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22/06/2011 | FRANCE | N°321582

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 22 juin 2011, 321582


Vu l'ordonnance du 24 janvier 2003 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande de M. Mohand Ameziane A ;

Vu l'ordonnance du 7 octobre 2008 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis la demande de M. Mohand Ameziane A au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative ;

Vu la demande, enregistrée le 23 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif de Poitiers

, présentée pour M. Mohand Ameziane A, demeurant ... ; M. A dem...

Vu l'ordonnance du 24 janvier 2003 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au tribunal administratif de Paris, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la demande de M. Mohand Ameziane A ;

Vu l'ordonnance du 7 octobre 2008 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis la demande de M. Mohand Ameziane A au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative ;

Vu la demande, enregistrée le 23 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif de Poitiers, présentée pour M. Mohand Ameziane A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a rejeté son recours gracieux en date du 9 septembre 2002 tendant au versement du rappel d'arrérages de sa pension militaire de retraite et de sa retraite du combattant ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, le rappel des arrérages de sa pension militaire de retraite et de sa retraite du combattant, liquidés selon les règles prévues respectivement par le code des pensions civiles et militaires de retraite et par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et, d'autre part, pour l'avenir, lesdites pensions revalorisées selon les règles prévues par ces deux codes et, à tout le moins, la somme de 500 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 81-734 du 3 août 1981 portant loi de finances rectificative pour 1981 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu les décisions n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 et n° 2011-108 du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A,

-les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A,

Considérant que M. A, ressortissant algérien, officier rayé des contrôles de l'armée active le 1er mai 1963, a, par un courrier du 9 septembre 2002, demandé au secrétaire d'Etat aux anciens combattants la décristallisation complète de sa pension militaire de retraite et de sa retraite du combattant ainsi que le versement, pour les années non couvertes par la prescription, des rappels d'arrérages correspondants ; qu'une décision implicite de rejet est née le 10 novembre 2002 du silence gardé par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants sur sa demande ; que M. A demande, d'une part, l'annulation de cette décision implicite de rejet et, d'autre part, que l'Etat soit condamné à lui verser une pension militaire de retraite et une retraite du combattant revalorisées selon les règles prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite et par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ainsi que, pour les années non couvertes par la prescription, les rappels d'arrérages correspondants et, à tout le moins, la somme de 500 000 euros ;

Sur la demande relative à la pension militaire de retraite :

Sur la demande de revalorisation du montant de la pension militaire de retraite :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ministre chargé du budget a procédé à la révision de la pension militaire de retraite de M. A et aux rappels d'arrérages correspondants à compter du 4 septembre 2000 ; que M. A a ainsi bénéficié, pour sa pension militaire de retraite, du rétablissement du taux de droit commun, conformément à sa demande ; que, par suite, ses conclusions tendant à la revalorisation du montant de sa pension militaire de retraite sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;

Sur de la demande de rappels d'arrérages correspondants à cette pension revalorisée :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions applicables en matière de rappel d'arrérages de pensions civiles ou militaires de retraite sont celles de la législation dont relève la pension, déterminée en fonction de la date d'ouverture des droits du pensionné, dans leur rédaction en vigueur à la date de la demande de pension ou de révision ; qu'eu égard à la date d'ouverture des droits à pension de M. A et à celle de sa demande de révision de sa pension, les dispositions de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, dans leur rédaction résultant de la loi du 31 juillet 1962, lui sont applicables ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, dans sa rédaction résultant de la loi du 31 juillet 1962 : Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de liquidation ou de révision ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu, en aucun cas, au rappel de plus de deux années d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension ; que, pour l'application de ces dispositions, les demandes tendant à la revalorisation des arrérages d'une pension cristallisée s'analysent comme des demandes de liquidation de pension ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A a demandé pour la première fois, le 9 septembre 2002, la revalorisation de sa pension militaire de retraite ; qu'il n'établit pas qu'il aurait été empêché, par un événement qui ne lui serait pas imputable, de déposer cette demande antérieurement ; que, par suite, la date à partir de laquelle il avait droit aux compléments d'arrérages de sa pension militaire de retraite est celle du 9 septembre 2000 : qu'ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que la mesure de revalorisation de la pension de M. A, à laquelle a procédé le ministre chargé du budget, a pris effet le 4 septembre 2000 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A, qui n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, dans leur rédaction résultant de la loi du 31 juillet 1962, ne lui sont pas applicables, n'est pas davantage fondé à critiquer les modalités selon lesquelles a été calculé le rappel d'arrérages de sa pension militaire de retraite ;

Sur la demande relative à la retraite du combattant :

Sur la période postérieure au 10 septembre 2002 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-108 QPC en date du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;

Considérant que lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions précitées, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ;

Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981 et de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception du paragraphe VII ; qu'il a jugé : afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision ;

Considérant que, à la suite de cette décision, l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France et abrogé plusieurs dispositions législatives ; que, par ailleurs, son paragraphe VI prévoit que le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances ; qu'enfin, aux termes du XI du même article : le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 ; qu'il y a donc lieu d'écarter les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981 et de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 pour statuer sur la demande de M. A de revalorisation du montant de sa retraite du combattant ; que les règles prévues par l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 sont applicables pour le calcul de cette retraite revalorisée ; que, dès lors, la décision implicite du secrétaire d'Etat aux anciens combattants doit être annulée en tant qu'elle refuse à M. A la revalorisation de sa retraite du combattant à compter du 10 septembre 2002 dans les conditions énoncées ci-dessus ;

Sur la période antérieure au 10 septembre 2002 :

Considérant que, dans l'exercice du contrôle de conformité des lois à la Constitution qui lui incombe selon la procédure définie à l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a le pouvoir d'abroger les dispositions législatives contraires à la Constitution ; que les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe le contrôle de la compatibilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, s'il n'a pas fait droit à l'ensemble des conclusions du requérant en tirant les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative prononcée par le Conseil constitutionnel, d'examiner, dans l'hypothèse où un moyen en ce sens est soulevé devant lui, s'il doit, pour statuer sur les conclusions qu'il n'a pas déjà accueillies, écarter la disposition législative en cause du fait de son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou, le cas échéant, une règle du droit de l'Union européenne dont la méconnaissance n'aurait pas été préalablement sanctionnée ;

Considérant qu'à cette fin, lorsqu'est en litige une décision refusant au requérant l'attribution d'un droit auquel il prétend et qu'est invoquée l'incompatibilité de la disposition sur le fondement de laquelle le refus lui a été opposé avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, il incombe au juge, en premier lieu, d'examiner si le requérant peut être regardé comme se prévalant d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel et, en second lieu, quand tel est le cas, si la disposition législative critiquée doit être écartée comme portant atteinte à ce bien de façon discriminatoire et, par suite, comme étant incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 255 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Il est institué pour tout titulaire de la carte du combattant (...) une retraite cumulable, sans aucune restriction, avec la retraite qu'il aura pu s'assurer par ses versements personnels (...). / Cette retraite annuelle, qui n'est pas réversible, est accordée en témoignage de la reconnaissance nationale ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 portant loi de finances rectificative pour 1981 : Les pensions, rentes ou allocations viagères attribuées aux ressortissants de l'Algérie sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat et garanties en application de l'article 15 de la déclaration de principe du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie ne sont pas révisables à compter du 3 juillet 1962 et continuent à être payées sur la base des tarifs en vigueur à cette même date./ Elles pourront faire l'objet de revalorisations dans des conditions et suivant des taux fixés par décret./ (...) La retraite du combattant pourra être accordée, au tarif tel qu'il est défini ci-dessus, aux anciens combattants qui remplissent les conditions requises postérieurement à la date d'effet de cet article./ (...) ; qu'aux termes de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 : I. - Les prestations servies en application des articles (...) 26 de la loi de finances pour 1981 (n° 81-734 du 3 août 1981) (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants./ II. - Lorsque, lors de la liquidation initiale des droits directs ou à réversion, le titulaire n'a pas sa résidence effective en France, la valeur du point de base de sa prestation, telle qu'elle serait servie en France, est affectée d'un coefficient proportionnel au rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence et des parités de pouvoir d'achat de la France. Les parités de pouvoir d'achat du pays de résidence sont réputées être au plus égales à celles de la France. (...) III. Le coefficient dont la valeur du point de pension est affectée reste constant jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu la liquidation des droits effectuée en application de la présente loi. Ce coefficient, correspondant au pays de résidence du titulaire lors de la liquidation initiale des droits, est ensuite réévalué annuellement. / (...) / IV. Sous les réserves mentionnées au deuxième alinéa du présent IV (...), les dispositions des II et III sont applicables à compter du 1er janvier 1999. / Ce dispositif spécifique s'applique sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 ;

Considérant, en premier lieu, que si le IV de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 prévoit une application rétroactive des dispositions du II et du III de cet article, les modalités d'application de ces dispositions résultent du décret du 3 novembre 2003 lequel est entré en vigueur le 5 novembre 2003 ; qu'ainsi que le ministre de la défense l'indique dans son mémoire en défense, les dispositions du II et du III de l'article 68 ne peuvent de manière rétroactive interdire au requérant d'invoquer l'incompatibilité entre les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 portant loi de finances rectificative pour 1981 et les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lorsqu'ils ont engagé une action contentieuse avant le 5 novembre 2003 ; qu'il résulte de l'instruction que M. A a invoqué le moyen tiré de cette incompatibilité dans sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 30 janvier 2003 ; que, par suite, les dispositions du II et du III de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 doivent être écartées ;

Considérant, en second lieu, que M. A soutient, ainsi qu'il a été dit, que les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 portant loi de finances rectificative pour 1981 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à cette convention, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité en ne permettant pas la révision des retraites du combattant attribuées aux ressortissants de l'Algérie quand les anciens combattants français peuvent obtenir la revalorisation de leur retraite ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (...) ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ;

Considérant, d'une part, que M. A, qui remplit les conditions pour bénéficier d'une retraite du combattant, qui doit être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, peut se prévaloir d'un droit patrimonial et demander au juge d'écarter l'application des dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 portant loi de finances rectificative pour 1981 en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ;

Considérant, d'autre part, qu'une distinction entre les personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; qu'il ressort des termes mêmes de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 que les pensions perçues par les ressortissants algériens ne sont pas revalorisables dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que, dès lors, et quelle qu'ait pu être l'intention initiale du législateur manifestée dans les travaux préparatoires de ces dispositions, cet article crée une différence de traitement entre les retraités en fonction de leur seule nationalité ; que la différence de situation existant entre d'anciens combattants, selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet de la retraite du combattant, une différence de traitement ; que si les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 avaient notamment pour objectif de tirer les conséquences de l'indépendance de l'Algérie et de l'évolution désormais distincte de son économie et de celle de la France, qui privait de justification la revalorisation des retraites du combattant en fonction de l'évolution de l'économie française, la différence de traitement qu'elles créent, en raison de leur seule nationalité, entre les titulaires de la retraite du combattant, ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec cet objectif ; que, ces dispositions étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elles ne pouvaient justifier le refus opposé par le secrétaire d'Etat aux anciens combattants à la demande présentée par M. A en vue de la revalorisation de sa retraite du combattant ; que, dès lors, le montant de la retraite de combattant de M. A doit être revalorisé, pour la période antérieure au 10 septembre 2002, en application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Sur la prescription quadriennale opposée par le ministre de la défense :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ;

Considérant, en premier lieu, que M. Attanasio, adjoint du sous-directeur du contentieux à la direction des affaires juridiques du ministère de la défense, a reçu régulièrement délégation aux fins de signer le mémoire en défense opposant l'exception de prescription quadriennale à la créance dont se prévaut M. A en vertu des dispositions combinées du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement et de la décision du 5 octobre 2006, publiée au Journal Officiel du 13 octobre suivant, portant délégation de signature au sein de la direction des affaires juridiques sur laquelle le ministre a autorité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Attanasio n'était pas habilité à opposer à M. A, dans le mémoire en défense du 23 novembre 2006, la prescription prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1998 doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la prescription de la créance correspondant à la revalorisation de la retraite du combattant est acquise au 1er janvier de la quatrième année qui suit chacune de celles au titre desquelles la somme correspondante aurait dû être versée à son bénéficiaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a sollicité la revalorisation de sa retraite du combattant seulement par lettre du 9 septembre 2002 ; qu'il n'établit pas qu'il peut légitimement être regardé comme ayant ignoré l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 ; que, par suite, le ministre de la défense est fondé à opposer l'exception de prescription quadriennale aux créances correspondant à la revalorisation de la retraite du combattant de M. A pour la période antérieure au 1er janvier 1998 ; qu'il y a donc seulement lieu de condamner l'Etat, pour la période postérieure à cette date, à verser à M. A les arrérages de sa retraite du combattant ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 500 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. OUAKOUR tendant à la revalorisation du montant de sa pension militaire de retraite.

Article 2 : M. A est renvoyé devant le ministre de la défense pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa retraite du combattant revalorisée sur les bases définies dans les motifs de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Mohand Ameziane A, au ministre de la défense et des anciens combattants et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 321582
Date de la décision : 22/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2011, n° 321582
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:321582.20110622
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