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15/11/2010 | FRANCE | N°331392

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 15 novembre 2010, 331392


Vu le pourvoi, enregistré le 31 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Catherine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Douai, en tant que, après avoir annulé à sa demande le jugement du 29 novembre 2006 du tribunal administratif de Lille, elle a rejeté sa demande de première instance tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité de licenciement prévue à l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 et l'allocation pour perte d'emplo

i à compter du 1er janvier 2001 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de f...

Vu le pourvoi, enregistré le 31 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Catherine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Douai, en tant que, après avoir annulé à sa demande le jugement du 29 novembre 2006 du tribunal administratif de Lille, elle a rejeté sa demande de première instance tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité de licenciement prévue à l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 et l'allocation pour perte d'emploi à compter du 1er janvier 2001 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel et de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 92-275 du 26 mars 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Francine Mariani-Ducray, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Foussard, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de Mme A,

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable à l'espèce : En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée : (...) / 2° Aux agents engagés à terme fixe et licenciés avant ce terme ; / 3° Sous réserves des dispositions de l'article 33 du présent décret, aux agents physiquement aptes et qui remplissent toujours les conditions requises, auxquels aucun emploi n'a pu être proposé à l'issue d'un (...) congé de grave maladie (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 351-1, devenu L. 5421-1, du code du travail, applicable aux agents de l'Etat en vertu du 1° de l'article L. 351-12, devenu le 1° de l'article L. 5424-1 de ce code : En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent chapitre. ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme A, employée en vertu de contrats à durée déterminée annuels de l'Etat en qualité de formatrice au groupement d'établissements publics locaux d'enseignement (GRETA) Audomarois, le dernier contrat courant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2000, a été placée en congé de grave maladie du 3 octobre 1998 au 2 juillet 2000 ; que, par arrêté du 30 mai 2000, le recteur de l'académie de Lille a prononcé, sur sa demande, sa réintégration à compter du 3 juillet 2000 dans un autre établissement que celui d'origine, sans précision de l'établissement ; que, par lettre du 12 octobre 2000, le trésorier-payeur général du Nord-Pas-de-Calais l'a informée que le versement de son traitement avait cessé à compter du 3 juillet 2000 ; que, par lettre du 19 octobre 2000, le recteur lui a fait savoir qu'elle serait affectée en formation continue sans précision d'établissement, puis, par lettre du 27 octobre 2000, lui a ordonné de regagner le GRETA au plus tard le 9 novembre 2000, l'avertissant que, si elle ne rejoignait pas cette affectation, elle serait en situation d'abandon de poste ; que, par décision du 27 novembre 2000, la présidente du GRETA l'a informée de ce que son contrat ne serait pas renouvelé à compter du 1er janvier 2001 ; que, par arrêté du 11 décembre 2000, le recteur a prononcé son licenciement pour abandon de poste à compter du 9 novembre 2000 ;

Considérant que, pour rejeter la demande de Mme A tendant à obtenir une indemnité de licenciement et une allocation pour perte d'emploi en écartant son moyen tiré de ce qu'elle devait être regardée comme licenciée à compter du 3 juillet 2000, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée sur une commune volonté des parties résultant, selon elle, de la poursuite des échanges épistolaires entre l'intéressée et l'administration et en a déduit que celles-ci avaient entendu poursuivre leurs relations contractuelles ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des faits précédemment rappelés que l'administration, en dépit de demandes réitérées de l'intéressée, n'avait pas procédé à son affectation, entre la date de sa réintégration le 3 juillet 2000 et la mise en demeure de rejoindre son poste, et avait cessé, dès cette réintégration, de lui verser son traitement, de sorte que ces circonstances devaient être analysées comme un licenciement, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que, après avoir annulé pour irrégularité le jugement du tribunal administratif de Lille et décidé d'évoquer, il a rejeté sa demande de première instance tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité de licenciement prévue à l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 et l'allocation pour perte d'emploi à compter du 1er janvier 2001 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'indemnité de licenciement :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les refus de procéder à l'affectation de Mme A et de lui verser un traitement doivent être regardés comme un licenciement, sans qu'il puisse être utilement soutenu que les échanges ultérieurs entre les parties auraient manifesté leur intention de poursuivre leurs relations ; que, par suite, en application des dispositions de l'article 51 du décret du 11 janvier 1986, Mme A, dont le licenciement n'a pas été prononcé à titre de sanction disciplinaire, a droit à l'indemnité de licenciement prévue pour les agents engagés à terme fixe et licenciés avant ce terme ;

Sur l'allocation pour perte d'emploi :

Considérant qu'il résulte également de ce qui a été dit ci-dessus que le recteur de l'académie de Lille ne pouvait légalement se fonder, pour rejeter la demande de Mme A tendant à l'octroi, à compter du 1er janvier 2001, du revenu de remplacement prévu par les dispositions précédemment citées du code du travail, sur ce que, ayant fait l'objet d'une radiation pour abandon de poste, l'intéressée n'avait pas été involontairement privée d'emploi ; que toutefois, cette seule condition ne suffit pas à ouvrir droit à l'allocation ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à l'administration de réexaminer la demande de Mme A, afin de déterminer si elle remplit, à la date mentionnée dans sa demande, les autres conditions lui ouvrant droit à ce revenu de remplacement, et ce dans un délai de deux mois, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 25 juin 2009 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions du décret du 17 janvier 1986.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la demande d'allocation pour perte d'emploi de Mme A pour apprécier si elle réunit, à la date mentionnée dans sa demande, les conditions lui permettant de bénéficier du revenu de remplacement alors prévu par les dispositions de l'article L. 351-1 du code du travail, autres que celle d'être involontairement privée d'emploi.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Catherine A et au ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 331392
Date de la décision : 15/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2010, n° 331392
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Francine Mariani-Ducray
Rapporteur public ?: Mme Dumortier Gaëlle
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:331392.20101115
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