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02/02/2011 | FRANCE | N°344586

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 02 février 2011, 344586


Vu l'ordonnance n° 10PA01813 du 19 octobre 2010, enregistrée le 29 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur l'appel de M. Michel A et autres, tendant à l'annulation du jugement du 9 février 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 8 septembre 2006 par lesquelles l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer n'a que partiellement fait droit aux demandes d'indemn

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Vu l'ordonnance n° 10PA01813 du 19 octobre 2010, enregistrée le 29 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur l'appel de M. Michel A et autres, tendant à l'annulation du jugement du 9 février 2010 du tribunal administratif de Paris rejetant leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 8 septembre 2006 par lesquelles l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer n'a que partiellement fait droit aux demandes d'indemnisation des exposants, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 12 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;

Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, notamment son article 12 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés : I. - Sont restituées aux bénéficiaires des indemnisations ou en cas de décès à leurs ayants droit les sommes prélevées sur les indemnisations par l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer et affectées au remboursement partiel ou total des prêts au titre des dispositions suivantes : / 1° L'article 46 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ; / 2° Les troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 3 de la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 relative à l'indemnisation des Français rapatriés d'outre-mer dépossédés de leurs biens. / II. -Sont aussi restituées aux personnes ayant bénéficié d'une indemnisation en application de l'article 2 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ou à leurs ayants droit les sommes prélevées, en remboursement de prêts professionnels, sur l'aide brute définitive accordée lors de la cession de biens agricoles dans le cadre des protocoles franco-tunisiens des 13 octobre 1960 et 2 mars 1963. / III. - Les restitutions mentionnées aux I et II n'ont pas le caractère de revenus pour l'assiette des impôts et taxes recouvrés au profit de l'Etat ou des collectivités publiques. Elles n'entrent pas dans l'actif successoral des bénéficiaires au regard des droits de mutation par décès. / IV. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de versement des sommes restituées ainsi qu'un échéancier prenant en compte l'âge des bénéficiaires de l'indemnisation. / V. - Les demandes de restitution peuvent être présentées jusqu'au 31 décembre 2008 ;

Considérant, en premier lieu, que, pour indemniser au nom de la solidarité nationale les rapatriés des anciennes possessions françaises d'Afrique du Nord, notamment la Tunisie, le législateur a décidé d'employer les sommes dont l'Etat disposait dans le cadre d'accords avec ce pays pour verser des aides et, le cas échéant, des prêts professionnels, complétés ultérieurement par la loi du 16 juillet 1987 et par loi du 23 février 2005 ; que, tant ces versements que les modalités selon lesquelles en avaient été défalquées les annuités de remboursements des prêts professionnels consentis par l'Etat pour aider à la réinstallation de certains rapatriés, ainsi que celles selon lesquelles ces mêmes annuités étaient reversées par application du II de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 dont la constitutionnalité est contestée, n'ont eu pour objet ni l'indemnisation de la privation d'un droit de propriété qui aurait été le fait de l'Etat français, ni le remboursement d'une créance qu'auraient détenue les rapatriés sur l'Etat ; que dès lors, ne mettant nullement en cause le droit de propriété des bénéficiaires de ces différents dispositifs, les conditions dans lesquelles les modalités de calcul de ces différents versements donnaient lieu ou non à actualisation sont insusceptibles, par elles mêmes, de mettre en cause le droit de propriété ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 12 de la loi du 23 février 2005 méconnaîtraient l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ne présente pas un caractère sérieux ;

Considérant, en second lieu, qu'à supposer que les rapatriés ayant dû recourir à l'emprunt pour se réinstaller en métropole ne relevaient pas d'une catégorie différente de celle des rapatriés ayant pu se dispenser d'un tel recours, au regard des objectifs que le législateur poursuivait en voulant indemniser les rapatriés des conséquences de la fin de la présence française en Afrique du Nord, il n'en résulte pas que les conditions dans lesquelles le législateur a décidé, en 2005, que seraient restituées les sommes qui avaient été prélevées sur les indemnisations accordées aux rapatriés ayant auparavant bénéficié de prêts de réinstallation méconnaîtraient, au seul motif d'absence d'actualisation de ces sommes, le principe d'égalité ; qu'ainsi le moyen tiré de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas non plus un caractère sérieux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A, à M. Claude A, à Mme Madeleine A, à M. Marc A, à M. Benoît A, à Mme Odile C, à M. Denis A, à M. Bruno A, à l'Agence nationale pour l'indemnisation des français d'outre-mer, au Premier ministre et à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 344586
Date de la décision : 02/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2011, n° 344586
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Tanneguy Larzul
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:344586.20110202
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