consulaire, par télécopie ou courrier électronique, au plus tard le troisième jour précédant le scrutin à 18 heures (heure légale locale), dans les conditions prévues aux premier et troisième alinéas de l'article R. 47 du code électoral. ; qu'aux termes de l'article R. 47 du code électoral : Chaque liste de candidats ou, en cas de scrutin uninominal, chaque candidat a le droit d'exiger la présence en permanence dans chaque bureau de vote d'un délégué habilité à contrôler toutes les opérations électorales, dans les conditions fixées par l'alinéa 1 de l'article L. 67 ; un même délégué peut toutefois être habilité à exercer ce contrôle dans plusieurs bureaux de vote. / Les délégués titulaires et suppléants doivent justifier, par la présentation de leur carte électorale, qu'ils sont électeurs dans le département où se déroule le scrutin (...). ; que ces dispositions n'interdisent pas, contrairement à ce que soutiennent M. H et autres, qu'un candidat aux élections à l'Assemblée des Français de l'étranger soit désigné comme délégué de liste, titulaire ou suppléant ;

Sur les griefs relatifs aux pressions exercées sur les électeurs et aux tentatives de fraude électorale :

Considérant que la circonstance que plusieurs candidats aient été présents à proximité ou à l'intérieur des bureaux de vote, le jour du scrutin, ne constitue pas, par elle-même, un acte de pression sur les électeurs de nature à fausser la sincérité du scrutin ; que M. H et autres n'établissent pas, par les éléments qu'ils apportent, que ces candidats aient exercé des pressions sur les électeurs, ni qu'un assesseur et un délégué de la liste conduite par Mme B se soient livrés à plusieurs tentatives de fraude lors des opérations électorales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. H et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du ministre des affaires étrangères et européennes du 12 juin 2009 en tant qu'il concerne la circonscription électorale de Buenos Aires ; qu'il n'y a pas lieu, au cas d'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. H, de Mme D, de M. E, de M. F et de Mme A le versement à Mme Jeanne C et à Mme Marie-Christine B d'une somme au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête présentée par M. H et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme Jeanne C et de Mme Marie-Christine B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean H, à Mme Catherine D, à M. Christian E, à M. Thomas F, à Mme Hilda A, au ministre des affaires étrangères et européennes, à M. Marc G, à Mme Michèle C et à Mme Marie-Christine B.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 328508
Date de la décision : 16/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2010, n° 328508
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:328508.20100616
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