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25/10/2010 | FRANCE | N°343807

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 25 octobre 2010, 343807


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Simon A, élisant domicile chez ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de la décision du 25 juin 2010 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour e

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Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Simon A, élisant domicile chez ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de la décision du 25 juin 2010 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour et a décidé son éloignement à destination de la Lituanie ainsi qu'à la suspension de la décision du 30 septembre 2010 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a décidé son maintien en rétention et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur sa demande d'asile, ainsi qu'un formulaire d'asile de procédure normale dans le délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de lui délivrer un visa ou un laissez-passer pour lui permettre de revenir en France et de le munir d'un récépissé de demande d'asile l'autorisant à séjourner en France dans l'attente de la décision définitive sur sa demande d'asile, dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Maître B sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

il soutient que l'urgence est caractérisée par la mise à exécution d'une décision d'éloignement du territoire français ; qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile ; qu'en effet il n'est pas justifié qu'il ait bénéficié, comme l'exige l'article 3§4 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, d'une information écrite dans une langue qu'il connaît sur les délais et les effets de la procédure de réadmission ; que l'administration n'a pas rapporté la preuve de la notification à la Lituanie du report du délai de transfert conformément à l'article 9§2 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence ne peut être considérée comme remplie lorsque le délai entre la notification de la décision de réadmission et la saisine du juge du référé liberté est trop long ; que le requérant n'a pas contesté en temps utile la mesure de réadmission ; qu'il a été informé, par un document traduit en langue russe, des règles découlant du règlement 343/2003 ; qu'au demeurant, ayant tenté de se soustraire à la mesure de réadmission, l'intéressé ne peut se prévaloir d'un défaut d'information ; que le préfet de la Gironde a demandé, le 7 juillet 2010, le prolongement du délai de transfert aux autorités lituaniennes ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 octobre 2010, présenté par M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Simon A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 octobre 2010 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me de Nervo, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ; il soutient en outre que, par courrier en date du 31 mars 2010, le requérant a bien été informé par écrit dans la langue russe dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend ; que le numéro de télécopie utilisé par les préfectures est celui du réseau de communication électronique DubliNet prévu à l'article 15 du règlement d'application n° 1560/2003 ; que l'information du report du transfert vers la Lituanie est corroborée par la correcte exécution de ce transfert ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 octobre 2010, présenté par M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre qu'il existe toujours un doute sur la notification de la note en russe ; que la traduction n'a pas été effectuée par un interprète assermenté, ni par une personne inscrite sur la liste d'experts de la cour d'appel ; qu'il n'a pas eu une information effective sur les délais et les effets de la procédure de réadmission ; que le ministre ne rapporte toujours pas la preuve d'avoir informé les autorités lituaniennes avant le 30 septembre 2010 ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui reprend les conclusions de ses précédents mémoires et les mêmes moyens ; il soutient en outre que M. A a bien eu connaissance de la lettre recommandée lors d'un second envoi, ce qui est d'ailleurs attesté par un courrier envoyé par l'intéressé ; qu'un traducteur assermenté a traduit la note en russe et que le requérant ne démontre pas que la traduction ne serait pas conforme à son contenu en français ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité géorgienne, s'est adressé le 2 mars 2010 à la préfecture de la Gironde pour solliciter son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que le préfet de la Gironde, constatant que le passeport de M. A était revêtu d'un visa lituanien, a sollicité des autorités lituaniennes la prise en charge de l'intéressé, sur le fondement des articles 9 et 17 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que cette prise en charge a été acceptée par la Lituanie le 31 mars 2010 ; que, le 25 juin 2010, le préfet a rejeté la demande d'admission au séjour de M. A et décidé sa réadmission vers la Lituanie ; que M. A ayant refusé d'embarquer le 29 juin 2010 et ayant été incarcéré à la suite d'une condamnation pénale de ce fait, le préfet de la Gironde a informé les autorités lituaniennes de la prolongation du délai d'exécution du transfert prévue en cas d'emprisonnement par l'article 19§4 du règlement du 18 février 2003 ; que par décision du 30 septembre 2010, le préfet de la Haute-Garonne a décidé son maintien en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, en vue de son départ pour la Lituanie ; qu'à la suite du rejet, par une ordonnance du 2 octobre 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, de la demande en référé présentée par l'intéressé le 1er octobre sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, M. A a été transféré en Lituanie le 4 octobre 2010 ; qu'il fait appel de l'ordonnance du 2 octobre 2010 ;

Considérant que pour rejeter la demande de M. A, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le défaut d'urgence résultant de la négligence de l'intéressé qui n'a pas contesté au contentieux, avant le 1er octobre 2010, la décision de réadmission en date du 25 juin 2010 ; que figurait toutefois parmi les pièces du dossier soumis au juge des référés une copie de la réservation du transport aérien à destination de Vilnius prévu pour le 4 octobre 2010 ; que dans ces conditions M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'absence de situation d'urgence ;

Mais considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a été effectivement informé, par courrier en date du 31 mars 2010 auquel était jointe une notice en langue russe, des règles découlant du règlement communautaire du 18 février 2003, conformément aux exigences de l'article 4§3 de ce règlement ; que les autorités françaises pouvaient se prévaloir de la prolongation du délai d'exécution du transfert vers la Lituanie prévue en cas d'emprisonnement par l'article 19§4 du règlement du 18 février 2003 ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la Gironde a prévenu, par télécopie en date du 7 juillet 2010, les autorités lituaniennes de la prolongation du délai de transfert, comme le prévoit l'article 9§2 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance manifeste des règles découlant des règlements du 18 février 2003 et du 2 septembre 2003 et à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante le versement à son profit des honoraires et frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide, que lorsque son client a été admis à l'aide juridictionnelle ; que l'aide juridictionnelle devant le Conseil d'Etat ne peut être demandée et, le cas échéant obtenue, que pour recourir à l'assistance d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; que, dès lors et en tout état de cause, les conclusions de Maître B tendant au versement par l'Etat à son profit d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Maître B tendant au versement par l'Etat à son profit d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Simon A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 343807
Date de la décision : 25/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2010, n° 343807
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : DE NERVO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:343807.20101025
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