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10/11/2010 | FRANCE | N°327507

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 10 novembre 2010, 327507


Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPEMENT QUALITE COCORETTE, dont le siège est sis le Pacage, rue du Four à chaux à Sainte Catherine Les Arras (62223), l'ORGANISATION DE DEFENSE DES PRODUITS FERMIERS, dont le siège est sis Le Pacage, 4, rue du Four à Chaux à Sainte Catherine Les Arras (62223), M. Frédéric B, demeurant ..., M. Philippe A, demeurant ... et la SOCIETE SAVEUR DES OEUFS, dont le siège est au 505, avenue de l'Europe à Montauban (82000), représentée par son gérant en exercice ; le GROUPEM

ENT QUALITE COCORETTE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°...

Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPEMENT QUALITE COCORETTE, dont le siège est sis le Pacage, rue du Four à chaux à Sainte Catherine Les Arras (62223), l'ORGANISATION DE DEFENSE DES PRODUITS FERMIERS, dont le siège est sis Le Pacage, 4, rue du Four à Chaux à Sainte Catherine Les Arras (62223), M. Frédéric B, demeurant ..., M. Philippe A, demeurant ... et la SOCIETE SAVEUR DES OEUFS, dont le siège est au 505, avenue de l'Europe à Montauban (82000), représentée par son gérant en exercice ; le GROUPEMENT QUALITE COCORETTE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-247 du 2 mars 2009 relatif aux conditions d'utilisation des mentions valorisantes fermier , produit de la ferme ou produit à la ferme pour les oeufs de poules pondeuses de l'espèce Gallus Gallus ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 ;

Vu le règlement (CE) 589/2008 du 23 juin 2008 ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 640-2 du code rural : Les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer peuvent, dans les conditions prévues par le présent titre et lorsqu'il n'y a pas de contradiction avec la réglementation communautaire, bénéficier d'un ou plusieurs modes de valorisation appartenant aux catégories suivantes : / 1° Les signes d'identification de la qualité et de l'origine : / - le label rouge, attestant la qualité supérieure ; / - l'appellation d'origine, l'indication géographique protégée et la spécialité traditionnelle garantie, attestant la qualité liée à l'origine ou à la tradition ; / - la mention agriculture biologique , attestant la qualité environnementale ; / 2° Les mentions valorisantes : / - la dénomination montagne ; / - le qualificatif fermier ou la mention produit de la ferme ou produit à la ferme ; / - les termes produits pays dans les départements d'outre-mer ; / - la dénomination vin de pays , suivie d'une zone de production ou d'un département ; / 3° La démarche de certification des produits. ; qu'aux termes de l'article L. 112-8 du code de la consommation : Les conditions d'utilisation du qualificatif fermier , des mentions produit de la ferme , produit à la ferme (...) sont fixées par l'article L. 641-19 du code rural ; qu'aux termes de l'article L. 641-19 du code rural : Sans préjudice des réglementations communautaires ou nationales en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole et des conditions approuvées à la même date pour bénéficier d'un label agricole, l'utilisation du qualificatif fermier , des mentions produit de la ferme , produit à la ferme (...) est subordonnée au respect de conditions fixées par décret ; qu'enfin aux termes de l'article R. 112-7 du code de la consommation : L'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et notamment sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, l'origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d'obtention. (...) ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que diffèrent par leur finalité et leur régime juridique, et doivent donc être distingués, les signes d'identification de la qualité et de l'origine qui attestent du niveau d'une qualité liée, pour certains d'entre eux, à une origine géographique, à une tradition ou à un mode de production biologique , et les mentions valorisantes fermier , produit de la ferme ou produit à la ferme , qui indiquent une origine fermière des produits évoquant, dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur, une élaboration de ces produits, à ses différents stades, sous la responsabilité directe de l'exploitant, selon des méthodes excluant les techniques de production à caractère industriel ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué autoriserait un mode d'élevage des poules pondeuses selon des normes de qualité moins strictes que celles qui seraient exigées pour l'obtention d'un label rouge ne peut être utilement invoqué ;

Considérant que l'article 1er du décret attaqué insère dans le code rural un article D. 641-57-1 dont le 3° dispose : Les céréales utilisées pour l'alimentation des poules pondeuses proviennent de l'exploitation agricole concernée ou d'exploitations agricoles situées dans le département de ladite exploitation ou dans les départements limitrophes ; que les requérants sont fondés à soutenir que ces dispositions qui notamment ne fixent aucune part minimale des céréales dans l'alimentation des poules ne définissent pas les conditions dans lesquelles les poules doivent être alimentées avec une précision et une rigueur suffisantes pour garantir, aux yeux des consommateurs, que cette alimentation soit compatible avec le caractère fermier des oeufs ;

Considérant que ces dispositions sont de nature à créer un doute dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur sur le caractère fermier des oeufs ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, les requérants sont fondés à soutenir que le décret attaqué dans son ensemble est entaché d'excès de pouvoir et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au GROUPEMENT QUALITE COCORETTE, à l'ORGANISATION DE DEFENSE DES PRODUITS FERMIERS, à M. Frédéric B, à M. Philippe A et à la SOCIETE SAVEUR DES ŒUFS d'une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le décret n° 2009-247 du 2 mars 2009 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera au GROUPEMENT QUALITE COCORETTE, à l'ORGANISATION DE DEFENSE DES PRODUITS FERMIERS, à M. Frédéric B, à M. Philippe A et à la SOCIETE SAVEUR DES ŒUFS une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT QUALITE COCORETTE, à l'ORGANISATION DE DEFENSE DES PRODUITS FERMIERS, à M. Frédéric B, à M. Philippe A, à la SOCIETE SAVEUR DES OEUFS, au Premier ministre, au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 327507
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-05-01-02 AGRICULTURE, CHASSE ET PÊCHE. PRODUITS AGRICOLES. GÉNÉRALITÉS. VALORISATION DES PRODUITS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES. - RÉGLEMENTATION RELATIVE À L'ÉTIQUETAGE DE MENTIONS VALORISANTES - RÉGLEMENTATION NE POUVANT AVOIR POUR EFFET DE CRÉER UN DOUTE DANS L'ESPRIT DE L'ACHETEUR OU DU CONSOMMATEUR SUR LES CARACTÉRISTIQUES DU PRODUIT (ART. R. 112-7 DU CODE DE LA CONSOMMATION) [RJ1].

03-05-01-02 Les dispositions du décret relatif aux conditions d'utilisation des mentions valorisantes « fermier », « produit de la ferme » ou « produit à la ferme » pour les oeufs ne fixant aucune part minimale des céréales dans l'alimentation des poules et ne définissant pas les conditions dans lesquelles les poules doivent être alimentées avec une précision et une rigueur suffisantes sont de nature à créer un doute dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur sur le caractère fermier des oeufs et sont par suite illégales.


Références :

[RJ1]

Cf. 28 octobre 2009, Association régionale des producteurs de fromages fermiers de Corse, n° 307014, T. p. 629.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2010, n° 327507
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Christine Allais
Rapporteur public ?: Mme Cortot-Boucher Emmanuelle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:327507.20101110
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