La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2011 | FRANCE | N°332605

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 20 juin 2011, 332605


Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Eli A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Dakar (Sénégal) refusant un visa d'entrée et de long séjour en France pour ses deux enfants, Mlle Khady B et M. Serigne Saliou B, ainsi que pour son petit-fils, Is

maïla Jean-François D, en qualité de membres de famille d'un réfugié stat...

Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Eli A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Dakar (Sénégal) refusant un visa d'entrée et de long séjour en France pour ses deux enfants, Mlle Khady B et M. Serigne Saliou B, ainsi que pour son petit-fils, Ismaïla Jean-François D, en qualité de membres de famille d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer sa demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat de Mme A ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction en tant qu'elles concernent M. Sérigné Saliou B :

Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête, le visa sollicité pour M. Sérigne Saliou B a été délivré le 23 décembre 2009 ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision confirmant le refus de visa opposé à M. Sérigne Saliou B ainsi que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint de lui délivrer un visa, sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction en tant qu'elles concernent Mlle Khady B et M. Ismaïla Jean-François D :

Considérant que les enfants de réfugié statutaire ont droit lorsqu'ils ont moins de dix-huit ans, sous réserve de motifs d'ordre public et à condition que leur lien de filiation soit établi, à un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de venir rejoindre leur père ou leur mère réfugié en France ; qu'eu égard à l'objet de la procédure permettant leur introduction en France, dite de regroupement familial de réfugié statutaire , et en l'absence de toute disposition expresse contraire, l'âge des enfants pouvant bénéficier d'un tel regroupement familial s'apprécie à la date à laquelle cette procédure est engagée ; qu'il leur incombe toutefois de satisfaire aux obligations qui leur sont imposées par l'administration dans le cadre de cette procédure, notamment pour le dépôt des demandes de visa, dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle ces obligations leur sont notifiées ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante de Guinée-Bissau, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 30 juillet 2004 ; qu'ayant saisi les services du ministère des affaires étrangères au mois de mars 2005 en vue de la mise en oeuvre de la procédure de regroupement familial de réfugié statutaire , ses deux enfants, mineurs à cette date, et son petit-fils ont été convoqués au consulat général de France à Dakar le 14 juin 2006 et ont déposé un dossier complet de demande de visa le 16 janvier 2007 ; que, par une décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus consulaire de délivrer ces visas ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission s'est fondée sur ce que l'authenticité des liens de filiation de Mlle B avec son fils n'était pas établie et sur ce que la situation familiale de cette dernière était incertaine ; que toutefois, d'une part, l'authenticité des liens de filiation entre Mme A et Mlle B, mineure à la date d'engagement de la procédure, n'est pas contestée ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que les résultats des levées d'actes à l'aveugle réalisées par l'administration peuvent être remis en cause au vu des pièces concordantes produites par Mme A invoquant une erreur de transcription de l'année d'enregistrement à l'état civil figurant sur l'acte de naissance qui a été produit initialement aux services consulaires et qui indique l'année 2006 au lieu de 2005 ; que, dans ces conditions, la commission de recours, en estimant que la filiation n'était pas établie, a commis une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre chargé de l'immigration de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les demandes de visa présentées pour Mlle B et M. D ;

Considérant que Mme A n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 7 août 2009 ; que l'avocat de l'intéressée n'a pas demandé de mettre à la charge de l'Etat le versement, sur le fondement de 37 de la loi du 10 juillet 1991, de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête de Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête relatives au refus de visa opposé à M. Sérigné Saliou B.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme A contre la décision implicite du consul général de France à Dakar refusant un visa d'entrée en France à sa fille, Mlle B, et à son petit-fils, M. D, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les demandes de visa présentées pour Mlle B et M. D.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Eli A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 332605
Date de la décision : 20/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2011, n° 332605
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Gargoullaud
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:332605.20110620
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award