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21/10/2011 | FRANCE | N°326408

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 21 octobre 2011, 326408


Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la BANQUE DELUBAC et CIE, dont le siège est 16, place Saléon Terras au Cheylard (07160) ; la BANQUE DELUBAC et CIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la Commission bancaire en date du 15 décembre 2008 lui enjoignant, d'une part, de présenter une situation conforme au regard des exigences qui lui sont applicables en matière de ratio de solvabilité et de contrôle des grands risques et ce au plus tard au 31 mars 2009 et, d'aut

re part, d'adresser à ses services pour le 30 avril 2009 un calcul d...

Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la BANQUE DELUBAC et CIE, dont le siège est 16, place Saléon Terras au Cheylard (07160) ; la BANQUE DELUBAC et CIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la Commission bancaire en date du 15 décembre 2008 lui enjoignant, d'une part, de présenter une situation conforme au regard des exigences qui lui sont applicables en matière de ratio de solvabilité et de contrôle des grands risques et ce au plus tard au 31 mars 2009 et, d'autre part, d'adresser à ses services pour le 30 avril 2009 un calcul du ratio de solvabilité au 31 mars 2009 ;

2°) de mettre à la charge de la Commission bancaire le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;

Vu le règlement n° 90-02 du 23 février 1990 relatif aux fonds propres des établissements de crédit, le règlement n° 91-05 du 15 février 1991 relatif au ratio de solvabilité et l'arrêté du 20 février 2007 relatif aux exigences de fonds propres applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Josse, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boullez, avocat de la BANQUE DELUBAC et CIE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Commission bancaire,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boullez, avocat de la BANQUE DELUBAC et CIE et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Commission bancaire ;

Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier, alors en vigueur : La Commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés. / Elle examine les conditions de leur exploitation et veille à la qualité de leur situation financière ; qu'en vertu des deux premiers alinéas de l'article L. 511-41 du même code, les établissements de crédit sont tenus de respecter des normes de gestion destinées à garantir leur liquidité et leur solvabilité à l'égard des déposants et, plus généralement, des tiers, ainsi que l'équilibre de leur structure financière et doivent, en particulier, respecter des ratios de couverture et de division de risques ;

Considérant que, par une délibération du 15 décembre 2008 notifiée le 23 janvier 2009, la Commission bancaire a demandé à la BANQUE DELUBAC et CIE de déduire, pour le calcul de ses fonds propres dans le cadre de l'application de la réglementation prudentielle, les concours consentis par elle à ses deux associés gérants et à l'un de ses associés commanditaires, la SCI Haussmann Vivarais, et lui a imparti un délai courant jusqu'au 31 mars 2009 pour présenter une situation conforme aux exigences s'appliquant à elle en matière de ratio de solvabilité et de contrôle des grands risques ; que la BANQUE DELUBAC et CIE demande l'annulation de cette délibération ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission bancaire ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aucun texte ni aucun principe ne faisait obligation qu'il soit mentionné, dans la lettre du 23 janvier 2009 par laquelle le secrétaire général de la Commission bancaire a porté à la connaissance de la BANQUE DELUBAC et CIE la décision prise par la Commission dans sa séance du 15 décembre 2008, le nom des membres de la Commission présents ou représentés lors de cette séance ; qu'il ressort, au surplus, des pièces du dossier que l'ensemble des membres de la Commission étaient présents ou représentés lors de cette réunion ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, faute de mention dans la lettre du 23 janvier 2009, la Commission bancaire ne pourrait être regardée comme ayant été régulièrement composée ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne les moyens tirés de l'existence d'erreurs de droit :

Considérant que, pour estimer que la BANQUE DELUBAC et CIE devait déduire, pour le calcul de ses fonds propres prudentiels, les concours consentis à ses associés gérants et à l'un de ses associés commanditaires, la Commission s'est fondée sur le règlement du comité de la réglementation bancaire et financière n° 90-02 du 23 février 1990 relatif aux fonds propres, pris sur le fondement de l'article 51 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ultérieurement codifié à l'article L. 511-41 du code monétaire et financier, dont l'article 6 ter prévoit, en son premier alinéa, que sont déduits des fonds propres les éléments d'actif et les engagements hors bilan consentis par un établissement assujetti à ses dirigeants et actionnaires principaux ; que le même article 6 ter dispose toutefois, en son paragraphe IV, que : Ne sont pas visés par le présent article : / a) Les opérations conclues avec les dirigeants ou actionnaires principaux qui bénéficient d'une cote plus favorable que 4 sur l'échelle de cotation de la Banque de France ou dont les titres et les dettes bancaires bénéficient d'une notation au moins égale à celle mentionnée à l'annexe I du présent règlement (...) ; que l'annexe I, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée, établit une liste d'organismes externes d'évaluation de crédit et fixe, pour chacun d'eux, les notations minimales susceptibles de permettre la comptabilisation au sein des fonds propres d'opérations conclues avec les dirigeants ou actionnaires principaux ; que cette liste ne comprend pas la COFACE ;

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition de la directive 2006/48/CE du 14 juin 2006 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et notamment pas son considérant 39 invoqué par la société requérante, n'oblige les Etats membres à reconnaître les évaluations de crédit établies par les organismes de crédit à l'exportation pour apprécier les éléments d'actifs non comptabilisés dans les fonds propres d'un établissement ; qu'ainsi le moyen tiré d'une méconnaissance de cette directive par le règlement du 23 février 1990 relatif aux fonds propres ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aucune disposition du règlement du 23 février 1990 n'obligeait la Commission bancaire à prendre en considération la notation donnée par la COFACE à la SCI Haussmann Vivarais, alors même que la note attribuée correspondrait, selon la table de correspondance établie par la Commission avec la cotation de la Banque de France, à une cote plus favorable que 4 ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission bancaire aurait entaché sa décision d'erreur de droit ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'existence d'une double erreur de fait :

Considérant que la société requérante fait valoir que la décision attaquée fait référence à un engagement pris auprès du Comité de contrôle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, en cas d'introduction en bourse, de maintenir un ratio de solvabilité au moins égal à 9,3 %, alors que, d'une part, par lettre du 7 juillet 2008 de son premier gérant au même Comité, le pourcentage de 9,6 % avait été mentionné et, d'autre part, cet engagement n'avait de pertinence que dans le cadre de cette introduction en bourse, qui ne s'est pas réalisée ; que, toutefois, la Commission bancaire s'est fondée sur le risque que les déductions qu'elle demandait fassent passer le ratio de solvabilité de la banque en-dessous du minimum réglementaire de 8 % et n'a mentionné qu'à titre surabondant le risque d'un non-respect de l'engagement pris par la société requérante auprès du Comité de contrôle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ; que, par suite, les inexactitudes relevées par la BANQUE DELUBAC et CIE sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation :

Considérant que si la sentence arbitrale en date du 2 décembre 2008 évoquée par la BANQUE DELUBAC et CIE est susceptible d'avoir une incidence sur le niveau de ses fonds propres, elle est dépourvue de lien avec les déductions à opérer pour le calcul de ceux-ci en application du règlement n° 90-02 du 23 février 1990 précité, qui constituent l'objet de la décision attaquée ; que cette sentence, qui au surplus n'était pas devenue définitive à la date de la décision litigieuse, serait ainsi seulement de nature, si elle se traduisait par l'encaissement effectif par la BANQUE DELUBAC et CIE de la somme que la Caisse fédérale du Crédit mutuel du Nord Europe est condamnée à payer à son profit, à favoriser le respect par la société requérante de ses obligations prudentielles, quelle que soit la manière dont elles sont par ailleurs calculées ; qu'il s'ensuit qu'en ne prenant pas en considération cette sentence, la Commission bancaire n'a commis aucune erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Autorité de contrôle prudentiel venant aux droits de la Commission bancaire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la BANQUE DELUBAC et CIE de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la Commission bancaire ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la BANQUE DELUBAC et CIE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Commission bancaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la BANQUE DELUBAC et CIE et à l'Autorité de contrôle prudentiel.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326408
Date de la décision : 21/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2011, n° 326408
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Josse
Avocat(s) : SCP BOULLEZ ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:326408.20111021
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