La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2010 | FRANCE | N°328038

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26 novembre 2010, 328038


Vu, l'ordonnance du 23 avril 2009, enregistrée le 15 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint Martin a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 26 février 2004 au greffe du tribunal administratif de Basse Terre, par laquelle la SCP GOURY-LAFFONT ET CAUCHEFER, 29, Coin de la Mairie Marigot à Saint-Martin (97150), M. Guillaume A, ... et M. Antoine B ... demandent :

1°) l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2003 par

lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a nommé Mme ...

Vu, l'ordonnance du 23 avril 2009, enregistrée le 15 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint Martin a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 26 février 2004 au greffe du tribunal administratif de Basse Terre, par laquelle la SCP GOURY-LAFFONT ET CAUCHEFER, 29, Coin de la Mairie Marigot à Saint-Martin (97150), M. Guillaume A, ... et M. Antoine B ... demandent :

1°) l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2003 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a nommé Mme Chantal C, huissier de justice à la résidence de Capesterre-Belle-Eau, en remplacement de M. D, décédé, et a autorisé le transfert de l'office d'huissier de justice à la résidence de Capesterre-Belle-Eau à la résidence de Saint-Martin,

2°) que soit mis à la charge de Mme C le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 avril 1816 sur les finances ;

Vu le décret n° 55-604 du 20 mai 1955 ;

Vu le décret n° 56-221 du 29 février 1956 ;

Vu le décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 ;

Vu le décret n° 75-770 du 14 août 1975 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Balat, avocat de la SCP GOURY-LAFFONT, CAUCHEFER et autres,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Balat, avocat de la SCP GOURY-LAFFONT, CAUCHEFER et autres ;

Considérant que les requérants contestent l'arrêté du 23 décembre 2003 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a procédé simultanément d'une part à la nomination de Mme C comme huissière de justice à la résidence de Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) en remplacement de M. D, décédé, et d'autre part au transfert de cet office d'huissier de justice à la résidence de Saint Martin (Guadeloupe) ;

Considérant que M. Guillaume A s'est désisté de la présente instance ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (..) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ; qu'en vertu de l'article R. 341-2 de ce même code, Dans le cas où un tribunal administratif est saisi de conclusions relevant normalement de sa compétence mais connexes à des conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et relevant de la compétence en premier et dernier ressort de celui-ci, son président renvoie au Conseil d'Etat lesdites conclusions ;

Considérant que l'arrêté du garde des sceaux du 23 décembre 2003 dont les requérants demandent l'annulation porte d'une part, nomination de Mme C comme huissière de justice à la résidence de Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) en remplacement de M. D et, d'autre part, transfert de cet office à la résidence de Saint Martin ; qu'en tant qu'il prononce ce transfert, l'arrêté a pour objet l'organisation du service public de la justice et présente un caractère règlementaire ; que par suite, le recours dirigé contre cette décision relève de la compétence du Conseil d'Etat ; que les conclusions dirigées contre la nomination de Mme C huissière de justice à la résidence de Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) sont connexes à celles dirigées contre la décision de transfert de son office ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de les examiner conjointement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que Mme C, qui s'est retirée d'une SCP titulaire d'un office d'huissier de justice à la résidence de Saint-Martin dont elle était l'une des associés, a été nommée, par l'arrêté contesté, huissière de justice en remplacement de M. D à la résidence de Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) ; que le même arrêté a procédé au transfert de cet office à la résidence de Saint-Martin ; que les requérants, qui sont titulaires d'un office à la résidence de Saint-Martin, dans lequel Mme C exerçait précédemment ses fonctions avant de demander sa nomination à la résidence de Capesterre-Belle-Eau, nomination qui a été immédiatement suivie de sa réinstallation sur l'île de Saint-Martin, justifient d'un intérêt suffisamment direct pour contester la légalité de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 23 décembre 2003 :

Considérant, en premier lieu, que si, aux termes de l'article 89-2 du décret du 31 décembre 1969 portant règlement d'administration publique pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction alors applicable, Lorsqu'un huissier de justice entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966 (...) et solliciter sa nomination à un office créé à son intention dans le ressort du lieu où est situé le siège de la société, il doit au préalable faire constater par le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la société a son siège la réalité de la mésentente invoquée qui doit être de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux. (...) , la nomination de Mme C à la résidence de Capesterre-Belle-Eau a été prononcée en remplacement de M. D, décédé, et ne constitue pas, par suite, une nomination à un office créé à l'intention de l'intéressé ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué de la procédure prévue par les articles 89-2 et suivants du décret du 31 décembre 1969 susvisé ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour contester la légalité de la nomination de Mme C à la résidence de Capesterre-Belle-Eau en remplacement de M. D, décédé le 2 mai 1985, les requérants soutiennent qu'en l'absence de renouvellement de désignation de suppléant depuis 1990, l'office aurait dû être supprimé de plein droit et que, par voie de conséquence, l'office ne pouvait être pourvu par l'exercice, par les ayants droit de M. D, d'un droit de présentation sans méconnaître les dispositions des articles 5, 6 alinéa 1er et 8 du décret du 29 février 1956 portant règlement d'administration publique pour l'application du décret n°55-604 du 20 mai 1955 relatif aux officiers publics ou ministériels et à certains auxiliaires de justice en ce qui concerne la suppléance des officiers publics et ministériels ;

Considérant que les dispositions de l'article 5 et de l'alinéa 1er de l'article 6 du décret du 29 février 1956 ont pour objet de définir les conditions de la suppléance des offices dépourvus de titulaires du fait notamment du décès, de la maladie, de la démission de l'officier ministériel sans présentation de successeur ou de sanction disciplinaire ; qu'à cette fin, elles prévoient les périodes pendant lesquelles ces suppléances peuvent être exercées et les conditions dans lesquelles elles peuvent être renouvelées et prolongées ; qu'aux termes de l'article 8 de ce décret, à l'expiration de ces périodes il est procédé d'office à la nomination d'un nouveau titulaire ou à la suppression de la charge (...) lorsque la charge est vacante et que les ayants droit de l'ancien titulaire n'ont pas usé du droit conféré par l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 (...) ; qu'aux termes de l'article 34 du décret du 14 août 1975 relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ainsi qu'aux modalités des créations, transferts et suppressions d'offices d'huissiers de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice, Lorsqu'il n'a pas été ou qu'il n'a pu être pourvu par l'exercice du droit de présentation à un office d'huissier de justice dépourvu de titulaire, cet office est déclaré vacant par décision du garde des sceaux, ministre de la justice, et la nomination est faite dans les conditions prévues aux articles 27 à 33 ; qu'enfin aux termes de l'article 37 du même décret, toute création, transfert ou suppression d'un office intervient par arrêté du garde des sceaux (...) ;

Considérant que contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de ces dispositions réglementaires que le garde des sceaux serait tenu de supprimer un office d'huissier de justice lorsque, à l'issue d'une période de suppléance, la charge reste sans titulaire ou suppléant ; que l'expiration des périodes de suppléance n'a pas davantage pour effet d'entraîner de plein droit la suppression d'un office d'huissier de justice ; que le garde des sceaux n'est par ailleurs pas tenu de déclarer un office vacant dès lors que celui-ci peut être pourvu par l'exercice du droit de présentation, qui constitue un droit patrimonial ; qu'un office ne devient pas vacant de plein droit, mais seulement à la suite d'une décision du garde des sceaux ; que, par suite, le ministre a pu légalement, alors que la suppléance de l'office de M. D s'est achevée en 1990 et qu'il avait refusé d'agréer un projet de suppression de cet office malgré la signature, le 20 septembre 1996, d'une convention amiable entre les ayants droit de M. D et cinq huissiers de justice bénéficiaires de ladite suppression, agréer le projet de reprise de l'office par Mme C au bénéfice de laquelle ces ayants droit ont exercé leur droit de présentation, sans entacher son arrêté du 23 décembre 2003 d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que pour décider du transfert de l'office à la résidence de Saint Martin, le ministre s'est livré à une évaluation des besoins du service public de la justice, en prenant en considération les évolutions démographiques, le développement et la transformation de l'économie locale ; qu'en estimant, au vu des éléments dont il disposait, que le projet de transfert de l'office d'huissier de justice se justifiait dans l'intérêt d'une bonne organisation du service public de proximité auquel concourt cet office, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 23 décembre 2003 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C, qui n'est pas la partie perdante, le versement de la somme que demandent la SCP CAUCHEFER et M. B ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants le versement de la somme demandée par Mme C ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est donné acte du désistement d'instance de M. Guillaume A.

Article 2 : La requête de la SCP CAUCHEFER et de M. B est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCP CAUCHEFER, à M. Antoine B, à M. Guillaume A, à Mme Chantal C et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 328038
Date de la décision : 26/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05-05 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS. PROFESSIONS S'EXERÇANT DANS LE CADRE D'UNE CHARGE OU D'UN OFFICE. HUISSIERS. - 1) CHARGE SANS TITULAIRE OU SUPPLÉANT À L'ISSUE D'UNE PÉRIODE DE SUPPLÉANCE - SUPPRESSION DE PLEIN DROIT DE L'OFFICE - ABSENCE - OBLIGATION POUR LE GARDE DES SCEAUX DE SUPPRIMER L'OFFICE - ABSENCE - 2) A) OBLIGATION POUR LE GARDE DES SCEAUX DE DÉCLARER UN OFFICE VACANT - ABSENCE LORSQUE L'OFFICE PEUT ÊTRE POURVU PAR L'EXERCICE DU DROIT DE PRÉSENTATION - B) CONDITION DE DÉLAI POUR L'EXERCICE DU DROIT DE PRÉSENTATION - ABSENCE (SOL. IMPL.).

55-03-05-05 1) Lorsque, à l'expiration d'une période de suppléance d'un office d'huissier de justice dans les conditions prévues à l'article 6 du décret n° 56-221 du 29 février 1956, la charge reste sans titulaire ou suppléant, l'office n'est pas supprimé de plein droit et le garde des sceaux n'est pas tenu d'en prononcer la suppression. 2) a) Il résulte de l'article 34 du décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice que le garde des sceaux n'est pas tenu de déclarer un office vacant lorsque celui-ci peut être pourvu par l'exercice du droit de présentation prévu au profit des ayants droit par l'article 91 de la loi du 28 avril 1816. b) Le droit de présentation est un droit patrimonial, qui peut être exercé sans condition de délai.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2010, n° 328038
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Michel Thenault
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:328038.20101126
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award