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10/06/2011 | FRANCE | N°337976

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 10 juin 2011, 337976


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars 2010 et 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hervé A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir d'une part, l'arrêté du 24 septembre 2009 par lequel le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés l'a classé au 2ème échelon du 1er grade du corps judiciaire avec effet au 31 août 2009, d'autre part, la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 eu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars 2010 et 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hervé A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir d'une part, l'arrêté du 24 septembre 2009 par lequel le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés l'a classé au 2ème échelon du 1er grade du corps judiciaire avec effet au 31 août 2009, d'autre part, la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, notamment son article 21-1 ;

Vu le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 ;

Vu le décret n° 2001-1099 du 22 novembre 2001 ;

Vu le décret n° 2001-1380 du 31 décembre 2001 ;

Vu le décret n° 2007-1112 du 18 juillet 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

Considérant qu'en vertu de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, deux concours sont ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire parmi les candidats justifiant d'une certaine durée d'activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ; qu'aux termes du onzième alinéa de cet article : (...) Les années d'activité professionnelle accomplies par les magistrats recrutés au titre du présent article sont prises en compte pour leur classement indiciaire dans leur grade et pour leur avancement (...) ; que l'article 6 du décret du 22 novembre 2001 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance cité ci-dessus prévoit que les magistrats en cause sont classés, lors de leur nomination, à un échelon déterminé en prenant en compte notamment, sur la base des durées fixées pour chaque avancement d'échelon par l'article 12 du décret du 7 janvier 1993, une fraction des années d'activité antérieure fixée, s'agissant des magistrats recrutés au second grade et ayant exercé certaines fonctions avant leur recrutement, à la moitié de leur durée pour la fraction comprise entre cinq et douze ans et aux trois quarts au-delà de douze ans ; que l'article 12 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 prévoit que le second grade comporte cinq échelons et que : Le temps passé dans chaque échelon pour accéder à l'échelon supérieur est fixé à : / 1° un an pour les deux premiers échelons du second grade ; / 2° dix-huit mois pour les 1er, 2e, 3e et 4e échelons du premier grade ; / 3° deux ans pour les 3° et 4° échelons du second grade, et le 5e échelon du premier grade (...) ; que selon l'article 13 du même décret : Les magistrats promus du second au premier grade sont classés à l'échelon comportant l'indice de rémunération immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient antérieurement. Ils conservent à cette occasion l'ancienneté acquise dans le précédent échelon, dans la limite de la durée des services nécessaires pour accéder à l'échelon immédiatement supérieur ; que l'article 15 de ce décret dispose que seuls peuvent accéder aux fonctions du premier grade les magistrats du second grade justifiant de sept années d'ancienneté dont cinq ans de services effectifs ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a exercé la profession d'avocat, a été recruté en qualité de magistrat par la voie du concours complémentaire prévu par le 1° de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et nommé par décret du 2 janvier 2004 dans le second grade de la hiérarchie judiciaire ; qu'à cette date, une partie de ses années d'activité antérieure ayant été prise en compte en application des dispositions combinées de l'article 6 du décret du 22 novembre 2001 et de l'article 12 du décret du 7 janvier 1993 cités ci-dessus, il a été reclassé au cinquième échelon du second grade ; que par un décret du 23 juin 2009 il a été nommé dans le premier grade de la hiérarchie judiciaire, en qualité de vice président du tribunal de grande instance d'Arras ; qu'il a été classé à compter de cette date, par un arrêté du garde des sceaux en date du 24 septembre 2009 dont il demande l'annulation, au deuxième échelon du premier grade ;

Considérant, en premier lieu, que le requérant fait valoir que la prise en compte de l'ancienneté conservée par lui au moment de sa nomination au second grade et de celle acquise par lui dans ce grade aurait dû conduire le ministre à le reclasser, au moment de sa promotion au premier grade, au cinquième échelon de ce grade et qu'en limitant à dix-huit mois, par l'effet combiné, comme il a été dit ci-dessus, des articles 12 et 13 du décret du 7 janvier 1993, la prise en compte de cette ancienneté, l'auteur de l'arrêté attaqué aurait fait application d'une règle méconnaissant les dispositions de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; que toutefois, contrairement à ce que soutient M. A, les auteurs du décret du 7 janvier 1993 n'étaient pas tenus, par les dispositions de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, de prévoir que la totalité de l'ancienneté acquise du fait de leur activité professionnelle antérieure à l'entrée dans la magistrature ou, ultérieurement, du fait des fonctions exercées dans le second grade, par les personnes ayant accédé à la magistrature en application de cet article, serait prise en compte au moment de leur avancement au premier grade ; que par suite M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce décret au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué ;

Considérant, en second lieu, que par un décret du 31 décembre 2001 modifiant le décret du 7 janvier 1993 mentionné ci-dessus, le nombre des échelons que comporte le second grade de la hiérarchie du corps judiciaire a été ramené, à compter du 1er janvier 2002, de dix à cinq ; que pour éviter de défavoriser dans le déroulement de leur carrière les magistrats appartenant au second grade à la date du 31 décembre 2001, par application immédiate de ces nouvelles dispositions, le même décret du 31 décembre 2001 a créé, à titre transitoire, un second grade dit provisoire comportant dix échelons, identique à celui préexistant à la réforme, et dans lequel ces magistrats ont été reclassés ; que par un décret du 18 juillet 2007, dont les dispositions ont été introduites à l'article 46-1 du décret du 7 janvier 1993, le bénéfice des dispositions transitoires mentionnées ci-dessus a été étendu aux magistrats recrutés par la voie d'intégration directe dans la magistrature prévue à l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et déclarés admissibles au plus tard le 1er juillet 2002 ; que le requérant, qui n'a pas bénéficié des dispositions de l'article 46-1, fait valoir qu'en introduisant ainsi une distinction entre les magistrats recrutés en application de l'article 21-1 selon qu'ils ont été déclarés admissibles ou non avant le 1er juillet 2002, cet article méconnaîtrait le principe d'égalité ;

Considérant toutefois que le principe d'égalité entre les membres d'un même corps ne fait pas obstacle à ce que soient traités différemment des magistrats placés dans des situations différentes ; qu'il ressort des pièces du dossier que les magistrats recrutés au titre de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et admis au bénéfice des dispositions de l'article 46-1 du décret du 7 janvier 1993 ont déposé leur candidature au vu de l'échelonnement indiciaire du second grade préexistant à la réforme introduite par le décret du 31 décembre 2001 mais ont été nommés après la date du 1er janvier 2002, à laquelle cette réforme s'est appliquée ; qu'ils se trouvent ainsi dans une situation différente de celle des magistrats recrutés postérieurement, et qui ont eu connaissance, au moment du dépôt de leur candidature, des nouvelles dispositions relatives au second grade et à son échelonnement indiciaire ; que par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 46-1 du décret du 7 janvier 1993 seraient entachées d'illégalité pour avoir rompu l'égalité entre les magistrats recrutés au titre de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 selon la date de leur recrutement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions attaquées ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Hervé A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 337976
Date de la décision : 10/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2011, n° 337976
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Mattias Guyomar
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:337976.20110610
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