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01/02/2012 | FRANCE | N°351795

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 01 février 2012, 351795


1) Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION CENTRE, représentée par le président du conseil régional ; la REGION CENTRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01154 du 14 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité sur l'article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabi

lités locales et, d'autre part, rejeté sa requête tendant, en premier li...

1) Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGION CENTRE, représentée par le président du conseil régional ; la REGION CENTRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01154 du 14 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité sur l'article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et, d'autre part, rejeté sa requête tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement n° 0800859 du 11 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 505 900 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite du transfert par l'Etat de l'aérodrome de Châteauroux-Déols et, en second lieu, à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme augmentée des intérêts capitalisés ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2) Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2011, présenté pour la REGION CENTRE, représentée par le président du conseil régional, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la REGION CENTRE demande, à l'appui du pourvoi visé ci-dessus, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la REGION CENTRE,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la REGION CENTRE ;

Considérant que, par un arrêt du 14 juin 2011, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et, d'autre part, rejeté la requête d'appel de la REGION CENTRE ; que la REGION CENTRE conteste cet arrêt par un pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'Etat le 10 août 2011 ; qu'en outre, par un mémoire intitulé " question prioritaire de constitutionnalité ", enregistré le 10 novembre 2011, elle demande au Conseil d'Etat de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 ;

Sur le mémoire intitulé " question prioritaire de constitutionnalité " :

Considérant qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une cour administrative d'appel a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus, à l'occasion du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt qui statue sur le litige, dans le délai de recours contentieux et par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission précédemment opposé l'ait été par une décision distincte de l'arrêt, dont il joint alors une copie, ou directement par cet arrêt ; que les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à celui qui a déjà présenté une question prioritaire de constitutionnalité devant une juridiction statuant en dernier ressort de s'affranchir des conditions, définies par les dispositions citées plus haut de la loi organique et du code de justice administrative, selon lesquelles le refus de transmission peut être contesté devant le juge de cassation ;

Considérant, en premier lieu, que si, pour demander au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la REGION CENTRE soutient que ces dispositions sont inconstitutionnelles en ce que, conformément à l'interprétation qu'en a donnée le Conseil d'Etat, la date du 1er mars 2007 qu'elles prévoient a un caractère indicatif et qu'elles méconnaissent la libre administration des collectivités territoriales garantie par l'article 72 de la Constitution, il ne peut être fait droit à sa demande en tant qu'elle est fondée sur ces deux moyens, dès lors que la question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée porte sur la même question que celle qui a été soumise, par les mêmes moyens, à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

Considérant, en second lieu, que la REGION CENTRE soutient que les dispositions de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales sont contraires à l'autonomie financière des collectivités territoriales et au principe de compensation financière des charges résultant des transferts de compétences garantis par l'article 72-2 de la Constitution ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que celui-ci est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004, a examiné l'article 28 de la loi du 13 août 2004 et l'a déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision ; que si la REGION CENTRE se prévaut d'un arrêt du 19 novembre 2008 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, une telle décision, qui juge que la date du 1er mars 2007 prévue par les dispositions de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 pour l'achèvement des transferts d'aérodromes civils de l'Etat aux collectivités territoriales a un caractère indicatif et qui ne comporte aucune interprétation de ces dispositions au regard du principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, ne saurait être regardée comme un changement de circonstances au sens des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 28 de la loi du 13 août 2004 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur le pourvoi en cassation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;

Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la REGION CENTRE soutient que la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que sa demande de transmission au Conseil d'Etat de la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n'avait pas été présentée dans un mémoire distinct et motivé ; que la cour a commis une erreur de droit et a insuffisamment motivé sa décision en jugeant que la date du 1er mars 2007 figurant au premier alinéa du I de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 n'avait qu'une valeur indicative et ne faisait pas obstacle à ce que le ministre chargé de l'aviation civile décide le transfert d'un aérodrome civil à une date postérieure ; que la cour a dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'elle n'avait pas, dans sa lettre adressée au préfet de l'Indre le 26 juillet 2007, fait de l'augmentation du montant de la subvention de l'Etat une condition du maintien de sa candidature au transfert de l'aérodrome de Châteauroux-Déols ; que la cour a dénaturé les faits en jugeant que l'absence d'acquisition par l'Etat des aires de stationnement d'aéronefs n° 1 et 2 et des trois hangars construits par le syndicat mixte précédemment chargé de l'exploitation de l'aérodrome dans le cadre d'une autorisation d'occupation précaire n'était pas constitutive d'une faute de l'Etat dans la gestion de cette autorisation ; que la cour a méconnu le principe constitutionnel de compensation financière des charges résultant des transferts de compétences en jugeant que l'Etat n'avait pas commis de faute en lui transférant l'aérodrome de Châteauroux-Déols sans prévoir une subvention permettant de couvrir les coûts qu'elle a dû engager pour acheter les biens affectés à l'exploitation de l'aérodrome dont la propriété ne lui a pas été transférée par l'Etat ;

Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Article 2 : Le pourvoi de la REGION CENTRE n'est pas admis.

Article 3: La présente décision sera notifiée à la REGION CENTRE.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351795
Date de la décision : 01/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-10-02 PROCÉDURE. - QUESTION POSÉE DEVANT UNE JURIDICTION QUI A REFUSÉ SA TRANSMISSION AU CONSEIL D'ETAT - QUESTION SOULEVÉE À NOUVEAU DEVANT LE JUGE SAISI DU RECOURS CONTRE LA DÉCISION DE REFUS DE TRANSMISSION - RECEVABILITÉ, DÈS LORS QUE SONT SOULEVÉS DES MOYENS NOUVEAUX [RJ1].

54-10-02 Si les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 font obstacle à ce qu'un requérant soumette au Conseil d'Etat une QPC, fondée sur les mêmes moyens, identique à celle qu'il a formée devant la cour administrative d'appel et qu'elle a refusé de transmettre, elles lui permettent, en revanche, de former devant le Conseil d'Etat une QPC portant sur les mêmes dispositions, mais comportant des moyens nouveaux. Le Conseil d'Etat examine seulement le bien fondé de ces moyens nouveaux.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 1er février 2011, SARL Prototype Technique Industrie (Prototech), n° 342536, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2012, n° 351795
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:351795.20120201
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