La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2010 | FRANCE | N°329761

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 16 juin 2010, 329761


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 17 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yvon F, demeurant ..., M. Jacques B, demeurant ..., et Mme Dominique D, demeurant ... ; M. F et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du ministère des affaires étrangères et européennes du 12 juin 2009 portant publication de la liste des candidats de la série A (circonscription électorale d'Amérique et d'Afrique) élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, à l'issue du scrutin du 7 juin

2009, en tant qu'il a fixé la liste des élus de la circonscription électorale...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 17 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Yvon F, demeurant ..., M. Jacques B, demeurant ..., et Mme Dominique D, demeurant ... ; M. F et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du ministère des affaires étrangères et européennes du 12 juin 2009 portant publication de la liste des candidats de la série A (circonscription électorale d'Amérique et d'Afrique) élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, à l'issue du scrutin du 7 juin 2009, en tant qu'il a fixé la liste des élus de la circonscription électorale de Yaoundé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros qui leur sera versée conjointement, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 ;

Vu le décret n° 84-252 du 6 avril 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boullez, avocat de M. F et autres,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boullez, avocat de M. F et autres ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par M. C et par le ministre des affaires étrangères et européennes ;

Sur le grief tiré de la méconnaissance des règles relatives aux bulletins de vote :

Considérant qu'aux termes de l'article 30 du décret du 6 avril 1984 portant statut de l'Assemblée des Français de l'étranger et fixant les modalités d'élection de ses membres : Dans les circonscriptions où l'élection a lieu à la représentation proportionnelle, les bulletins de vote doivent être du format 148 mm X 210 mm avec une tolérance de plus ou moins 10 %, de couleur blanche et imprimés en caractères noirs. / Ces bulletins portent le titre de la liste, tel qu'il a été indiqué dans la déclaration de candidatures, et les noms des candidats cités dans l'ordre de ladite déclaration. Le nom de chacun des candidats est précédé de son numéro d'ordre. (...) / Toutefois, chaque candidat ou liste de candidats peut faire imprimer, à l'encre noire, un emblème sur ses bulletins de vote ainsi que la mention : Bulletin de vote ; que la circonstance que les bulletins de vote de la liste Ensemble UMP-UFE conduite par M. C aient, en méconnaissance de ces dispositions, comporté, à côté du nom des candidats, des mentions telles que leur profession actuelle ou ancienne, leur appartenance à une association ou à un ordre national ou étranger, la référence à l'exercice d'activités de loisir ou d'activités caritatives, n'a pas constitué, au cas d'espèce, eu égard notamment à l'écart entre les voix recueillies par le dernier candidat élu et par le premier candidat non élu, une manoeuvre susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs tirés de la méconnaissance des règles relatives à la propagande électorale :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger : Sans préjudice des dispositions des traités relatifs à la Communauté et à l'Union européennes et des actes pris pour leur application ainsi que de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et des protocoles qui lui sont annexés, toute propagande électorale à l'étranger est interdite, à l'exception : / 1° De l'envoi ou de la remise aux électeurs des circulaires et bulletins de vote des candidats effectués par les ambassades et les postes consulaires ; / 2° De l'affichage offert aux candidats à l'intérieur des locaux des ambassades et des postes consulaires et des bureaux de vote ouverts dans d'autres locaux. / Les interdictions des articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 du code électoral, relatifs à certaines formes de propagande, sont applicables. ;

Considérant, en premier lieu, que les requérants font grief à la liste conduite par M. C d'avoir, à l'occasion du scrutin du 7 juin 2009, utilisé, sans en avoir le droit, le sigle et le logo de l'association Union des Français de l'étranger et, à M. C lui-même, de s'être prévalu à tort de la fonction de président de l'UMP Cameroun ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que la liste conduite par M. C, bien que n'ayant pas reçu l'investiture de l'association Union des Français de l'étranger , avait néanmoins été autorisée par cette association à utiliser le sigle UFE et, d'autre part, que l'indication selon laquelle M. C exerçait les fonctions de président de l'UMP Cameroun figurait sur une page du site internet officiel de l'Assemblée des Français de l'étranger ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que si plusieurs articles, accompagnés de photos sur lesquelles apparaissait M. C, parus entre mars et juin 2009 dans le mensuel gratuit Pause café appartenant à son épouse, ont évoqué le rôle de l'assemblée des Français de l'étranger, la future élection des députés des Français de l'étranger et la visite du Premier ministre à Douala, ces articles ne sauraient être regardés, dès lors notamment qu'ils ne comportent aucun appel à voter pour une liste ni aucun élément de polémique électorale, comme constituant des actes de propagande au sens des dispositions précitées de la loi du 7 juin 1982 ;

Sur l'incompatibilité de la fonction d'assesseur d'un bureau de vote avec celles de délégué de liste et de secrétaire de bureau de vote :

Considérant qu'aux termes de l'article 34 du décret du 6 avril 1984 : I. - Chaque bureau de vote est composé : / 1. De l'ambassadeur ou du chef de poste consulaire ou de son représentant, président ; / 2. D'assesseurs titulaires et suppléants inscrits sur la liste électorale consulaire et désignés par les candidats ou, à raison d'un par liste, par les listes de candidats ; / 3. D'un secrétaire désigné par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire. (...) / III. - En cas d'absence ou d'empêchement, le président est remplacé par le plus âgé des assesseurs et le secrétaire est remplacé par le plus jeune des assesseurs. / Les suppléants exercent les prérogatives des assesseurs quand ils les remplacent. Ils ne peuvent toutefois les remplacer à l'ouverture et à la clôture du scrutin, ni pour le dépouillement ni pour la signature du procès-verbal des opérations électorales. / Dans les délibérations du bureau, le secrétaire n'a qu'une voix consultative. / IV. - Si pour une cause quelconque, le nombre des assesseurs est inférieur à quatre, les assesseurs manquants sont pris, jusqu'à concurrence de ce chiffre, parmi les électeurs présents, sachant lire et écrire le français. ; qu'aux termes de l'article 36 du même décret : Chaque liste ou chaque candidat isolé peut désigner des délégués titulaires et suppléants inscrits sur la liste électorale consulaire, par télécopie ou courrier électronique, au plus tard le troisième jour précédant le scrutin à 18 heures (heure légale locale), dans les conditions prévues aux premier et troisième alinéas de l'article R. 47 du code électoral. ; qu'aux termes de l'article R. 47 du code électoral : Chaque liste de candidats ou, en cas de scrutin uninominal, chaque candidat a le droit d'exiger la présence en permanence dans chaque bureau de vote d'un délégué habilité à contrôler toutes les opérations électorales, dans les conditions fixées par l'alinéa 1 de l'article L. 67 ; un même délégué peut toutefois être habilité à exercer ce contrôle dans plusieurs bureaux de vote. / Les délégués titulaires et suppléants doivent justifier, par la présentation de leur carte électorale, qu'ils sont électeurs dans le département où se déroule le scrutin. / Les dispositions de l'article R. 46 concernant les assesseurs sont applicables aux délégués titulaires et suppléants visés au présent article. ; que ni ces dispositions ni aucun principe général n'interdisent à un assesseur d'un bureau de vote d'être désigné délégué de liste ou secrétaire de ce bureau ;

Sur les griefs tirés de l'absence de signature de certains procès-verbaux des opérations électorales :

Considérant qu'aux termes de l'article 42 du décret du 6 avril 1984 : I.-Un procès-verbal des opérations électorales est établi dans les conditions prévues aux articles R. 67 et R. 68 du code électoral (...). ; qu'aux termes de l'article R. 67 du code électoral : Immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé par le secrétaire dans la salle de vote, en présence des électeurs. / Il est établi en deux exemplaires, signés de tous les membres du bureau. / Les délégués des candidats ou listes en présence sont obligatoirement invités à contresigner ces deux exemplaires. / Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote. ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que, s'ils doivent être invités à contresigner le procès-verbal des opérations électorales, les délégués des listes en présence ne sont pas tenus de le faire ; que les requérants ne soutiennent pas que les délégués de liste, dont la signature ne figure pas sur les procès-verbaux des opérations électorales des bureaux de vote de Douala I et de Douala II, n'ont pas été invités à contresigner ces documents ;

Considérant, en second lieu, que si, contrairement aux prescriptions de l'article R. 67 du code électoral précitées, le procès-verbal des opérations électorales des bureaux de vote de Douala I et Douala II n'a pas été signé par la totalité des membres du bureau mais seulement par le président, le secrétaire et deux assesseurs sur quatre, cette circonstance n'est pas de nature par elle-même à altérer la sincérité du scrutin ;

Sur le grief tiré de l'ingérence de l'administration dans la procédure de dépouillement des bulletins de vote :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les bureaux de vote de N'Djamena, Yaoundé, Douala I et Douala II ont décidé, avant de procéder au dépouillement des votes, de ne pas comptabiliser les bulletins de la liste conduite par M. C dont la conformité aux dispositions de l'article 30 du décret du 6 avril 1984 avait été contestée par les candidats des listes concurrentes ; qu'à la suite d'une réclamation d'un représentant de la liste conduite par M. C, un sous-directeur de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes a adressé aux présidents des bureaux de vote de N'Djamena, Yaoundé, Douala I et Douala II, dans la soirée du 7 juin 2009, un télex diplomatique les priant de bien vouloir prendre en compte les bulletins de vote de la liste électorale conduite par M. C ;

Considérant, d'une part, que cette intervention de l'administration dans le processus de dépouillement des votes, lequel relève de la seule compétence des bureaux de vote, n'a pas constitué, au cas d'espèce, une manoeuvre de nature à porter atteinte à la régularité et à la neutralité du scrutin, dès lors qu'il n'a pas eu d'influence sur le sens du vote des électeurs et qu'en tout état de cause, il laissait libres les quatre bureaux de vote concernés de leur décision ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des procès verbaux retraçant les opérations électorales dans les bureaux de vote de Yaoundé, Douala I et Douala II que ces trois bureaux, qui avaient initialement décidé de ne pas prendre en compte les bulletins de vote de la liste conduite par M. C, ont finalement comptabilisé les suffrages obtenus par cette liste ; qu'en s'estimant tenus de prendre ainsi en compte le télex diplomatique mentionné ci-dessus, les trois bureaux de vote en cause ont méconnu l'étendue de leur mission et de leur compétence ; que le dépouillement des votes dans ces trois bureaux est dès lors intervenu au terme d'une procédure gravement irrégulière ; que, toutefois, cette irrégularité est sans conséquence sur la validité des opérations électorales dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, les bulletins de vote de la liste conduite par M. C ne comportaient pas de mention qui aurait dû être regardée comme révélatrice d'une manoeuvre susceptible d'altérer la sincérité du scrutin et qu'ils devaient donc, en l'absence de tout autre motif d'irrégularité, être comptabilisés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du ministre des affaires étrangères et européennes du 12 juin 2009 en tant qu'il concerne la circonscription électorale de Yaoundé ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à ce soit mis à la charge de l'Etat et de M. C, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement à M. F et autres de sommes au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête présentée pour M. F et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Yvon F, à M. Jacques B, à Mme Dominique D, au ministre des affaires étrangères et européennes, à M. Bernard C, à Mme Anne A et à M. Jean E.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329761
Date de la décision : 16/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

28-07 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. ÉLECTIONS DIVERSES. - ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER - INGÉRENCE DE L'ADMINISTRATION DANS LA PROCÉDURE DE DÉPOUILLEMENT DES BULLETINS PAR LES BUREAUX DE VOTE - IRRÉGULARITÉ SANS PORTÉE EN L'ESPÈCE.

28-07 Quatre bureaux de vote de la même circonscription électorale ont décidé, avant de procéder au dépouillement des votes, de ne pas comptabiliser les bulletins d'une liste, dont la régularité avait été contestée par les candidats des listes concurrentes. A la suite d'une réclamation d'un représentant de cette liste, un sous-directeur de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes a adressé aux présidents de ces bureaux de vote, le soir de l'élection, un télex diplomatique les priant de bien vouloir prendre en compte les bulletins de vote en question. En s'estimant tenus par les termes de ce télex, alors que le dépouillement des votes relève de la seule compétence des bureaux de vote, trois de ces bureaux ont méconnu l'étendue de leur mission et de leur compétence. Toutefois, si le dépouillement des votes dans ces trois bureaux est intervenu au terme d'une procédure gravement irrégulière, cette irrégularité est sans conséquence sur la validité des opérations électorales dès lors que les bulletins de vote en cause n'étaient pas entachés de l'irrégularité alléguée et devaient donc effectivement, en l'absence de tout autre motif d'irrégularité, être comptabilisés.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2010, n° 329761
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:329761.20100616
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award