La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2011 | FRANCE | N°318466

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28 juillet 2011, 318466


Vu le pourvoi, enregistré le 16 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11/708 du 19 mai 2008 par lequel la cour régionale des pensions de Douai a confirmé le jugement n° 06/00005 du 22 mai 2007 par lequel le tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais a, d'une part, annulé la décision du 17 octobre 2005 du ministre de la défense rejetant la demande de pension militaire d'invalidité de M. Paul A et lui a, d'autre part, octroyé une pensi

on au taux de 100 % à compter du 6 décembre 2004 ;

2°) réglant l'aff...

Vu le pourvoi, enregistré le 16 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11/708 du 19 mai 2008 par lequel la cour régionale des pensions de Douai a confirmé le jugement n° 06/00005 du 22 mai 2007 par lequel le tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais a, d'une part, annulé la décision du 17 octobre 2005 du ministre de la défense rejetant la demande de pension militaire d'invalidité de M. Paul A et lui a, d'autre part, octroyé une pension au taux de 100 % à compter du 6 décembre 2004 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 17 octobre 2005, le MINISTRE DE LA DEFENSE a rejeté la demande du 6 décembre 2004 par laquelle M. A, ancien caporal-chef de l'armée de terre, avait sollicité l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour les conséquences de la sclérose en plaques dont il est atteint et dont il attribuait l'origine à l'injection de trois doses de vaccin contre l'hépatite B effectuée, à raison du service, par le service de santé des armées le 31 août 1992 ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mai 2008 par lequel la cour régionale des pensions de Douai a rejeté son recours dirigé contre le jugement du tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais en date du 22 mai 2007 faisant droit à la demande de M. A dirigée contre le refus qui lui avait été opposé par le ministre ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que la cour, après avoir relevé, par adoption des motifs du jugement du tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais, que M. A a présenté les symptômes de la maladie de la sclérose en plaques en 1995, soit deux ans et demi environ après la vaccination intervenue le 31 août 1992, a estimé que l'imputabilité au service était établie et a confirmé l'annulation de la décision du ministre de la défense ; que, toutefois, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que ce long délai ne faisait pas obstacle à la reconnaissance de l'imputabilité ; que, par suite, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et de statuer sur le recours du ministre contre le jugement du tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais en date du 22 mai 2007 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; qu'aux termes de l'article L. 3 du même code : Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit d'une blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le trentième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la sclérose en plaques, diagnostiquée en 1995, dont souffre M. A et qui est à l'origine de l'infirmité au titre de laquelle il demande une pension militaire d'invalidité, ait été constatée ou contractée, dans les conditions de délai prévues par les dispositions précitées, pendant la seconde guerre mondiale, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, ni pendant la durée légale de son service militaire ; que par suite, l'intéressé ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité qu'elle prévoient ;

Considérant, en second lieu, que, lorsque, comme en l'espèce, la présomption légale d'imputabilité n'est pas applicable, le demandeur d'une pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation de causalité certaine et directe entre l'origine ou l'aggravation de l'infirmité qu'il invoque et un ou des faits précis ou circonstances particulières de service ; qu'en vertu de l'article L. 25 du même code, la décision juridictionnelle lui attribuant une pension doit alors faire ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical établissant que l'infirmité provient d'une blessure reçue, d'un accident subi ou d'une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service ; que cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service ni d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité, même forte ; que, dans les circonstances de l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du livret médical de l'intéressé, que M. A, qui avait été vacciné le 31 août 1992 contre l'hépatite B à l'initiative du service de santé des armées, n'a présenté les premiers symptômes de la sclérose en plaques, à l'origine de l'infirmité au titre de laquelle il demande une pension militaire d'invalidité, qu'au plus tôt dans le courant du second semestre 1995 ; que, compte tenu du délai ainsi écoulé entre la vaccination reçue par l'intéressé et l'apparition des premiers symptômes de la maladie, la preuve de l'existence d'une relation de causalité directe et certaine entre cette vaccination et la maladie dont souffre M. A ne peut être considérée comme apportée ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais a fait droit à la demande de M. A tendant à ce qu'une pension militaire d'invalidité lui soit allouée à raison de la sclérose en plaques dont il est atteint ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Douai du 19 mai 2008 et le jugement du tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais du 22 mai 2007 sont annulés.

Article 2 : La demande de M. A devant le tribunal départemental des pensions du Pas-de-Calais et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS et à M. Paul A.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 318466
Date de la décision : 28/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2011, n° 318466
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:318466.20110728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award