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02/02/2012 | FRANCE | N°351600

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 02 février 2012, 351600


Vu le mémoire, enregistré le 4 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE SONEPAR, dont le siège est 24 rue des Canonniers à Saint-Quentin (02100), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SOCIETE SONEPAR demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 10VE01418 du 7 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0808520 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa dema

nde de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les...

Vu le mémoire, enregistré le 4 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE SONEPAR, dont le siège est 24 rue des Canonniers à Saint-Quentin (02100), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SOCIETE SONEPAR demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 10VE01418 du 7 juin 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0808520 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt mises à sa charge au titre des exercices 2004 et 2005, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu l'article 209 B du code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SOCIETE SONEPAR,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SOCIETE SONEPAR ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : "Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...)" ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : "I. Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient. / Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code. / L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. / I bis 1. Lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement 10 p. 100 au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une société ou un groupement, établi hors de France, ou détient dans une telle société ou groupement une participation dont le prix de revient est égal ou supérieur à 22 800 000 euros et que cette entreprise, cette société ou ce groupement est soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, le résultat bénéficiaire de l'entreprise, de la société ou du groupement est réputé constituer un résultat de cette personne morale et, s'il s'agit d'une société ou d'un groupement, ce résultat est retenu dans la proportion des actions, parts, droits financiers qu'elle y détient directement ou indirectement. (...) / 3. Le résultat mentionné au 1 fait l'objet d'une imposition séparée. Il est réputé acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entreprise, de la société ou du groupement, établi hors de France. Il est déterminé selon les règles fixées par le présent code à l'exception des dispositions autorisant des provisions ou des déductions spéciales ou des amortissements exceptionnels et des dispositions prévues aux articles 39 terdecies et 223 A. / 4. L'impôt acquitté localement par l'entreprise, la société ou le groupement, établi hors de France, est imputable sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés et, s'il s'agit d'une société ou d'un groupement, dans la proportion mentionnée au 1. / II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas si l'entreprise établit que les opérations de la société étrangère n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : - lorsque la société étrangère a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; - et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. / II bis. Les dispositions du I bis ne s'appliquent pas si la personne morale établit que les opérations de l'entreprise, de la société ou du groupement, établi hors de France n'ont pas principalement pour effet de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où il est soumis à un régime fiscal privilégié. Cette condition est réputée remplie notamment : / Lorsque l'entreprise, la société ou le groupement établi hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective ; / Et qu'il réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local. (...) / IV. (...) / 3. Les dispositions du I sont abrogées et remplacées par celles du I bis pour la détermination des résultats imposables des exercices de l'entreprise mentionnée audit I, ouverts à compter du 1er janvier 2003. (...) / 4. Les dispositions du II bis s'appliquent, à compter du 30 septembre 1992, aux personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés mentionnées au I bis." ;

Considérant que la SOCIETE SONEPAR a été soumise, en application de ces dispositions, à l'impôt sur les sociétés à raison des résultats bénéficiaires réalisés, au titre des exercices 2004 et 2005, par sa sous-filiale, la société Sonepar International Services (SIS) dont le siège est en Suisse ; qu'à l'appui de sa contestation de ces impositions, elle soutient que l'article 209 B du code général des impôts est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques résultant de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au principe de la présomption d'innocence qui découle de l'article 9 de cette même déclaration et au principe de la liberté individuelle garanti par l'article 66 de la Constitution ;

Considérant, en premier lieu, que la société SONEPAR fait valoir que l'article 209 B du code général des impôt méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques en ce qu'il a pour effet de l'imposer, au-delà de ses capacités contributives, à raison des bénéfices réalisés par un tiers et sans que l'intention frauduleuse de l'implantation de ce tiers dans un pays à fiscalité privilégiée soit démontrée ;

Considérant que l'article 209 B du code général des impôts, qui est applicable au litige, a pour objet de dissuader les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés de localiser une partie de leurs bénéfices dans des sociétés établies dans des Etats ou territoires à fiscalité privilégiée au sens de l'article 238 A du code général des impôts, c'est-à-dire dans des Etats ou territoires où elles sont soit non imposables soit soumises à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France ; que si les dispositions du I bis de cet article, qui ont été appliquées à la SOCIETE SONEPAR, permettent, certes, d'imposer un contribuable à raison des bénéfices réalisés par un tiers, il résulte des dispositions du II bis du même article que le contribuable peut échapper à cette imposition s'il établit que les opérations du tiers en cause n'ont pas principalement pour objet d'échapper à l'impôt français et que cette condition est réputée remplie lorsque l'entreprise tierce exerce une activité économique effective et qu'elle réalise ses opérations de façon prépondérante sur le marché local ; que l'application de ce texte repose ainsi sur des critères objectifs et rationnels qui sont proportionnés à l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion fiscale poursuivi par le législateur ; que, par suite, cet article ne peut être regardé comme méconnaissant le principe d'égalité devant les charges publiques résultant de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ; que si l'article 209 B du code général des impôts institue une présomption, une telle présomption ne saurait être regardée comme une présomption de culpabilité en matière répressive relevant de l'article 9 de la Déclaration des droit de l'homme et du citoyen ;

Considérant, en dernier lieu, que les dispositions de l'article 209 B du code général des impôts, qui se bornent à instituer un régime d'imposition particulier, sont sans rapport avec le principe de liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution ; qu'elles ne sauraient, dès lors et en tout état de cause, être regardées comme portant atteinte à ce principe ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée par la SOCIETE SONEPAR, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 209 B du code général des impôts porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SOCIETE SONEPAR.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SONEPAR et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351600
Date de la décision : 02/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2012, n° 351600
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:351600.20120202
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