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04/02/2011 | FRANCE | N°334303

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 04 février 2011, 334303


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, dont le siège est 17, boulevard Auguste Blanqui à Paris (75013), représentée par son président ; l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 septembre 2009 par lequel le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'

Etat ont fixé les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'artic...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, dont le siège est 17, boulevard Auguste Blanqui à Paris (75013), représentée par son président ; l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 septembre 2009 par lequel le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ont fixé les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicables aux établissements et services mentionnés au a) du 5° du I de l'article L. 312-1 du même code ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte du deuxième alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles applicable en l'espèce que le montant total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail mentionnés au a) du 5° du I de l'article L. 312-1 du même code est réparti en dotations régionales limitatives, dont le montant " est fixé par le ministre chargé de l'action sociale, en fonction des besoins de la population, des priorités définies au niveau national en matière de politique médico-sociale, en tenant compte de l'activité et des coûts moyens des établissements et services et d'un objectif de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions " ; que l'article 180 de la loi de finances pour 2009 a ajouté à cet alinéa une phrase aux termes de laquelle, pour ces établissements, " un arrêté interministériel fixe, annuellement, les tarifs plafonds ou les règles de calcul desdits tarifs plafonds (...) ainsi que les règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds " ; que, pour l'application de ces dernières dispositions est intervenu l'arrêté du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat du 28 septembre 2009 dont l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE demande l'annulation pour excès de pouvoir ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles cité ci-dessus que les auteurs de l'arrêté attaqué étaient compétents, ainsi qu'ils l'ont fait à l'article 2 de l'arrêté litigieux, pour fixer au titre de l'année 2009 les tarifs plafonds dans la limite desquels le représentant de l'Etat dans le département détermine, en sa qualité d'autorité de tarification, le tarif des prestations de chaque établissement ; que la règle fixée par l'article 3 de l'arrêté attaqué, qui prévoit que les établissements et services dont les tarifs de l'année 2008 étaient supérieurs aux tarifs plafonds prévus à l'article 2 perçoivent au titre de l'année 2009 un " forfait global " correspondant au montant de leurs charges nettes de l'exercice 2008, est au nombre des " règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds " que les ministres étaient compétents pour édicter en vertu de l'article L. 314-4 de ce code ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 314-8 du même code, qui confient de manière générale à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les modalités de fixation des tarifs des établissements et services d'aide par le travail, ne faisaient nullement obstacle à ce que l'arrêté attaqué, pris sur le fondement de dispositions législatives distinctes, fixât une règle ayant pour effet d'encadrer le pouvoir d'appréciation de l'autorité de tarification dans la fixation des tarifs de ces mêmes établissements ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE, les dispositions de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles qui confient à un arrêté interministériel le soin de fixer les règles permettant de ramener les tarifs effectivement pratiqués au niveau des tarifs plafonds, ne faisaient pas obligation aux auteurs de l'arrêté attaqué de réaliser cet objectif de convergence tarifaire de manière pluriannuelle et par le biais des contrats d'objectifs et de moyens prévus à l'article L. 313-11 de ce code ; qu'au demeurant, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que les tarifs plafonds qu'il fixe ne sont pas opposables aux établissements et services liés à l'Etat par un tel contrat et que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les établissements dont les tarifs de l'année 2008 dépassaient les tarifs plafonds ne sont pas immédiatement soumis à ceux-ci au titre de l'exercice 2009, mais perçoivent une dotation correspondant aux montants des charges nettes autorisés au titre de l'exercice 2008 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait " la lettre et l'esprit " de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles en ce qu'il imposerait aux établissements une convergence tarifaire immédiate et méconnaîtrait la politique de contractualisation encouragée par le législateur ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les tarifs plafonds fixés à l'article 2 de l'arrêté attaqué, qui sont différenciés selon la nature des publics accueillis et le coût de leur prise en charge, ont été fixés en tenant compte notamment des besoins de la population, ainsi que de l'activité et des coûts moyens des établissements et services d'aide par le travail ; qu'en raison même de leur uniformité sur le territoire, ils mettent en oeuvre des priorités nationales et l'objectif de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions ; que, dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle attaque ne respecterait pas les critères énumérés à l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles ;

Considérant, en quatrième lieu, que la fixation de tarifs plafonds pour l'année 2009 n'a, en tout état de cause, pas par elle-même pour effet d'entraîner la méconnaissance, par les décisions tarifaires individuelles visant les établissements et services d'aide par le travail, des dispositions de l'article L. 314-6 du même code selon lesquelles les conventions et accords collectifs agréés, et les coûts qui en résultent, s'imposent à l'autorité de tarification ;

Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l'article R. 314-8 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoient que la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux peut prendre la forme d'une dotation globale de financement ou d'un forfait global annuel, ne faisaient pas obstacle, en tout état de cause, à ce que l'article 3 de l'arrêté attaqué allouât aux établissements dont les tarifs excèdent les tarifs plafonds fixés à l'article 2 un forfait global pour l'année 2009 ;

Considérant, en sixième lieu, que ni les dispositions de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles, ni la circonstance que les règles relatives à la création et au fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail figurant dans ce code n'opèrent pas elles-mêmes une telle distinction, ne faisaient obstacle à ce que les tarifs plafonds fussent différenciés selon la nature des publics accueillis par ces établissements et services ; que cette différenciation des tarifs plafonds, qui vise à mieux prendre en compte les charges effectivement supportées par les établissements et services dans l'allocation des ressources de l'Etat, n'est pas contraire au principe d'égalité dès lors que les établissements et services concernés se trouvent, selon la nature des handicaps des personnes qu'ils accueillent et la proportion en leur sein des personnes qui souffrent des handicaps dont la prise en charge est la plus coûteuse, dans une situation différente eu égard à l'objet de la norme ainsi établie ; que l'association requérante ne peut sérieusement soutenir qu'une telle différenciation méconnaîtrait la liberté de choix par les usagers de l'établissement ou du service d'accueil ainsi que les dispositions relatives à l'orientation de ces derniers par les commissions départementales de l'autonomie et des personnes handicapées, et conduirait les gestionnaires de ces établissements et services à opérer une sélection des usagers en fonction de leur situation de handicap ; qu'enfin, contrairement à ce qui est soutenu, cette différenciation n'implique nullement la communication de données nominatives couvertes par le secret médical à des personnes qui n'y sont pas soumises et n'a donc pas, par elle-même, pour conséquence de violer ce secret ;

Considérant, en septième lieu, qu'eu égard aux catégories de handicaps retenues pour fonder la différenciation des tarifs plafonds, il ne ressort pas du dossier que les termes choisis par les auteurs de l'arrêté attaqué pour en tracer les contours seraient entachés d'ambiguïté ou d'imprécision ; que la circonstance que certains de ces termes ne seraient pas définis par le code de l'action sociale et des familles ou par d'autres dispositions législatives ou réglementaires ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique et est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;

Considérant, en huitième lieu, que les décisions individuelles de tarification des établissements et services d'aide par le travail pour l'année 2009 pouvant légalement intervenir en cours d'exercice, l'arrêté attaqué pouvait lui-même ne fixer qu'en cours d'année les plafonds applicables à ces mêmes tarifs individuels de l'année 2009 ; qu'il n'a pas eu pour objet, et n'aurait d'ailleurs pu légalement avoir pour effet, de rendre ces mêmes plafonds applicables aux décisions individuelles de tarification de l'année 2009 qui seraient intervenues avant sa propre entrée en vigueur ; que, par suite, l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté serait entaché d'une rétroactivité illégale ;

Considérant, en neuvième et dernier lieu, que l'arrêté attaqué n'a pas privé les gestionnaires d'établissements et de services d'aide par le travail de leur droit à un recours effectif contre les décisions individuelles de tarification ; que la circonstance que le caractère forfaitaire du tarif résultant de l'application de l'article 3 de l'arrêté attaqué aurait pour conséquence, en application de l'article L. 314-7-1 du code de l'action sociale et des familles, de dispenser l'autorité de tarification de toute procédure contradictoire de fixation des tarifs est, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE doit être rejetée, y compris, par conséquent, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 334303
Date de la décision : 04/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - RÉTROACTIVITÉ - ABSENCE DE RÉTROACTIVITÉ - INTERVENTION EN COURS D'ANNÉE DE L'ARRÊTÉ FIXANT LES TARIFS-PLAFONDS APPLICABLES AUX DÉCISIONS INDIVIDUELLES DES ESAT (ART - L - 314-4 DU CASF) - TARIFS APPLICABLES SEULEMENT AUX DÉCISIONS INDIVIDUELLES DE TARIFICATION ANNUELLE INTERVENUES POSTÉRIEUREMENT À SON ENTRÉE EN VIGUEUR [RJ1].

01-08-02-03 Dès lors que les décisions individuelles de tarification annuelle des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) peuvent légalement intervenir en cours d'exercice, l'arrêté fixant les tarifs-plafonds prévus par l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF) applicables à ces mêmes tarifs individuels peut lui-même intervenir en cours d'année. En revanche, il ne saurait légalement avoir pour effet de rendre les plafonds qu'il fixe applicables aux décisions individuelles de tarification de l'année en cours qui seraient intervenues antérieurement à sa propre entrée en vigueur.

AIDE SOCIALE - INSTITUTIONS SOCIALES ET MÉDICO-SOCIALES - ÉTABLISSEMENTS - QUESTIONS COMMUNES - ÉTABLISSEMENTS D'AIDE PAR LE TRAVAIL - FIXATION EN COURS D'ANNÉE DES TARIFS-PLAFONDS ANNUELS (ART - L - 314-4 DU CASF) - LÉGALITÉ - EXISTENCE - SOUS RÉSERVE QU'ILS NE S'APPLIQUENT QU'AUX DÉCISIONS INDIVIDUELLES DE TARIFICATION ANNUELLE INTERVENUES POSTÉRIEUREMENT À SON ENTRÉE EN VIGUEUR [RJ1].

04-03-01-06 Dès lors que les décisions individuelles de tarification annuelle des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) peuvent légalement intervenir en cours d'exercice, l'arrêté fixant les tarifs-plafonds prévus par l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF) applicables à ces mêmes tarifs individuels peut lui-même intervenir en cours d'année. En revanche, il ne saurait légalement avoir pour effet de rendre les plafonds qu'il fixe applicables aux décisions individuelles de tarification de l'année en cours qui seraient intervenues antérieurement à sa propre entrée en vigueur.


Références :

[RJ1]

Comp., s'agissant de la possibilité de fixer en cours d'exercice les tarifs individuels applicables à l'année en cours, CE, 1er avril 2005, Association régionale pour la sauvegarde de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte, n° 262907, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2011, n° 334303
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine Grenier
Rapporteur public ?: Mme Landais Claire

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:334303.20110204
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