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19/01/2011 | FRANCE | N°327557

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 19 janvier 2011, 327557


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril et le 30 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MM Jean-Paul et Bruno A, agissant au nom de l'indivision successorale exerçant sous l'enseigne Les fils de Mme Géraud, demeurant ... ; MM. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA01969 du 2 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant le jugement n° 014682/2 du tribunal administratif de Melun, les a condamnés à verser à la commune de Nogent-sur-Marne, d'une part,

la différence entre la somme de 2 555 872,81 euros, majorée des inté...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril et le 30 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MM Jean-Paul et Bruno A, agissant au nom de l'indivision successorale exerçant sous l'enseigne Les fils de Mme Géraud, demeurant ... ; MM. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA01969 du 2 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant le jugement n° 014682/2 du tribunal administratif de Melun, les a condamnés à verser à la commune de Nogent-sur-Marne, d'une part, la différence entre la somme de 2 555 872,81 euros, majorée des intérêts à compter du 8 novembre 2001, eux-mêmes capitalisés à compter du 8 novembre 2002, et la somme de 6 065 000 euros minorée des sommes éventuellement versées par MM. A ou leur garant, d'autre part, la somme de 223 693,30 euros majorée des intérêts à compter du 1er août 2002, eux-mêmes capitalisés à compter du 31 décembre 2006 ;

2°) de mettre la somme de 5 500 euros à la charge de la commune de Nogent-sur-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 décembre 2010, présentée pour la commune de Nogent-sur-Marne ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat de MM. A et de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la commune de Nogent-sur-Marne,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de MM. A et à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la commune de Nogent-sur-Marne ;

Considérant que MM. A, agissant au nom des co-indivisaires exerçant sous l'enseigne Les fils de Mme Géraud , ont conclu le 28 mars 1991 un traité de concession avec la commune de Nogent-sur-Marne pour l'exploitation de parcs de stationnement dans cette commune ; qu'un différend étant né entre les parties, MM. A ont recherché l'engagement de la responsabilité de la commune et demandé à être indemnisés des préjudices subis ; qu'ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 2 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir relevé la nullité du contrat de concession, a procédé à la détermination des sommes dues par la ville de Nogent-sur-Marne à MM. A sans faire droit à leur demande tendant à ce que le jugement du 23 mars 2006 du tribunal administratif de Melun soit réformé en tant qu'il a limité leur droit à indemnité à 2 669 517 euros ;

Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où le contrat en cause est une concession de service public, il peut notamment, à ce titre, demander à être indemnisé de la valeur non amortie, à la date à laquelle les biens nécessaires à l'exploitation du service font retour à l'administration, des dépenses d'investissement qu'il a consenties, ainsi que du déficit qu'il a, le cas échéant, supporté à raison de cette exploitation, pour autant toutefois qu'il soit établi, au besoin après expertise, que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant, en premier lieu, que, après constat de la nullité du contrat de concession litigieux, s'agissant de l'indemnité due à MM. A sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle de la commune, au titre de la valeur non amortie des dépenses d'investissement consenties par le concessionnaire, la cour a souverainement apprécié, sans entacher son arrêt de dénaturation, qu'il résulte des stipulations contractuelles que la redevance annuelle d'un montant forfaitaire de 341 791 euros (2 242 000 francs), mise par le contrat à la charge du concessionnaire, ne doit pas être regardée comme une dépense d'investissement ; que cependant, en n'intégrant pas ces annuités dans les dépenses supportées à raison de l'exploitation pour la détermination du déficit d'exploitation de la concession, pris en compte au titre de l'évaluation des dépenses utiles pour la commune, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant en deuxième lieu qu'après l'évaluation des dépenses utilement exposées pour la commune, la cour a retenu l'existence d'une faute de la collectivité à l'origine de la nullité du contrat, engageant sa responsabilité sur un fondement quasi-délictuel ; qu'elle a relevé que les requérants pouvaient, à ce titre, demander à être indemnisés du bénéfice dont ils avaient été privés du fait de la nullité du contrat ; que cependant, ayant évalué ce bénéfice, la cour a commis une autre erreur de droit en omettant de l'intégrer dans le montant total de l'indemnité due aux intéressés ;

Considérant, enfin, que la cour, faisant droit à l'appel incident de la commune, a retenu l'existence d'une faute de MM. A à ne pas avoir procédé sur les ouvrages concédés aux travaux de mises aux normes en matière de sécurité incendie et de passage à l'euro et en les condamnant pour ce motif, sur un fondement quasi-délictuel, à verser à la commune la somme de 223 693, 30 euros ; que toutefois, ces obligations résultant du contrat de concession lui-même, la responsabilité de MM. A ne pouvait être retenue sur un tel fondement extra-contractuel ; que le contrat ayant été déclaré nul, la cour pouvait, le cas échéant, prendre en compte le coût de ces travaux dans l'évaluation des dépenses utilement exposées pour la collectivité et dont le cocontractant peut demander le remboursement, en imputant tout ou partie de leur montant sur la valeur non amortie des biens faisant retour à la personne publique, mais ne pouvait, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, retenir l'existence d'une faute engageant sur un terrain quasi-délictuel la responsabilité de MM. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que MM. A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur le pourvoi incident de la commune de Nogent-sur-Marne ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la commune de Nogent-sur-Marne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, soit mise à la charge de MM. A, lesquels ne sont pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nogent-sur-Marne la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par MM. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 2 mars 2009 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La commune de Nogent-sur-Marne versera à MM. A la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à MM. AUGSUTE et à la commune de Nogent-sur-Marne.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 327557
Date de la décision : 19/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jan. 2011, n° 327557
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Dacosta Bertrand
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:327557.20110119
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