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10/10/2011 | FRANCE | N°329623

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 10 octobre 2011, 329623


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 6 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE RAMATUELLE, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA00846 du 7 mai 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant partiellement droit à la requête de la SARL Les Tamarines, a annulé le jugement n° 0300277 du 11 janvier 2007 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il avait rejeté les conclusions de cette société ten

dant à sa condamnation à lui verser la somme de 186 060 euros et a pron...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 6 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE RAMATUELLE, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA00846 du 7 mai 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant partiellement droit à la requête de la SARL Les Tamarines, a annulé le jugement n° 0300277 du 11 janvier 2007 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il avait rejeté les conclusions de cette société tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 186 060 euros et a prononcé cette condamnation, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2002 avec capitalisation à compter du 27 octobre 2005 ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Les Tamarines le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 94-112 du 9 février 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Franck Le Morvan, chargé des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la COMMUNE DE RAMATUELLE et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SARL Les Tamarines ;

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de la COMMUNE DE RAMATUELLE et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SARL Les Tamarines ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-5 du code de l'urbanisme devenu l'article L. 121-8 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma directeur, d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma directeur, le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 9 février 1994 dont elles sont issues, que la déclaration d'illégalité par le juge administratif d'un schéma directeur, d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet, au même titre qu'une annulation contentieuse, de remettre en vigueur le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur et, à défaut, les dispositions du code de l'urbanisme auxquelles s'était substitué le document déclaré illégal ; que ces dispositions dérogent ainsi, dans les limites qu'elles fixent, au principe de l'autorité relative de la déclaration d'illégalité d'un acte administratif prononcée par le juge administratif ;

Considérant, il est vrai, que les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, introduites par la même loi du 9 février 1994, prévoient que l'illégalité pour vice de procédure ou de forme d'un plan d'occupation des sols ou d'un document en tenant lieu ne peut, sauf exceptions limitativement énumérées au même article, être invoquée par la voie d'exception après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause ; que, toutefois, si le maire est ainsi tenu, lorsqu'il statue sur une demande d'autorisation après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document d'urbanisme, de se fonder sur ce document dès lors que sa légalité ne serait affectée que par des vices de procédure ou de forme, au sens de ces dispositions, il n'en va pas de même, en vertu des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 125-5 du même code, lorsque est intervenue une décision juridictionnelle déclarant ce document illégal, pour quelque motif que ce soit ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un jugement du 18 décembre 1997, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a déclaré illégal, par la voie de l'exception, le plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE RAMATUELLE approuvé par délibération du 10 juillet 1987 ; qu'en vertu des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 125-5 du code de l'urbanisme alors applicable, et alors même que l'illégalité dont était entaché le plan d'occupation des sols revêtait le caractère d'un vice de procédure, au sens des dispositions de l'article L. 600-1 du même code, ce jugement a eu pour effet, à la date de sa lecture, de rendre applicable à cette commune, en l'absence de plan d'occupation des sols antérieur à celui qui était déclaré illégal, les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme ; que, dès lors, en jugeant que la décision de refus de permis de construire prise le 22 avril 1999 par le maire de Ramatuelle aurait légalement dû se fonder sur les dispositions du plan d'occupation des sols déclaré illégal, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que la COMMUNE DE RAMATUELLE est, par suite, fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que la SARL Les Tamarines demande, par la voie de l'appel principal, que la condamnation de la commune, prononcée par le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 janvier 2007 en réparation du préjudice né de l'illégalité du refus de permis de construire du 22 avril 1999, soit portée à 186 000 euros ; que, par la voie d'un appel incident contre le même jugement, la commune demande à être déchargée de toute condamnation ;

Considérant qu'il résulte de ce qu'il a été dit ci-dessus que la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour déclarer fautif ce refus de permis de construire, le tribunal administratif de Nice a retenu que le maire avait, pour y statuer, illégalement écarté les dispositions du plan d'occupation des sols et fait application des dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen par lequel était contestée, devant le tribunal, la légalité du refus de permis de construire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date du refus litigieux : " En l'absence de plan d'occupation des sols opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes ; / 2° Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes. / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune le justifie (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'édifice projeté, à usage d'habitation, devait être implanté dans une zone dépourvue de constructions, à l'exception de quelques installations légères ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance, au demeurant non établie, que ce terrain aurait été desservi par la voirie et les réseaux publics d'eau et d'assainissement, il ne pouvait être regardé comme situé, à la date de la décision en litige, dans une partie déjà urbanisée de Ramatuelle ; que la SARL Les Tamarines n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le refus de permis de construire qui lui a été opposé était entaché d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par son jugement du 11 janvier 2007, le tribunal administratif de Nice a déclaré illégal et fautif le refus de permis de construire du 22 avril 1999 du maire de Ramatuelle et a condamné, sur ce fondement, la COMMUNE DE RAMATUELLE à verser à la SARL Les Tamarines une indemnité de 4 780,15 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la SARL Les Tamarines, présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la COMMUNE DE RAMATUELLE au titre de ces dispositions, tant devant les juges du fond qu'en cassation, et de mettre à la charge de la SARL Les Tamarines une somme de 6 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 7 mai 2009 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 janvier 2007 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Les Tamarines devant le tribunal administratif de Nice et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SARL Les Tamarines versera à la COMMUNE DE RAMATUELLE une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE RAMATUELLE et à la SARL Les Tamarines.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329623
Date de la décision : 10/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS ET PLANS LOCAUX D'URBANISME - APPLICATION DES RÈGLES FIXÉES PAR LES POS OU LES PLU - APPLICATION DE L'ARTICLE L - 600-1 DU CODE DE L'URBANISME - OPPOSABILITÉ DES DOCUMENTS ILLÉGAUX ENTRÉS EN VIGUEUR DEPUIS PLUS DE SIX MOIS - EXCEPTION - INTERVENTION D'UNE DÉCISION JURIDICTIONNELLE DÉCLARANT CE DOCUMENT ILLÉGAL - POUR QUELQUE MOTIF QUE CE SOIT (ART - L - 125-5 DU CODE DE L'URBANISME)[RJ1].

68-01-01-02 Si les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, introduites par la loi n° 94-112 du 9 février 1994, prévoient que l'illégalité pour vice de procédure ou de forme d'un plan d'occupation des sols ou d'un document en tenant lieu ne peut, sauf exceptions limitativement énumérées au même article, être invoquée par la voie d'exception après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause et si le maire est ainsi tenu, lorsqu'il statue sur une demande d'autorisation après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document d'urbanisme, de se fonder sur ce document dès lors que sa légalité ne serait affectée que par des vices de procédure ou de forme, au sens de ces dispositions, il n'en va pas de même, en vertu des dispositions de l'article L. 125-5 du même code, lorsque est intervenue une décision juridictionnelle déclarant ce document illégal, pour quelque motif que ce soit.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - EFFETS DES ANNULATIONS - APPLICATION DE L'ARTICLE L - 600-1 DU CODE DE L'URBANISME - OPPOSABILITÉ DES DOCUMENTS ILLÉGAUX ENTRÉS EN VIGUEUR DEPUIS PLUS DE SIX MOIS - EXCEPTION - INTERVENTION D'UNE DÉCISION JURIDICTIONNELLE DÉCLARANT CE DOCUMENT ILLÉGAL - POUR QUELQUE MOTIF QUE CE SOIT (ART - L - 125-5 DU CODE DE L'URBANISME) [RJ1].

68-06-05 Si les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, introduites par la même loi n° 94-112 du 9 février 1994, prévoient que l'illégalité pour vice de procédure ou de forme d'un plan d'occupation des sols ou d'un document en tenant lieu ne peut, sauf exceptions limitativement énumérées au même article, être invoquée par la voie d'exception après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause et si le maire est ainsi tenu, lorsqu'il statue sur une demande d'autorisation après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document d'urbanisme, de se fonder sur ce document dès lors que sa légalité ne serait affectée que par des vices de procédure ou de forme, au sens de ces dispositions, il n'en va pas de même, en vertu des dispositions de l'article L. 125-5 du même code, lorsque est intervenue une décision juridictionnelle déclarant ce document illégal, pour quelque motif que ce soit.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 26 août 2009, Palmade, n°3069005, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2011, n° 329623
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Franck Le Morvan
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:329623.20111010
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