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28/06/2010 | FRANCE | N°331641

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 28 juin 2010, 331641


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la CONFEDERATION DES ORGANISMES INDEPENDANTS TIERCE PARTIE DE PREVENTION, DE CONTROLE ET D'INSPECTION, dont le siège est 21 boulevard Haussmann à Paris (75009), représentée par son président ; la confédération demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 4 mars 2009 relative aux missions de vérifications réglementaires dans les établissements rece

vant du public et les immeubles de grande hauteur ;

2°) d'annuler le re...

Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la CONFEDERATION DES ORGANISMES INDEPENDANTS TIERCE PARTIE DE PREVENTION, DE CONTROLE ET D'INSPECTION, dont le siège est 21 boulevard Haussmann à Paris (75009), représentée par son président ; la confédération demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 4 mars 2009 relative aux missions de vérifications réglementaires dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur ;

2°) d'annuler le rejet implicite du recours gracieux formé à l'encontre de cette circulaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu l'arrêté du 11 décembre 2007 relatif aux conditions d'agrément pour les vérifications réglementaires prévues dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 11 des statuts de la CONFEDERATION DES ORGANISMES INDEPENDANTS TIERCE PARTIE DE PREVENTION, DE CONTROLE ET D'INSPECTION : Le président (...) peut, avec l'autorisation du bureau, intenter toutes actions en justice pour la défense des intérêts de la COPREC, consentir toutes transactions et former tous recours ; que par délibération du 3 septembre 2009, le bureau de la confédération a autorisé l'exercice d'un recours contentieux à l'encontre de la circulaire du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 4 mars 2009 relative aux missions de vérifications réglementaires dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur ; qu'ainsi, son président avait qualité pour former, en son nom, un recours pour excès de pouvoir contre la circulaire du 4 mars 2009, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

Considérant que l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que si, par la circulaire attaquée, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales s'adresse aux préfets, alors qu'il a désormais lui-même compétence pour agréer les organismes chargés d'effectuer les vérifications réglementaires prévues aux articles R. 122-16 et R. 123-43 du code de la construction et de l'habitation, il n'en précise pas moins, par voie de dispositions impératives à caractère général, les conditions d'impartialité et d'indépendance requises pour que l'agrément puisse être accordé ou renouvelé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir soulevées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales doivent être écartées ;

Sur la légalité de la circulaire attaquée, en tant qu'elle concerne les établissements recevant du public :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R*. 123-43 du code de la construction et de l'habitation, applicable aux établissements recevant du public, dans sa rédaction alors en vigueur : Les constructeurs, installateurs et exploitants sont tenus, chacun en ce qui le concerne, de s'assurer que les installations ou équipements sont établis, maintenus ou entretenus en conformité avec les dispositions de la présente réglementation. A cet effet, ils font respectivement procéder pendant la construction et périodiquement en cours d'exploitation aux vérifications nécessaires par les organismes ou personnes agréés dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l'intérieur et des ministres intéressés. Le contrôle exercé par l'administration ou par les commissions de sécurité ne les dégage pas des responsabilités qui leur incombent personnellement ;

Considérant que ces dispositions donnent compétence conjointe au ministre de l'intérieur et aux ministres intéressés pour définir les conditions d'impartialité et d'indépendance exigées en vue de l'obtention de l'agrément nécessaire à la réalisation des vérifications prévues par la réglementation applicable aux établissements recevant du public ; que cette réglementation intéresse également le ministre chargé de la construction et les ministres dont relèvent les principaux secteurs d'activité dont font partie les établissements en cause ; qu'il suit de là que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ne pouvait légalement adopter seul de telles dispositions ; qu'ainsi, la circulaire attaquée est entachée d'incompétence en tant qu'elle détermine les conditions requises en vue de l'obtention de l'agrément nécessaire à la réalisation des vérifications prévues par la réglementation applicable aux établissements recevant du public, que ces conditions résultent de l'arrêté du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 11 décembre 2007 relatif aux conditions d'agrément pour les vérifications réglementaires prévues dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur ou qu'elles aient été ajoutées par la circulaire attaquée ;

Sur la légalité de la circulaire attaquée, en tant qu'elle concerne les immeubles de grande hauteur :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 122-16 du code de la construction et de l'habitation, applicable aux immeubles de grande hauteur : Les propriétaires sont tenus de maintenir et d'entretenir les installations en conformité avec les dispositions de la présente réglementation. Ils font procéder, par une personne ou un organisme agréé par le ministre de l'intérieur, aux vérifications imposées par le règlement de sécurité avant et pendant l'occupation des locaux ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 11 décembre 2007 susmentionné : Afin de pouvoir être agréés par le ministre de l'intérieur pour effectuer les vérifications réglementaires dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur, les organismes doivent être accrédités pour ces activités au titre de la norme NF EN ISO/CEI 17020 en tant qu'organisme d'inspection de type A (...) ; que cette norme prévoit dans son annexe A relative aux critères d'indépendance pour l'organisme d'inspection de type A que : L'organisme d'inspection et son personnel responsable de la réalisation des inspections ne doivent pas être le concepteur, le fabricant, le fournisseur, l'installateur, l'acheteur, le propriétaire, l'utilisateur ou le réparateur des objets inspectés, ni le représentant autorisé d'aucune de ces parties et que : l'organisme d'inspection et son personnel ne doivent s'engager dans aucune activité incompatible avec leur indépendance de jugement et leur intégrité en ce qui concerne leurs activités d'inspection ; qu'en outre, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 11 décembre 2007 : Pour les phases de conception et de construction, la délivrance de l'agrément du ministre de l'intérieur est subordonnée à l'obtention de l'agrément de contrôleur technique visé par l'article L. 111-25 du code de la construction et de l'habitation lorsque la demande d'agrément concerne les dispositions réglementaires relatives à la construction, aux aménagements intérieurs, au désenfumage, au chauffage, à la ventilation, la réfrigération, la climatisation, le conditionnement d'air et les installations d'eau chaude sanitaire, aux installations de gaz combustibles et d'hydrocarbures liquéfiés, aux installations d'appareils de cuisson et aux moyens de secours ; que, dans cette hypothèse, s'appliquent les dispositions de l'article L. 111-25 du code précité, aux termes desquelles : L'activité de contrôle technique prévue à la présente section est incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage , ainsi que de l'article R*. 111-31 du même code, aux termes desquelles : Les personnes et organismes agréés, les administrateurs ou gérants et le personnel de direction de ces organismes, ainsi que le personnel auquel il est fait appel pour les contrôles, doivent agir avec impartialité et n'avoir aucun lien de nature à porter atteinte à leur indépendance avec les personnes, organismes, sociétés ou entreprises qui exercent une activité de conception, d'exécution ou d'expertise dans le domaine de la construction ;

Considérant, en premier lieu, qu'en affirmant que le dirigeant de l'organisme agréé ne peut être également le dirigeant d'une entité apparentée réalisant des missions incompatibles , la circulaire attaquée n'a fait qu'expliciter les exigences posées par la norme NF EN ISO/CEI 17020 à laquelle se réfère l'arrêté du 11 décembre 2007 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant que l'organisme agréé doit veiller à ne fournir aucune vérification portant sur une installation ou un équipement pour lesquels l'entité apparentée a fourni une activité incompatible , telle la réalisation de cette installation ou de cet équipement depuis moins de deux ans, la circulaire attaquée, qui a entendu ainsi viser les hypothèses dans lesquelles les liens capitalistiques existant entre deux entités sont de nature à affecter l'indépendance de l'organisme chargé de missions de vérification, n'a fait qu'expliciter les exigences résultant de l'article R*. 111-31 du code de la construction et de l'habitation, lorsque l'agrément de contrôleur technique est nécessaire en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 11 décembre 2007 ; que si, dans les autres cas, elle a ajouté aux prévisions de ce dernier texte, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales tirait de l'article R. 122-16 du code de la construction et de l'habitation compétence pour fixer une telle condition ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en affirmant l'incompatibilité d'une activité de vérification agréée et d'une activité de coordination des systèmes de sécurité incendie, laquelle préside à l'analyse des besoins de sécurité et à la conception de ces systèmes, la circulaire attaquée n'a fait qu'expliciter les exigences résultant de l'article L. 111-25 du code de la construction et de l'habitation, lorsque l'agrément de contrôleur technique est nécessaire en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 11 décembre 2007 ; que si, dans les autres cas, elle a ajouté aux prévisions de ce dernier texte, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales tirait de l'article R. 122-16 du code de la construction et de l'habitation compétence pour fixer une telle condition, propre à assurer l'indépendance des organismes chargés d'effectuer les vérifications réglementaires prévues par cet article, quelle que soit la présentation qu'elle ait pu faire des notions de coordination des systèmes de sécurité incendie, de maîtrise d'oeuvre et de conception ; qu'en tout état de cause, s'agissant d'une activité réglementée, cette incompatibilité, qui s'apprécie pour un établissement ou un ouvrage donné, n'a pas porté une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie,

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CONFEDERATION DES ORGANISMES INDEPENDANTS TIERCE PARTIE DE PREVENTION, DE CONTROLE ET D'INSPECTION est fondée à demander l'annulation de la circulaire du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales en date du 4 mars 2009, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, en tant seulement qu'elles concernent l'agrément des organismes chargés des vérifications réglementaires prévues à l'article R*. 123-43 du code de la construction et de l'habitation ;

D E C I D E :

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Article 1er : La circulaire du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du 4 mars 2009 relative aux missions de vérifications réglementaires dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre, sont annulées en tant qu'elles concernent l'agrément des organismes chargés des vérifications réglementaires prévues à l'article R*. 123-43 du code de la construction et de l'habitation.

Article 2 : Le surplus de la requête de la CONFEDERATION DES ORGANISMES INDEPENDANTS TIERCE PARTIE DE PREVENTION, DE CONTROLE ET D'INSPECTION est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION DES ORGANISMES INDEPENDANTS TIERCE PARTIE DE PREVENTION, DE CONTROLE ET D'INSPECTION et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 331641
Date de la décision : 28/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2010, n° 331641
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: Mme Marie-françoise Lemaitre
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:331641.20100628
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