La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2010 | FRANCE | N°314710

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 05 juillet 2010, 314710


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'EARL DE MON PLAISIR, dont le siège est Mon Plaisir à Fréhel (22210) ; l'EARL DE MON PLAISIR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit au recours du ministre de l'agriculture et de la pêche, a d'une part, annulé le jugement du 15 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser la somm

e de 38 478,75 euros en réparation du préjudice subi du fait des déci...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'EARL DE MON PLAISIR, dont le siège est Mon Plaisir à Fréhel (22210) ; l'EARL DE MON PLAISIR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit au recours du ministre de l'agriculture et de la pêche, a d'une part, annulé le jugement du 15 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser la somme de 38 478,75 euros en réparation du préjudice subi du fait des décisions du préfet des Côtes d'Armor des 20 août 1996 et 12 février 1997 procédant à un transfert de références laitières, annulées par un précédent jugement du 19 janvier 2000, et d'autre part, rejeté la demande indemnitaire qu'elle avait présentée devant ce tribunal ;

2°) réglant l'affaire au fond, de réformer le jugement du 15 juin 2006 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 38 478,75 euros, et de faire droit à la demande qu'elle a présentée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission du 9 mars 1993 ;

Vu l'arrêté du 11 juillet 1996 relatif à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour la période allant du 1er avril 1996 au 31 mars 1997 ;

Vu l'arrêté du 2 mai 1997 relatif à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour la période du 1er avril 1997 au 31 mars 1998 ;

Vu l'arrêté du 7 mai 1998 relatif à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour la période allant du 1er avril 1998 au 31 mars 1999 ;

Vu l'arrêté du 12 avril 1999 relatif à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour la période allant du 1er avril 1999 au 31 mars 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de l'EARL DE MON PLAISIR,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de l'EARL DE MON PLAISIR ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la transformation du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Mon Plaisir en exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) DE MON PLAISIR, le préfet des Côtes-d'Armor, par deux décisions des 20 août 1996 et 12 février 1997, n'a transféré à l'EARL nouvellement constituée que 351 306 litres de la référence laitière précédemment attribuée au GAEC, qui s'élevait à 402 611 litres, le surplus, soit 51 305 litres, étant affecté à la réserve nationale ; qu'à la demande de l'EARL DE MON PLAISIR, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces deux décisions par un jugement du 19 janvier 2000 devenu définitif ; que l'EARL DE MON PLAISIR a ensuite présenté une demande d'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des décisions illégales du préfet ; que, par un jugement du 15 juin 2006, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à verser à l'EARL DE MON PLAISIR une somme de 38 478,75 euros en réparation du préjudice subi, pour les campagnes 1996-1997, 1997-1998 et 1998-1999, du fait du manque à gagner causé par le prélèvement irrégulier de 51 305 litres de lait opéré sur sa référence laitière pour ces trois campagnes, mais a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la requérante au titre du préjudice subi pour la campagne 1999-2000 et au titre d'un préjudice moral ; que l'EARL DE MON PLAISIR se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel du ministre de l'agriculture et de la pêche, a annulé ce jugement en tant qu'il lui avait accordé satisfaction, et rejeté sa demande d'indemnisation relative aux quatre campagnes en cause ;

Sur les campagnes 1996-1997, 1997-1998 et 1998-1999 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que, pour juger que l'EARL DE MON PLAISIR devait être regardée comme n'ayant pas été en mesure d'utiliser l'intégralité de la référence laitière qui lui avait été transférée par les décisions du préfet des Côtes-d'Armor des 20 août 1996 et 12 février 1997 et que ces décisions n'avaient, en conséquence, créé aucun préjudice à l'EARL pour les campagnes 1996-1997, 1997-1998 et 1998-1999, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé l'existence, pour ces campagnes, de déficits de livraison par rapport à la quantité de référence laitière qui lui avait été transférée ;

Considérant que le règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission du 9 mars 1993 fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, applicable au présent litige, énonce, dans ses considérants, le principe selon lequel : il y a (...) lieu de déterminer les caractéristiques du lait considérées comme représentatives et notamment les conditions dans lesquelles sa teneur en matière grasse intervient pour établir le volume final des quantités livrées ; que ce calcul se fonde sur une teneur en matière grasse de référence qui doit être, comme la quantité de référence individuelle à laquelle elle est associée, celle retenue au 31 mars 1993 (...) ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même règlement : 1. Les caractéristiques du lait, dont la matière grasse, considérées comme représentatives au sens de l'article 11 du règlement (CEE) n° 3950/92 sont celles associées à la quantité de référence individuelle disponible le 31 mars 1993. (...) / 2. Afin d'établir le décompte final du prélèvement visé à l'article 3 pour chaque producteur, la teneur moyenne en matière grasse du lait et/ou de l'équivalent-lait qu'il a livré est comparée à la teneur représentative dont il dispose : / - si un écart positif est constaté, la quantité de lait ou d'équivalent-lait livrée est majorée de 0,18 % par 0,1 gramme de matière grasse supplémentaire par kilogramme de lait, / - si un écart négatif est constaté, la quantité de lait ou d'équivalent-lait livrée est diminuée de 0,18 % par 0,1 gramme de matière grasse en moins par kilogramme de lait. / Dans le cas où la quantité de lait livrée est exprimée en litres, l'ajustement de 0,18 % par 0,1 gramme de matière grasse est affecté du coefficient 0,971 (...) ; qu'aux termes des articles 7 des arrêtés des 11 juillet 1996, 2 mai 1997 et 7 mai 1998 du ministre chargé de l'agriculture relatifs à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour les périodes allant respectivement du 1er avril 1996 au 31 mars 1997, du 1er avril 1997 au 31 mars 1998 et du 1er avril 1998 au 31 mars 1999 : A la fin de la campagne, le prélèvement mentionné aux articles 1er et 2 du décret du 11 février 1991 modifié susvisé, et dont le taux est égal à 115 p. 100 du prix indicatif du lait, est appliqué à la totalité du lait et des autres produits laitiers livrés par un producteur en dépassement de sa quantité de référence individuelle, notifiée conformément à l'article 3. / Le volume livré est corrigé, en application de l'article 2 du règlement (CEE) n° 536/93 modifié susvisé, en fonction des variations du taux de matière grasse du lait collecté. / En application de l'article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CEE) n° 3950/92 du 28 décembre 1992 susvisé, l'ONILAIT comptabilise la totalité des sous-réalisations des producteurs dont les livraisons n'atteignent pas la quantité de référence individuelle qui leur a été notifiée en application de l'article 3. / Tout acheteur de lait est redevable auprès de l'ONILAIT du montant du prélèvement supplémentaire dû par ses producteurs sur la partie de leur livraison en dépassement de leur quantité de référence individuelle augmentée, le cas échéant, des allocations provisoires, dans les conditions définies ci-dessous (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le dépassement de la quantité de référence individuelle d'un producteur de lait ou le déficit par rapport à cette quantité doivent être appréciés en comparant le montant de la quantité de référence dont il dispose au volume des livraisons qu'il a effectuées, corrigé, en application des dispositions de l'article 2 du règlement communautaire précité, en fonction des variations du taux de matière grasse du lait collecté ;

Considérant, dès lors, qu'en se fondant, pour rejeter les conclusions indemnitaires présentées pour les campagnes 1996-1997, 1997-1998 et 1998-1999 par l'EARL DE MON PLAISIR, sur l'existence de déficits de livraison par rapport à la quantité de référence laitière qui lui avait été transférée, sans prendre en compte les volumes livrés corrigés en fonction de la variation du taux de matière grasse, comme l'impose la réglementation tant communautaire que nationale pour apprécier l'existence d'un dépassement ou d'un déficit des livraisons de lait par rapport à la quantité de référence, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que, par suite, l'EARL DE MON PLAISIR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre de ces trois campagnes ;

Sur la campagne 1999-2000 :

Considérant qu'en jugeant infondée la demande d'indemnisation d'un préjudice pour la campagne 1999-2000 au seul motif que la quantité de référence laitière de 51 305 litres avait été intégralement réattribuée à l'EARL DE MON PLAISIR pour cette campagne, sans répondre au moyen tiré de ce que cette réattribution ayant résulté d'une décision préfectorale du 6 juillet 2000, intervenue après l'achèvement de la campagne le 31 mars 2000, l'EARL DE MON PLAISIR avait été dans l'impossibilité de produire la totalité de sa quantité de référence laitière au titre de cette campagne, la cour administrative d'appel de Nantes a insuffisamment motivé sa décision ; que, par suite, l'EARL DE MON PLAISIR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre de la campagne 1999-2000 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'EARL DE MON PLAISIR de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 6 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à l'EARL DE MON PLAISIR une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'EARL de MON PLAISIR et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 314710
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2010, n° 314710
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Christine Allais
Rapporteur public ?: Mme Cortot-Boucher Emmanuelle
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:314710.20100705
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award