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08/06/2011 | FRANCE | N°327515

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 08 juin 2011, 327515


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril 2009 et 27 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY01806 du 3 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0502913 du 14 juin 2007 du tribunal administratif de Lyon ayant annulé, à la demande de M. Pruvost, la délibération du 23 février 2005 p

ar laquelle son conseil municipal a confirmé les termes de sa délibératio...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril 2009 et 27 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY01806 du 3 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0502913 du 14 juin 2007 du tribunal administratif de Lyon ayant annulé, à la demande de M. Pruvost, la délibération du 23 février 2005 par laquelle son conseil municipal a confirmé les termes de sa délibération du 16 septembre 2002 et a approuvé rétroactivement le compromis de vente de la résidence hôtelière " La Divonne " située avenue de Lausanne et, d'autre part, au rejet de la demande présentée par M. Pruvost devant le tribunal administratif de Lyon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. Pruvost le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la COMMUNE DE DIVONNE LES BAINS,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la COMMUNE DE DIVONNE LES BAINS,

Considérant qu'à la suite de l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'acte détachable de la passation d'un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l'illégalité affectant cet acte ; que, s'il s'agit notamment d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même ; qu'elle peut ainsi, eu égard au motif d'annulation, adopter un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une délibération du 16 septembre 2002, le conseil municipal de la commune de DIVONNE-LES-BAINS a autorisé la vente à la société Isis de la résidence hôtelière " La Divonne ", propriété de la commune relevant de son domaine privé ; que cette vente est intervenue par acte notarié le 22 décembre 2003, au bénéfice de la société Ipimm, substituée à la société Isis ; que le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. Pruvost, conseiller municipal, annulé cette délibération au motif que l'avis du service des domaines auquel elle se référait ne portait pas sur l'ensemble des parcelles cédées ; que, par une seconde délibération du 23 février 2005, le conseil municipal a approuvé rétroactivement la promesse de vente à la société Isis de la résidence hôtelière " La Divonne " et confirmé les termes de la délibération du 16 septembre 2002 ; que, saisi à nouveau par M. Pruvost, le tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 14 juin 2007, annulé la délibération du 23 février 2005 ; que, par l'arrêt attaqué du 3 mars 2009, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé ce jugement ;

Considérant que, pour apprécier la légalité de la régularisation de la délibération du 16 septembre 2002 opérée par la délibération du 23 février 2005, la cour administrative d'appel s'est fondée sur les seules conséquences que le juge judiciaire pouvait être amené à tirer de l'annulation de la première délibération sur le contrat de vente ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'elle a, ce faisant, commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, compte tenu du motif sur lequel reposait l'annulation de la délibération du 16 septembre 2002 autorisant la vente de la résidence hôtelière " La Divonne ", le conseil municipal de la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS a pu valablement, par la délibération attaquée du 23 février 2005, régulariser le vice de légalité externe qui entachait la première délibération et approuver rétroactivement la promesse de vente dont elle autorisait la conclusion, dès lors que le nouvel avis du service des domaines recueilli entre temps, s'il a porté cette fois sur l'ensemble des parcelles cédées, a confirmé la précédente estimation du service mentionnée dans la délibération du 16 septembre 2002 et qu'ainsi, le consentement que la collectivité avait donné par cette délibération a été régulièrement réitéré ; que, par suite, la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du 23 février 2005 au motif que la validation rétroactive de la délibération du 16 septembre 2002 à laquelle elle avait procédé n'était justifiée par aucun motif d'intérêt général ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Pruvost devant le tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) " ; qu'en l'espèce, M. Pruvost ne conteste pas que l'ordre du jour adressé aux conseillers municipaux mentionnait l'immeuble concerné et l'objet de la délibération, relatif à l'approbation d'un compromis de vente " au bénéfice de Résid'hôtel " ; que ces mentions étaient suffisantes pour permettre aux conseillers municipaux de connaître l'objet de la délibération qu'il leur était proposé d'adopter ; que la circonstance que la convocation n'indiquait pas que ce compromis de vente était conclu avec la société Isis est sans incidence sur sa régularité, dès lors que cette société était l'exploitante de l'ensemble immobilier dénommé Résid'hôtel et mentionné dans la convocation ; que, par suite, M. Pruvost n'est pas fondé à soutenir que la délibération attaquée a été adoptée à l'issue d'une convocation irrégulière des membres du conseil municipal ;

Considérant, en deuxième lieu, que, selon le premier alinéa de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal " et qu'aux termes de l'article L. 2121-13 : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse sur chacun des points de l'ordre du jour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la note de synthèse adressée aux conseillers municipaux, après avoir rappelé les motifs de la cession de la résidence hôtelière " La Divonne ", tenant notamment à la nécessité d'effectuer des travaux de rénovation et d'étendre la capacité d'accueil, l'identité de la société à laquelle elle était consentie et les différentes évaluations justifiant le prix de cession proposé, indiquait que la commune souhaitait procéder à l'approbation rétroactive de la conclusion de cette promesse après avoir sollicité du service des domaines un nouvel avis émis le 15 février 2005 et portant sur l'ensemble des parcelles cédées ; que, contrairement à ce que soutient M. Pruvost, la note de synthèse mentionnait l'identité de la société à laquelle la promesse de vente était consentie ainsi que la nature de résidence hôtelière ou de tourisme des biens objet de la cession ; que l'ensemble des informations ainsi délivrées aux membres du conseil municipal étaient suffisantes pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'approbation rétroactive de la promesse de vente ; que, par suite, M. Pruvost n'est pas fondé à soutenir que les conseillers municipaux n'ont pas bénéficié d'une information suffisante ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, au demeurant non établie, que la cession de la résidence hôtelière " La Divonne ", intervenue le 22 décembre 2003, aurait entraîné un enrichissement sans cause de la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS, au détriment de l'Etat et de la société Touristique Thermale et Hôtelière de Divonne-les-Bains, et que cette résidence aurait été détournée de sa vocation hôtelière au profit d'une " vente à la découpe " dans le cadre du marché immobilier des résidences de tourisme, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée, dont il ne ressort pas des pièces du dossier et dont il n'est d'ailleurs pas allégué qu'elle serait contraire à l'intérêt de la commune ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la délibération du 23 février 2005 ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 mars 2009 et le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 juin 2007 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. Pruvost devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE DIVONNE-LES-BAINS et à M. A... Pruvost.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 327515
Date de la décision : 08/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - RÉTROACTIVITÉ - RÉTROACTIVITÉ LÉGALE - RÉGULARISATION DE L'ACTE DE PASSATION D'UN CONTRAT - ANNULÉ PAR LE JUGE - CONSÉQUENCES À TIRER PAR L'ADMINISTRATION DE L'ANNULATION - PAR LE JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - DE L'ACTE DE PASSATION D'UN CONTRAT - POSSIBILITÉ DE RÉGULARISATION - EXISTENCE - EN CAS DE VICE PROPRE À L'ACTE DÉTACHABLE ET AFFECTANT LES MODALITÉS SELON LESQUELLES LA PERSONNE PUBLIQUE A DONNÉ SON CONSENTEMENT [RJ1].

01-08-02-01 A la suite de l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'acte détachable de la passation d'un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l'illégalité affectant cet acte. S'il s'agit notamment d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même. La personne publique peut ainsi, eu égard au motif d'annulation, adopter un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - APPROBATION - CONSÉQUENCES À TIRER PAR L'ADMINISTRATION DE L'ANNULATION - PAR LE JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - DE L'ACTE DE PASSATION D'UN CONTRAT - POSSIBILITÉ DE RÉGULARISATION - EXISTENCE - EN CAS DE VICE PROPRE À L'ACTE DÉTACHABLE ET AFFECTANT LES MODALITÉS SELON LESQUELLES LA PERSONNE PUBLIQUE A DONNÉ SON CONSENTEMENT [RJ1].

39-02-03 A la suite de l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'acte détachable de la passation d'un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l'illégalité affectant cet acte. S'il s'agit notamment d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même. La personne publique peut ainsi, eu égard au motif d'annulation, adopter un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - EFFETS D'UNE ANNULATION - CONSÉQUENCES À TIRER PAR L'ADMINISTRATION DE L'ANNULATION - PAR LE JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - DE L'ACTE DE PASSATION D'UN CONTRAT - POSSIBILITÉ DE RÉGULARISATION - EXISTENCE - EN CAS DE VICE PROPRE À L'ACTE DÉTACHABLE ET AFFECTANT LES MODALITÉS SELON LESQUELLES LA PERSONNE PUBLIQUE A DONNÉ SON CONSENTEMENT [RJ1].

54-06-07-005 A la suite de l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'acte détachable de la passation d'un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l'illégalité affectant cet acte. S'il s'agit notamment d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même. La personne publique peut ainsi, eu égard au motif d'annulation, adopter un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 31 juillet 2009, Ville de Grenoble, n°s 296964 297318, aux Tables sur un autre point.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2011, n° 327515
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Dieu
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:327515.20110608
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